Un concert de casseroles écourté et une marche stoppée avant même d'avoir commencé ce mardi 20 février à Cotonou. Le rassemblement des femmes contre la vie chère n’a pu avoir lieu, en raison d’un fort déploiement policier. Loin de rester muselées, elles ont adressé au président Talon, une lettre de doléances.
Elles sont revendeuses, artisanes, ouvrières, femmes de ménage, paysannes, femmes au foyer, apprenties, retraitées, veuves, fonctionnaires, licenciées des entreprises publiques et privées, jeunes filles sans emploi, mères, épouses et sœurs des hommes de ce pays… Elles s’étaient données rendez-vous mardi 20 février 2018 au cœur de Cotonou pour dire leur colère contre la vie chère.
Nous voulons aller dire au Président que nous avons faim !
Les marcheuses à Cotonou
« Nous voulons aller dire au Président que nous avons faim », scandaient les femmes réunies ce mardi matin. Elles s’étaient données comme point de ralliement la Bourse de Travail de la capitale béninoise avec l’intention de marcher vers le palais du président. Seulement, surprise (ou pas), les forces de sécurité avaient bouclé toutes les voies d’accès à cette zone.
Selon le site
Benin Times, les organisatrices de la marche bien qu’ayant accompli les différentes démarches administratives en la matière n’aurait pas eu l’autorisation des autorités locales pour la tenue de leur marche. C’est ce qui expliquerait la forte présence de la police république qui a très tôt bloqué toutes les voies d’accès à la Bourse du Travail. Selon
La Nouvelle Tribune, le préfet Toboula a expliqué sur la radio nationale, que la présidence de la République était située dans une
« zone sensible » et que la police ne pouvait donc pas laisser les marcheuses investir cette zone où se situent en plus de la présidence,
« le plus grand hôpital du Bénin qui reçoit les urgences à tout moment (et) l’ambassade de France ». Thérèse Waounwa, présidente du Comité national des revendeurs, vendeurs et artisans du Bénin (Conarab) a fustigé le comportement des policiers. Celle qu’on connait aussi sous le nom de Dame de fer, militante pour les droits humains de longue date, met en cause le régime Talon qui selon elle, ne laisse pas les libertés s’exprimer.
Elle s’est exprimée sur
les ondes de nos confrères de RFI :
« Les conditions de vie des commerçants se sont dégradées. Les prix ont augmenté. Ce sont les femmes qui sont aussi les actrices de la vie sociale. C’est elles qui souffrent en premier si les enfants ne mangent pas. Nous sommes des mères d’enfants, et nous considérons Patrice Talon comme un de ces enfants qui lorsqu’il fait quelque chose qui n’est pas bon, c’est sa maman qui va lui parler ! »Des casseroles contre la faim
La présidente de la Conarab, Thèrese Waounwa avait lancé un appel aux femmes la semaine dernière, leur demandant de sortir massivement munies de leur casserole vide et de leur marmite vide pour exprimer leur colère contre la faim.
L’initiative de cette marche avait été prise lors de l’assemblée générale de diverses associations de femmes le 12 février dernier à la Bourse du travail de la capitale béninoise.
Thérèse Waounwa est loin d'être une inconnue sur la scène politique béninoise,
« militante jusqu’au bout des ongles, cette femme fait partie des figures qui se sont illustrées dans le combat contre la gouvernance du régime marxiste-léniniste du Parti de la Révolution populaire du Bénin (Prpb). Elle a participé aux combats les plus périlleux » dit d’elle le site
Fraternité. En août 2017, elle avait pris la défense des populations installées sur les berges du quartier Enagnon à Cotonou, qui avaient été expulsées par les autorités, en raison d’un risque d’érosion des côtes. Des indemnités avaient été annoncées, jugées insuffisantes par les syndicats.
Quand rien ne va dans le pays, celles qui sont les premières victimes c’est nous, les femmes.
Extrait de la lettre adressée au Président de la République du Bénin
Malgré leur marche avortée, les femmes marcheuses ont tenu à adresser une lettre de doléances au chef de l’Etat, dont voici un extrait:
« Oui Monsieur le Président, le peuple a faim, et comme tout le monde le sait, quand rien ne va dans le pays, celles qui sont les premières victimes c’est nous, les femmes. C’est nous qui sommes chargées du repas quotidien dans les familles ; qui sommes les premières à recevoir les lamentations et les plaintes du mari dont on a fermé l’entreprise, du mari qui a perdu son emploi et qui ne peut plus donner l’argent mensuel de la nourriture et qui de ce fait tombe dans une dépression sans nom. Nous sommes celles-là qui avons sous le toit, l’enfant qui a terminé ses études et qui se trouve sans emploi. Nous sommes celles-là qui courront à gauche et à droite pour pouvoir trouver le repas quotidien à nos familles. » (à retrouver en intégralité ici)