A la question, qui sont les impressionnistes ? On vous répondra Manet, Renoir, Pissarro, Degas. Que des hommes... Vraiment ? C'est oublier celle qui fut l'une des fondatrices de ce mouvement : la peintre Berthe Morisot, souvent uniquement présentée comme l'épouse de Manet. Le Musée national des Beaux-Arts du Québec remet à la place qu'elle mérite cette grande artiste en lui consacrant une exposition, jusqu’au 23 septembre 2018.
« Je ne crois pas qu’il y ait jamais eu un homme traitant une femme d’égale à égal et c’est tout ce que j’aurais demandé, car je sais que je le vaux » : elle avait raison, Berthe Morisot, de dire cela car, oui, elle méritait d’être traitée d’égale à égal avec ses pairs impressionnistes.
Elle possédait autant de talent que les Manet, Monet et Renoir qu’elle fréquentait mais elle est malheureusement moins bien connue du grand public qu’eux.
C'est pour lui rendre hommage que le Musée national des Beaux-Arts du Québec lui consacre cette exposition, présentée jusqu’au 23 septembre 2018.
En collaboration avec la Fondation Barnes de Philadelphie, le Dallas Museum of art et le musée d'Orsay, « Berthe Morisot, femme impressionniste », est une première sur le continent nord-américain.
Fondatrice du mouvement impressionniste
Née en 1841 à Bourges dans une famille aisée, Berthe Morisot s’initie à la peinture
auprès du paysagiste Camille Corot. Elle sera l’une fondatrices du mouvement
impressionniste et une de ses principales représentantes : elle fera partie des huit peintres qui vont faire la première exposition du groupe en 1874 et elle exposera ses toiles à sept des huit expositions des impressionnistes. Elle aussi va sortir de l’atelier pour aller peindre la lumière du jour et chercher à
« rendre une figure en plein air » comme elle disait. Ses œuvres seront appréciées des critiques et des amateurs.
Une artiste accomplie donc, au même titre qu’un Manet, Monet ou Renoir, avec lesquels elle va entretenir des relations d’amitié.
Elle a été assez rapidement lue à travers le prisme d'être une femme, réduite à une peinture de femme, avec des sujets domestiques, des sujets féminins
Sylvie Patry, Musée d'Orsay
Comment expliquer alors qu’elle soit moins connue que ses collègues masculins ?
Tout simplement parce qu’elle est une femme ! En cette fin de 19 ème siècle, se faire reconnaître comme artiste à part entière quand on est femme, semble quasi-impossible, surtout dans l’art pictural.
« Elle a été assez rapidement lue à travers le prisme d'être une femme, réduite à une peinture de femme, avec des sujets domestiques, des sujets féminins, donc ça empêchait probablement le public et les historiens de prendre la mesure de son art », explique Sylvie Patry, conservatrice en chef des collections du Musée d'Orsay.
Mais Berthe Morisot était une femme de caractère : quand elle épouse Eugène Manet, le frère d’Édouard Manet, elle continue de peindre et elle signe ses toiles de son nom de jeune fille. Elle peindra jusqu’à la fin de sa vie.
La peintre des femmes de son époque
L’exposition présente 55 des plus belles œuvres de Berthe Morisot. Une œuvre dont les femmes sont le sujet de prédilection. Que ce soit la « Parisienne » de l’époque, femme à la mode, élégante et raffinée, qui se fait une beauté dans son boudoir ou qui profite de loisirs dans des lieux à la mode, mais aussi la femme qui travaille : nourrice, couturière, servante, cuisinière.
La maternité va aussi devenir une source d’inspiration pour l’artiste : elle va multiplier les tableaux sur sa fille Julie qui devient son modèle préféré, de poupon, jusqu’à son adolescence – le tiers de son œuvre lui est consacré.
Berthe Morisot peint donc les femmes qui l’entourent : elle pose sur elles un regard enveloppant de douceur et de délicatesse qui transpire de ses tableaux. Ses œuvres sont un remarquable témoignage des mœurs de cette époque.
L’audace du « non finito »
L’art de Berthe Morisot se caractérise aussi par ce style qu’elle va adopter dans les années 1880 de « non finito », d’inachevé, une volonté de laisser croire à celui ou celle qui contemple sa toile qu’elle ne l’a pas finie. Des traits de pinceaux qui s’estompent, des fondus qui se perdent dans la toile… l’artiste se fera beaucoup critiquer pour cette audace qui va pourtant singulariser son œuvre. Elle va aussi jouer sur la lumière en multipliant les tableaux ayant comme cadres des fenêtres, des vérandas, des seuils, ce qui lui permet de multiplier tout en subtilité les effets entre l’intérieur et l’extérieur.
Ce n’est que dans les années 1890 que l’artiste va pouvoir s’aménager un salon-atelier dans lequel elle va peindre une centaine de tableaux en un peu plus de trois ans, dont le quart a survécu jusqu’à nous. Berthe Morisot meurt d’une grippe en 1895 à l’âge de 54 ans.
La singularité de Berthe Morisot fut de vivre sa peinture et de peindre sa vie.
Paul Valéry, écrivain, neveu de Berthe Morisot
«
La singularité de Berthe Morisot fut de vivre sa peinture et de peindre sa vie », a
dit Paul Valéry, son neveu par alliance. Grande artiste que cette peintre qui mérite d’être aussi connue et reconnue que ses collègues masculins en impressionnisme…