Dans la soirée du 26 juin 2014, le propriétaire de la Master Sports Shoe Factory a fermé son usine et s’est envolé pour sa Corée du sud natale sans payer ses employées. Depuis, les 717 ouvrières sont déterminées à réclamer leur du et manifestent tous les jours devant l’usine, l’ambassade de la Corée du sud et le ministère du Travail. « Nous sommes toutes très fâchées d’avoir perdu notre travail. Au moins, depuis que nous avons le droit de faire la grève, nous sentons que nous avons un certain pouvoir. Nous pouvons nous battre pour nos droits », explique Zin Mar Myo, une ouvrière de 24 ans. « Nous continuerons à faire la grève tant que nous n’aurons pas reçu notre argent », ajoute-t-elle.
447 grèves depuis 2012
Avant le départ de la junte militaire en 2011, des scènes comme celle-ci étaient inimaginables. Aujourd’hui, elles sont monnaie courante. Selon le ministère du Travail birman, depuis la légalisation des syndicats il y a deux ans, 959 organisations militant pour les droits des travailleurs ont été créées. L’industrie du vêtement elle, majoritairement composée de travailleuses, a recensé 447 grèves depuis 2012.
Daw Muo Myo Aye est à la tête de l’usine de vêtements Myitta Yait, située dans la zone industrielle de Shwe Pyi Thar, à une heure au nord de Yangoon. Cette ancienne ouvrière emploie actuellement une quinzaine de femmes qui ont perdu leur travail à la suite d’un litige avec une usine de laine locale. A l’époque c’est Daw Muo Myo Aye qui organisait les grèves à l’usine de laine. Membre du parti « Unité Nationale » dans lequel elle milite pour les droits des travailleurs depuis plusieurs années, la femme de 45 ans offre également à ses ouvrières des formations syndicales et en droit du travail. « Je veux former les femmes pour qu’elles puissent créer un nouveau marché, pas seulement en tant qu’ouvrières, mais en tant que patronnes », affirme Daw Muo Myo Aye.
Des pénalités disproportionnées
Sous la junte miliaire, faire la grève était formellement interdit et passible de peines d’emprisonnement. Malgré les réformes depuis la dissolution de la junte militaire, plusieurs femmes craignent toujours ce type de moyen de pression. « Les employés n’ont aucune protection contre les conséquences négatives de la grève. La loi ne supporte pas encore les employés si les patrons ne tiennent pas leurs promesses », expliquent Daw Muo Myo Aye.
Les pénalités pour les patrons et les employés sont complètement disproportionnées. « Si un patron fait quelque chose d’illégal, il reçoit une amende de 500 000 kyat (500$). Par contre, pour un employé, l’amende équivaut à 30% de son salaire annuel en plus d’une peine d’emprisonnement », ajoute-t-elle.
Daw Mar Mar Oo milite elle aussi pour les droits des travailleurs. Avec l’organisation « Génération 88 », elle tente de créer un réseau d’organisations de travailleurs à travers le pays. Selon elle, les travailleurs se font exploiter parce qu’ils ignorent leurs droits et ne connaissent pas la loi. « Les organisations qui oeuvrent pour la défense des travailleurs ne sont pas encore très efficaces parce que les travailleurs ne connaissent pas leurs droits ni la loi. On ne peut pas régler le problème des conditions de travail tout de suite. Tout ce qu’on peut faire pour l’instant est d’aider les travailleurs au cas par cas ».
Depuis près d'un an, les manifestations se poursuivent et s'étendent en Birmanie. D'autres propriétaires malhonnêtes, de Corée du Sud eux aussi pour la plupart, se sont évanouis dans la nature, sans payer leurs salariés. Certains continuent à verser des salaires de misère à ces travailleuses pauvres parmi les pauvres. Aux dernières nouvelles, voilà un mois, le gouvernement birman prêtait main forte aux industriels étrangers pour réprimer les protestations.

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