Fil d'Ariane
"Bonne Mère", c'est le surnom chantant et bien connu de la basilique Notre-Dame-de-la-Garde qui domine Marseille. Une bonne mère et une super maman, ainsi pourrait-on aussi décrire Nora, l'héroïne du film d'Hafsia Herzi, incarnée par Halima Benhamed, pour la première fois au cinéma. Cette mère courage élève seule ses enfants et petits-enfants. Elle cumule les emplois et les soucis, notamment celui d'un fils aîné en détention, pour lequel elle doit payer un avocat.
"Dans les quartiers nord de Marseille, il y a beaucoup de mères seules, de mères isolées et j'avais envie de rendre hommage à ces femmes", confie la réalisatrice de 34 ans, elle-même élevée par une mère laissée seule avec quatre enfants. "Les femmes portent beaucoup sur leurs épaules", ajoute-t-elle.
Ce portrait pudique restitue aussi le bouillonnement de la cité portuaire et son art de la débrouille à travers des dialogues et de nombreux personnages pleins de mordant.
C'est en puisant dans ses souvenirs d'enfance dans les cités de Marseille que l'actrice Hafsia Herzi, révélée dans La Graine et le Mulet il y a 12 ans, transforme l'essai à Cannes. Présenté dans la section "Un certain regard", Bonne mère sort en salles en France le 21 juillet 2021.
Sélectionné au festival de Cannes, son deuxième film sort aujourd’hui @HafsiaHerzi est mon invitée sur @Tv5monde dans une émission inédite enregistrée au @Festival_Cannes pour #BonneMère tourné dans les quartiers nord de Marseille, très touchant et superbement réalisé pic.twitter.com/mDauyOPAfu
— Patrick Simonin (@PatrickSimonin) July 21, 2021
Le tournage a été réalisé dans la cité en prise avec le trafic de drogue où la réalisatrice a grandi, et où elle conserve des liens, avec exclusivement des acteurs non professionnels : "pour moi, c'était une évidence (...) pour apporter de la crédibilité à l'histoire" et "montrer des visages qu'on n'a pas l'habitude de voir au cinéma". Les exigences en ont été redoublées. Il y a eu beaucoup de répétitions, de liens humains à nouer et de travail du cadre avant de pouvoir filmer, le plus souvent en une seule prise.
Une démarche en écho avec le propre parcours d'Hafsia Herzi : elle a elle-même démarré à l'écran sans formation, dans La Graine et le mulet (2007) d'Abdellatif Kechiche, qui lui a valu un prix à Venise puis un César du meilleur espoir féminin, et a lancé sa carrière.
Revoir >Hafsia Herzi dans l'émission "L'invité" de TV5monde pour son premier film en tant que réalisatrice.
Les (bonnes) critiques sont au rendez-vous de son second long métrage. "Après un premier long métrage réussi, Bonne Mère, présenté à 'Un Certain Regard', confirme les talents de cinéaste d’Hafsia Herzi", lit-on sur lesinrocks.com. "De bruit, de fureur, de fous rires et de douceur : voilà comment décrire le cinéma de Hafsia Herzi, qui s’impose comme une auteure à part entière en seulement deux films", écrit le magazine Première. "Bonne Mère est le portrait de cette résistante qui plie mais ne rompt pas. Le regard que Hafsia Herzi pose sur elle est bouleversant d’humanité mais dépourvu d’angélisme".
"Bonne mère peint des scènes d'ensemble de grande justesse, lors desquelles brille sa troupe de comédiens non professionnels", souligne Libération, qui salue la sincère et subtile prestation d'Halima Benhamed dans le rôle "d’une p’tite mère courage de la pire cité de Marseille qui se rend jusqu’à son lieu de travail dans un aéroport, où elle fait le ménage dans les avions d’Air Corsica (...) et alors qu'un mince sourire persiste sur son beau visage douloureux". Pour Première, Hafsia raconte "par un prisme majoritairement féminin ces quartiers que le cinéma a surtout montrés via des figures masculines".
"Bonne Mère juxtapose des instants drôles ou poignants, des chansons et des dialogues tressés avec cette verve, cette tchatche qui n'appartient qu'au Sud", commente le site LesEchos, qui fait le parallèle entre l'indestructible Marseille et sa sainte protectrice Bonne Mère, et le combat de l'héroïne Nora, qui lance tel un mantra dans le film : "Tant que je suis debout, je resterai solide".