Bouchra Karboubi, première femme arbitre marocaine chez les hommes

C'est une première dans l'histoire du football du monde arabe : une femme a arbitré la finale d'une compétition masculine. C'était lors de la finale de la Coupe du Maroc le 14 mai dernier à Agadir : Bouchra Karboubi, 34 ans, a mené la rencontre du bout de son sifflet. Une consécration pour la jeune femme, arbitre internationale depuis 2016, qui donne une visibilité inédite pour les femmes dans une discipline masculine. 
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Bouchra Karboubi
Bouchra Karboubi, 34 ans, arbitre internationale, vient d'officier lors d'une finale masculine au Maroc, et brise un plafond de verre dans le monde du football arabe. 
©Bouchra Karboubi
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Il y a des premiers coups de pied, et des premiers coups de sifflet qui marquent de leur empreinte l'histoire du foot. C'est sans aucun doute ce qu'il faudra retenir de la finale de la Coupe du Trône 2022, le championnat national marocain. Un match d'hommes arbitré par une femme... Carton plein pour l'arbitre marocaine Bouchra Karboubi.


L'annonce avait été faite quelques jours plus tôt dans un communiqué officiel de la Fédération royale marocaine de football (FRMF) repris dans les médias. Bouchra Karboubi, policière de métier, "dirigera la finale de la Coupe du Trône entre l'AS FAR, le club des Forces armées marocaines, au Moghreb Atletico de Tetouan (MAT) samedi à Agadir (sud)". Il s'agit d'une "première" au Maroc au niveau d'une finale, précise la Fédération, mais également dans le monde arabe. 

Et c'est aussi une femme, Fatiha Jermoumi, qui était son assistante lors de cette rencontre. 

Arbitre internationale à 28 ans

Née il y a 34 ans à Taza en 1988, elle a choisi de vivre sa passion pour le ballon rond dès l’adolescence. Les débuts ne sont pas si faciles dans cette petite ville conservatrice nichée au nord-est du pays, au pied de l’Atlas. Dernière d’une fratrie de cinq enfants, Bouchra s'adonne à sa passion pour le ballon rond avec sa bande de copines sur des terrains de fortune. Mais une école d'arbitrage ouvre ses portes dans sa ville natale. La jeune femme saisit l'occasion, contre l'avis de son entourage, et surtout de la part de ses frères qui considèrent le football comme un sport d'homme. Aujourd'hui, elle tient à remercier sa mère, qui, elle, l'a toujours soutenue et encouragée sur cette voie. Elle-même est la maman d’une petite Dina, 5 ans.

En 2007, le Maroc se dote d’un championnat national féminin. La jeune arbitre quitte Taza pour rejoindre Meknès. Son père vient la voir à l’entraînement et constate à quel point son engagement est sérieux  : "C’est alors qu’il ordonna à mes frères de respecter mon choix". "Si j’ai un conseil à donner aux parents, c’est d’initier leurs filles à la pratique sportive, mais aussi d’être attentifs à leurs qualités. Si une fille a un penchant pour le sport en général, notamment le football ou l’arbitrage, il est important de l’orienter et de l’encourager", confie-t-elle dans un entretien à la presse marocaine.

Elle officie alors comme arbitre dans des matchs féminins et est désignée arbitre nationale. Elevée au statut d'arbitre internationale en 2016, celle qui enfile l'uniforme civil d'inspecteur de police à la ville - son autre rêve de petite fille qu'elle a aussi réalisé - devient la première femme marocaine au sifflet d'un match de première division du championnat professionnel masculin. 

La Confédération africaine de football (CAF) la sélectionne parmi les arbitres de la catégorie "Élite 1". Elle dirige des matchs à la CAN féminine 2018 au Ghana, en plus de trois tournois nord-africains et plusieurs autres rencontres internationales. Selon, le site lamarocaine.com, cet accès au monde professionnel est "une reconnaissance pour ses efforts". "Et elle n’est pas prête de s’éclipser des pelouses : son nom figure parmi les arbitres candidates à diriger les matchs des phases finales de la Coupe du monde féminine de 2023", ajoute le site d'info marocain.

Autre date à saluer d'un carton vert : en 2020, elle est la première femme à arbitrer un match de première division du championnat professionnel masculin au Maroc (le Botola Pro1, équivalent de la Ligue 1 en France, ndlr). Quand elle foule la pelouse le 10 octobre 2020, Bouchra Karboubi est "gagnée par un stress et une joie indescriptibles", rapporte le journal Ouest-France qui lui consacre plusieurs portraits. "La pression était grande sur mes épaules. Je voulais être à la hauteur, donner l’exemple pour une génération qui arrive derrière", confie-t-elle au journaliste, "Les joueurs s’y sont fait. Pour eux, il n’était plus question de genre : homme ou femme. Ils discutaient les décisions face à un arbitre, point barre. Tout s’est bien passé." 

Plus récemment, elle a fait partie de la cellule de l'assistance vidéo à l'arbitrage (VAR) lors de la récente finale de la CAN 2022  en février entre le Sénégal et l'Egypte. 

Une victoire symbolique

Si au soir du 14 mai à Agadir, la victoire finale est revenue à l'équipe militaire, c'est une autre victoire encore bien plus large que remporte la jeune femme, dont le travail a été salué aussi bien par la presse que sur les réseaux sociaux. 

"Je ne fais jamais les choses à moitié; je vise toujours l’excellence dans tout ce que j’entreprends, car je sais combien le chemin est long et sinueux. Il faut être au summum de sa forme, à savoir mentale et physique. Même si le monde de l’arbitrage est purement masculin, j’ai fait en sorte de le conjuguer au féminin", confie-t-elle dans un entretien publié sur le site La Quotidienne. Elle reconnait avoir dû effectuer "un long parcours de combattant"

"Plus globalement, elle fait figure de modèle dans un pays qui, s’il consacre l’égalité femmes-hommes dans sa Constitution depuis 2011, doit encore relever d’immenses défis en matière de participation des femmes dans les sphères économiques, politiques et sociales", écrit Le Monde Afrique.

Plusieurs femmes arbitres se sont fait une place dans le football masculin ces dernières années. Ainsi Stéphanie Frappart est devenue le 14 mai dernier la première femme à arbitrer une finale de Coupe de France.