Se partager le court
La première fois qu'elle vient dans sa salle de boxe de Montreuil, à l'est de Paris, un des hommes tchétchènes qui tiennent les lieux lui rétorque : "Ce n'est pas pour les filles ici." Pas grave. Elle vient quand même, s'entraîne comme les autres. Ou presque. Tous ses partenaires d'entraînement n'acceptent pas de "tourner avec elle", c'est-à-dire de faire ensemble les exercices au sol.
"Certains n'acceptent pas que je puisse jouer dans la même cour qu'eux", explique-t-elle, amère. Parfois, les exercices demandent à trois athlètes de s'allonger par terre, pour que les autres sportifs puissent exercer leurs prises. Un jour, alors qu'elle est au sol, les boxeurs la laissent seule, se contentant de travailler avec les deux autres hommes à terre. Elle les interpelle, prévient l'entraîneur. Certains défendent sincèrement leur réaction en évoquant la religion musulmane. D'autres, qui ne sont pas croyants, découvrent sur le ring qu'ils ont la foi. "Ils se cachent parfois derrière la religion. Certains pensent, par exemple, que si, pendant un combat, leur copine est dans l'assistance, elle sera jalouse", commente la jeune femme.
A l'issue de l'entraînement, elle
veut pleurer de rage. Quelques jours plus tard, l'entraîneur de boxe anglaise est absent. Le responsable de la salle lui demande de diriger l'échauffement. Elle se retrouve en face des garçons qui avaient préféré lui tourner le dos. Au menu : retroussage de manches et petits ronds avec les bras tenus à l'horizontale. Longtemps. Très longtemps. Les gaillards musclés prennent chaud, leurs visages rougissent. Clémence, dotée de bras courts et fins, a plus d'endurance. Et vlan, l'heure de la vengeance a sonné. "Après, certains sont venus me dire que l'entraînement, c'était bien."