Marielle Franco était conseillère municipale, elle militait pour la promotion des femmes noires, et contre la décision du président Michel Temer de confier à l'armée la sécurité de Rio et des favelas. Cette sociologue était l'une des voix qui comptaient dans le Brésil d'aujourd'hui. Elle avait 38 ans.
Tombée sous les balles de la violence qu'elle ne cessait de dénoncer... Portée par une foule effondrée, l'élue municipale de Rio, au Brésil, avait 38 ans.
Des milliers de Brésiliens ont manifesté dans les rues jeudi 15 mars 2018 leur indignation au lendemain de l'assassinat d'une conseillère municipale noire de Rio de Janeiro qui incarnait la lutte contre le racisme et la violence policière.
Marielle Franco, 38 ans, avait été abattue la veille, en plein centre-ville, alors qu'elle revenait d'un rassemblement pour la promotion des femmes noires. La voiture dans laquelle elle se trouvait a été criblée de balles, après avoir été prise en chasse sur quatre kilomètres par un autre véhicule. Un assassinat ciblé, mûrement préparé.
Une guerre sans fin
La presse nationale brésilienne lui rendait aussi hommage. "Marielle est là ! Tant d'hommages dans le pays." crie O Globo. Tandis que Estado De Minas reprend l'une des dernières phrases de la jeune femme : "Combien faudra-t-il de morts pour que cette guerre se termine ?"
Cette mort c'est une volonté de bâillonner ceux qui dénoncent les injustices, les atrocités. Marielle Franco faisait partie de cette catégorie. Elle était aux côtés des noirs, des pauvres, des habitants des favelas.
Ces quartiers populaires, elle y est née, elle y a grandi. Elle aussi a vécu au rythme des fusillades entre gangs, narcotraficants, et interventions policières particulièrement musclées.
Pas vraiment étonnant alors qu'une fois en politique elle soit devenue la porte-parole de ces habitants. Mais pas seulement : infatiguable activiste des droit humains, elle incarnait aussi un nouvel espoir, le renouveau d'une classe politique corrompue.
Cette question, c'est celle que se posent la démocratie, la justice, notre pays. Parce que les 4 tirs qui ont atteint Marielle Franco, ont aussi atteint la démocratie. Ils ont atteint les rêves des femmes noires de vivre avec dignité dans ce pays qui historiquement ignore les pauvres.Antonio Carlos Costa, président de l'ONG Rio de Paz
Il y a deux semaines, le conseil municipal l'avait chargée de présenter un rapport sur d'éventuels abus de militaire dans les favelas. Sans doute parce qu'elle s'était directement opposée à la décision du
président brésilien Michel Temer, le 16 février 2018, de confier à l'armée la sécurité de Rio pour tenter de contenir l'escalade de la violence.
Marielle Franco dénonçait depuis un accroissement de la violence policière dans les favelas, quartiers populaires où vit un quart de la population de Rio et où les autorités mènent une guerre sans merci contre le trafic de drogue.
"Combien de gens vont devoir mourir pour que cette guerre prenne fin", avait-t-elle publié dans l'un de ses derniers messages, le 14 mars sur son compte twitter, après une nouvelle tuerie.
Les enquêteurs ont d'ores et déja écarté la piste d'une tentative de vol qui aurait mal tourné, au profit de celle d'une éxécution, d'un assassinat politique. Même si elle ne faisait l'objet d'aucune menace. Ils ont aussi révélé que les balles provenaient d'armes appartenant à la police. Pour aussitôt ajouter que celles-ci avaient été volées, manière d'absoudre sans aller plus loin, les forces de l'ordre.
Une sorte d'indifférence au sommet de l'Etat
Le président Michel Temer, devant les caméras, d'un ton légèrement indifférent, a qualifié cet assassinat "
d'inadmissible", évoquant un "
attentat à la démocratie et à l'Etat de droit", à l'issue d'une réunion avec plusieurs ministres à Brasilia. Avant de redresser la barre sur son compte twitter : "
Je suis solidaire de sa famille et de ses amis, et je les soutiens dans leurs efforts pour que les auteurs de ce crime soient punis." On voudrait y croire...
Des voix partout dans le monde s'élèvent pour que la vérité soit faite, et que la justice passe. Comme celle d'Amnesty International qui réclame "
une enquête immédiate et rigoureuse", afin "
qu'il n'y ait aucun doute sur le contexte, la motivation et les auteurs" de l'assassinat de la conseillère municipale.
Des marches, des cortèges sont décidés à la hâte dans plusieurs villes de la planète, comme à Paris, ce samedi 17 mars.
Ce crime n'est pas sans rappeler d'autres assassinats de femmes, militantes, engagées, journalistes, sous toutes les lattitudes.
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