Désormais "première dame", depuis l'élection le 7 mai 2017 de son mari Emmanuel Macron, Brigitte Macron fut omniprésente à ses côtés dans le dernier sprint présidentiel français. Un choix pas seulement familial : attentive au moindre détail, cette enseignante au carnet d’adresses bien rempli est aussi une conseillère très écoutée du nouveau locataire de l’Elysée.
Sa personnalité attira les lumières près d'une année durant, parfois pour le meilleur, souvent pour le pire. En cause la différence d'âge inversée dans le couple que Brigitte forme avec Emmanuel Macron. Si personne ne trouve à redire aux 23 ans d'écart entre Donald Trump et sa femme Melania, c'est que c'est elle la plus jeune. Cela sert même la vanité virile, et donc l'image du président américain. En revanche la même différence affichée entre Brigitte et Emmanuel Macron, mais dans le sens opposé a valu au couple beaucoup de moqueries, et même des insultes et des jugements physiques indignes. Les clichés ont la vie dure.
Heureusement, des réactions, nombreuses, ont remis les détracteurs machistes à leur place. Comme Steevy Gustave, jeune élu de l'Essonne de Brétigny -sur-Orge, qui a poussé un cri de colère sur sa page Facebook, relayé par des milliers d'internautes. Avec en guise de conclusion cet avertissement "Désolé mais mon côté féminin ne supportera pas ces vieilles blagues pendant 5 ans !!!!"
Pourtant Brigitte Macron peut se prévaloir d'un parcours qui force l'admiration. Elle est quasiment la seule "première dame" (puisque c'est ainsi qu'on appelle les épouses des présidents) de la Vème république à avoir travailler, à avoir gagné sa vie, et à être fière de son métier : enseignante. L'éducation, la culture, deux domaines intimement liés, tant dans sa vie professionnelle que privée, où où elle pourrait encore s'investir.
Brigitte Macron, tout sauf une potiche
Ne rien laisser au hasard. Etre derrière, mais jamais trop loin. Brigitte Trogneux-Auzière-Macron n’est pas pour rien une enseignante professionnelle. L’ancienne professeure de français-latin du Lycée La Providence d’Amiens, puis de Saint-Louis de Gonzague, dans le très huppé XVIe arrondissement de Paris, connaît l’importance des détails pour conserver l’attention des élèves, sans pour autant imposer sa présence. «
Elle était une excellente prof. Mes enfants ont toujours été élogieux envers elle», confesse Henri de Castries, principal conseiller économique de… François Fillon.
L’ex-PDG mondial de l’assureur Axa, en disant cela, lève le voile sur ce que l’entourage d’Emmanuel Macron préfère parfois cacher. De 24 ans son aînée, sa femme Brigitte – épousée en 2007 au Touquet – dispose elle aussi d’un solide réseau de contacts et d’influence à Paris. Réseau familial de l’héritière d’une belle fortune picarde. Réseau marital car son premier mari, André Louis Auzière, la familiarisa très tôt avec le patronat local. Réseau Macron, enfin. «
Elle se complaît dans le rôle de l’épouse modèle, parce qu’elle sait ce qu’Emmanuel lui doit…» ironise un journaliste familier du couple, en paraphrasant le président sortant François Hollande qui évoquait ainsi la «loyauté» de son ex-ministre sur le plateau de France 2, voici tout juste un an.
"Ce supplément de maturité"
Le financier Henry Hermand, qui fit sa fortune dans les grands centres commerciaux de banlieue et soutint longtemps Michel Rocard avait d’ailleurs une habitude : toujours citer, à propos de Macron, le rôle clef joué par celle que son élève favori mit tant d’énergie à séduire au seuil des années 90. La prestance intellectuelle du jeune Emmanuel, meilleur élève de ses classes depuis le début de sa scolarité amiénoise, est alors évidente. Mais ce si séduisant garçon a besoin d’un port d’attache.
«
On oublie trop que Brigitte est prof, nous expliquait encore le paternaliste Henry Hermand en février 2016, avant de décéder quelques mois plus tard.
Elle sait déceler le potentiel d’un jeune, le cultiver, lui donner confiance.» Même son de cloche chez Bernard Spitz, patron de la fédération française des assurances et animateur des Gracques, le collectif d’intellectuels et de technocrates qui constitue l’épicentre de l’univers Macron. «
Sa réussite n’est pas celle d’un couple. Macron est à lui seul une formule 1 de la politique. Mais elle lui donne sans doute ce supplément de maturité qui fait la différence.»
L’âge toujours. Celle que la presse «people» compare à l’actrice Jane Fonda (née, elle, en 1937) à laquelle elle ressemble physiquement redoute évidemment les foudres des paparazzis. Son présumé recours à la chirurgie esthétique, souvent évoqué sur les médias sociaux, est d’ailleurs tabou au QG d’En Marche! où l’on peut croiser sa fille cadette, Tiphaine, née en 1984. L’image du couple, complètement intégrée dans la stratégie présidentielle «d’Emmanuel», est donc verrouillée. Une agence spécialisée, Bestimage, assure le suivi photographique des excursions soi-disant privées, dont la dernière en date à Lisbonne, fin décembre.
Une coach médiatique, Michèle Marchand, gère les publications des reportages «intimes». Une journaliste de «Paris Match», la spécialiste du Vatican Caroline Pigozzi, est mise dans la boucle. Objectif: montrer l’affection qui lie ce couple si peu ordinaire. Montrer surtout que le candidat n’a pas de double vie, hétérosexuelle ou homosexuelle (il a lui-même pris les devants et démenti, avec humour, une liaison avec le PDG de Radio France Mathieu Gallet) : «
Brigitte a une force : elle sait ce qu’est le regard des élèves sur une prof. Elle lit dans les yeux des journalistes», nous confiait, le 4 février, l’un des plus proches collaborateurs de son mari, en marge de son grand meeting de Lyon.
Femme normale
L’autre atout maître de Madame Macron est d’être tout, sauf une potiche. Sa connaissance de la littérature française et latine, son goût naturel pour l’échange, son habileté à faire simple alors que rien n’est simple. Dans le TGV Paris-Strasbourg, en octobre 2016, l’auteur de ces lignes s’était par hasard retrouvé à ses côtés. Son premier propos: «
Ecrivez bien que je suis une femme normale. Je fais mes courses comme tout le monde. Je ne suis pas déconnectée.» Seconde remarque: «
Emmanuel a un talent fou qu’il ne doit pas gâcher. Or vous, les journalistes, vous attendez toujours le moment du gâchis.» La descente du TGV avait suivi. Brigitte était alors restée en retrait. Laissant des étudiantes s’attrouper pour les dédicaces: «
Me cacher n’aurait aucun sens. Etre sur le devant de la scène non plus. Je suis là où je dois être: à côté. Jamais loin.»
Je suis là où je dois être: à côté. Jamais loin. Brigitte Macron
Trop belle, l’histoire? «
Que Macron et son épouse fassent du storytelling, c’est l’évidence. La question, c’est pourquoi cela marche si bien?» interrogeait dans nos colonnes, fin 2016, le commentateur Christian Salmon auteur des «Derniers jours de la Ve République» (Ed. Fayard). La réponse tombe en parlant avec les membres de l’équipe Macron: «
Elle fonctionne comme une professeure politique. Elle sait distinguer la com du reste. Sacrée maîtrise!» Lui joue le jeu à fond. Il sait combien son histoire de lycéen énamouré peut intriguer, mais aussi combien elle peut émouvoir les femmes plus âgées, minées à l’idée d’être délaissées par leur conjoint. Son porte-parole, Sylvain Fort, a reçu la mission d’éplucher les journaux à scandale tels «Voici», «Closer» ou «France Dimanche». Ce dernier est même poursuivi en justice pour avoir faussement annoncé la séparation du couple. La professeure sait sanctionner les indisciplinés.
Dimanche 7 mai 2017, au soir de l'élection du 8ème président de la Vème République, elle était là où elle devait être, pas loin puis à côté, sur la scène, devant la pyramide du Louvre, après le discours d'Emmanuel Macron.