Fil d'Ariane
Le Haut-Commissaire de l'ONU aux droits humains a exigé lundi 16 janvier la libération "immédiate et inconditionnelle" d'une cinquantaine de femmes enlevées jeudi 12 et vendredi 13 janvier dans le nord du Burkina Faso par des djihadistes présumés. Selon la télévision publique et une source sécuritaire, elles ont été libérées vendredi 20 janvier.
"Je demande la libération immédiate et inconditionnelle de toutes les femmes enlevées et aux autorités nationales de mener rapidement une enquête efficace, impartiale et indépendante pour identifier les responsables et leur demander de rendre des comptes". Le Haut-Commissaire de l'ONU aux droits humains, l'Autrichien Volker Türk, s'est dit "alarmé", dans un communiqué ce lundi 16 janvier, par l'enlèvement de dizaines de femmes à Arbinda, dans le nord du Burkina Faso. Selon lui, cela pourrait constituer "la première attaque de ce type ciblant délibérément des femmes au Burkina Faso".
Elles sont plus d'une cinquantaine à être portées disparues, suite à deux rapts, entre jeudi 12 et vendredi 13 janvier par des djihadistes présumés, selon les sources locales de l'AFP. Arbinda est une localité régulièrement touchée par des violences.
Les femmes, dont des jeunes filles, étaient parties avec leurs charrettes dans la journée du jeudi 12 janvier. "Elles se sont regroupées pour aller cueillir des feuilles et des fruits sauvages en brousse parce qu'il n'y a plus rien à manger", explique un des habitants. “Sur le terrain de leurs occupations, ces femmes voient régulièrement des groupes djihadistes", précise Daouda Diallo, membre du Collectif contre l'impunité et la stigmatisation des communautés, dans une interview accordée à TV5MONDE. Mais cette fois-ci, selon le témoignage de plusieurs habitants et de responsables locaux souhaitant rester anonymes, ils auraient décidé d'enlever un premier groupe d'une quarantaine de femmes.
À (re)voir : Burkina Faso : enlèvement d'au moins une cinquantaine de femmes dans le nord du pays
"Le jeudi soir, ne les voyant pas revenir, nous avons pensé que leurs charrettes avaient eu un problème. Mais trois rescapées sont revenues nous dire ce qu’il s’était passé", confie un habitant du village à une dizaine de kilomètres au sud-est d'Arbinda.
Selon un autre habitant, le lendemain, à huit kilomètres au nord d'Arbinda, une vingtaine de femmes qui n'étaient pas informées du premier enlèvement, ont été à leur tour victime d'un rapt."Dans les deux groupes, des femmes ont réussi à échapper à la vigilance des terroristes et ont regagné le village à pied" a-t-il expliqué.
Selon des responsables locaux qui ont confirmé les enlèvements, l'armée et ses supplétifs civils ont effectué des ratissages de la zone, sans succès. "Nous pensons que les ravisseurs les ont emmenées dans leurs différentes bases", confie quant à lui un habitant.
Le gouverneur de la Région du Sahel assure pour sa part que tout est mis en œuvre pour les sauver. “Des recherches sont en cours pour retrouver “saines et sauves”, la cinquantaine de femmes enlevées”, peut-on lire dans un communiqué rédigé par le gouverneur lui-même, le lieutenant-colonel Rodolphe Sorgho.
"Tous les moyens sont mis en œuvre, sur le plan terrestre et aérien pour retrouver ces femmes, a précisé à l'AFP une source sécuritaire. Des aéronefs survolent la zone pour détecter tout mouvement suspect".
Dans un communiqué partagé mardi 17 janvier, les membres du groupe "Voix féministes d'Afrique francophone" dénoncent quant à elles "l'inertie des autorités du Burkina-Faso et des institutions de la sous-région." "Nous décrions et dénonçons ce silence en exigeant des actions de la part des autorités pour la libération de ces femmes", peut-on lire. Elle en appelle aussi à l'action de la CEDEAO et de l'Union Africaine.
#FreeArbindaWomen
— Radical Feminist (@CedayBoho) January 17, 2023
L'inertie des autorités du Burkina-Faso et des institutions de la sous-région est révoltante. Nous décrions et dénonçons ce silence en exigeant des actions de la part des autorités pour la libération de ces femmes. pic.twitter.com/Q7M79qPSvN
Et pour cause, Arbinda et ses environs sont régulièrement le théâtre d'attaques djihadistes meurtrières (80 morts en août 2021, 42 fin 2019). "Ces enlèvements interviennent dans un contexte difficile dans une ville encerclée, attaquée, par des groupes armés extrémistes du nord depuis 2020”, rappelle Daouda Diallo.
En général, les femmes sont moins nombreuses et sont retenues moins longtemps (une journée environ). Elles subissent des sévices physiques (frappés et violées) et moraux (insultes). Elles sont attaquées lorsqu’elles se déplacent pour chercher à manger, chercher du bois de chauffe (pour préparer la cuisine s’il y a à manger) ou encore pour tenter de récupérer le bétail qu’elles avaient.
Ces derniers enlèvements intervenus le 12 et le 13 janvier constituent une nouveauté au Burkina Faso, selon plusieurs observateurs."C'est le premier enlèvement massif depuis le début de la crise sécuritaire et il faudra bien gérer cette situation pour éviter tout drame ou une récidive", a déclaré un officier supérieur, proche de l'état-major.
La zone au nord et l'est du pays, où près d'un million de personnes vivent selon l'ONU, est sous blocus de groupes djihadistes. Le capitaine Ibrahim Traoré, président de transition issu d'un coup d'Etat militaire le 30 septembre - le deuxième en huit mois - s'est donné pour objectif "la reconquête du territoire occupé par ces hordes de terroristes".
La France a de son côté condamné l'enlèvement de ces femmes "avec la plus grande fermeté", et appelé "à leur libération immédiate", tout en réaffirmant "sa solidarité ainsi que son engagement aux côtés du Burkina Faso".
Dans son journal de 20H00 (GMT et locales), la Radio-Télévision du Burkina (RTB) a montré des images de ces femmes, libérées vendredi 20 janvier et ramenées à Ouagadougou, évoquant une "opération" des forces armées. Une source sécuritaire a confirmé à l'AFP leur libération.