Fil d'Ariane
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En France, le système judiciaire est bicéphale : justice civile et pénale d'un côté, pour les affaires entre particuliers ; justice administrative de l'autre pour les cas qui opposent deux administrations ou collectivités entre elles, ou face à des citoyens. Les associations, comme la Ligue des droits de l'homme ont dont saisi les tribunaux administratifs pour attaquer les arrêtés municipaux d'interdiction du burkini pris par des maires, donc des collectIvités publiques (une trentaine à ce jour). C'est maintenant au juge suprême de cette branche judiciaire, saisie en "référé-liberté", qui se réunit le 25 août 2016, pour établir la jurisprudence en ce domaine, mais qui devra se conformer à la loi en cas de nouveau texte législatif, par exemple étendant l'interdiction de la burka et du niqab (voites intégraux) au burkini. Les juges ont annoncées qu'ils rendraient leur conclusion le 26 août à 15h. Quelles qu'elles soient, la polémique continuera sûrement.
Il y a des pays dans le monde où la tolérance serait essentielle
Justin Trudeau, Premier ministre canadien
Et voici que la querelle est attisée par des vagues venues d"outre Atlantique, où le Premier ministre canadien, Justin Trudeau a donné son opinion sur la question. Un plongeon dans le chaudron dont on peut dans un premier temps se demander, paraphrasant Molière dans les Fourberies de Scapin : "mais que diable allait-il faire dans cette galère ?". Justin Trudeau est en effet le premier personnage politique étranger de premier plan à s'être exprimé sur ce sujet, lors d'une conférence de presse où un journaliste lui demandait ce qu'il pensait des interdictions du burkini en France : « Il y a des pays dans le monde où la tolérance serait essentielle. (...) Mais je pense qu'au Canada, on devrait être rendu au-delà de la tolérance. Tolérer quelqu'un, c'est accepter qu'ils aient le droit d'exister, mais à condition qu'ils ne viennent pas nous déranger trop, trop chez-nous, là ». Et il a ajouté : « Au Canada, est-ce qu'on pourrait pas parler d'acceptation, d'ouverture, d'amitié, de compréhension ? C'est vers là que nous allons et c'est ce que l'on est en train de vivre à tous les jours quand on voit nos communautés diverses et riches, pas en dépit de leurs différences, mais bien grâce à ces différences ».
Jusque là, hors de France, seuls des éditorialistes avaient fustigé la position française. Mais au Canada, et en particulier au Québec les élus et le gouvernement se sont à leur tour empoignés sur la mise en place de mesures identiques dans les bassins de la Province. D'où la mise au point tout à la fois énergique et lasse du chef de gouvernement fédéral.
Les réactions ont afflué sur les réseaux sociaux en France où l'hostilité aux propos de Justin Trudeau a été bruyante. Tandis que sur place, on est partagé, mais parfois avec une pointe d'humour.
On félicite Trudeau pour ne pas bannir le burkini, mais j'aimerais bien vous voir vous baigner aux plages Canadiennes, habillés ou pas.
— Lana del Khey (@BalkanyeWest) 23 août 2016
A retrouver sur Terriennes, l'état du débat en France autour du Burkini :
> Burkini ou pas, telle est la question
Immédiatement après les décrets bannissant le burkini sur la Côte d'Azur, un écho s'était fait entendre à Montréal. La députée de la "Coalition avenir Québec (CAQ)" (centre droit) Nathalie Roy, ancienne journaliste et avocate, a dégainé la première pour demander les mêmes mesures au Québec parce que « le burkini représente un symbole très grave. Ce qu'on veut faire, c'est cacher le corps de la femme. Accepter le burkini, c'est admettre que le corps de la femme, c'est un objet de tentation, et qu'on doit absolument le faire disparaître. » On la voit ci dessous, le 17 août 2016, juste avant une entrevue à la chaîne canadienne RDI pour développer son point de vue sur le sujet.
En entrevue à RDI plus tôt aujourd'hui. #caq #polqc #assat pic.twitter.com/Hpa5dssV4o
— Nathalie Roy (@NathalieRoyCAQ) 17 août 2016
Des élues d'autres formations lui ont aussitôt répondu. « Ce que la police devrait faire actuellement, c'est de s'occuper du terrorisme, de l'intégrisme, des jeunes qui partent en Syrie et des parents qui sont tout seuls. », estime la députée Agnès Maltais, du Parti québécois (souverainiste) qui pense que ce débat n'a pas lieu d'être. Tandis que la parlementaire de Québec solidaire (écologiste et féministe, entre autres) Manon Massé estime que la CAQ cherche à « se faire du capital politique sur une question sensible. Si on veut jaser des systèmes d'oppression, que ce soit le burkini, que ce soit le string, on va en parler. Si on veut parler de la radicalisation, de l'extrêmisme et de l'État islamique, on va en parler. Mais s'il-vous-plaît, ne mêlez pas les deux débats ».
Le problème c'est le terrorisme islamique et ce n'est pas avec un code vestimentaire discriminatoire qu'on va lutter pour l'éradiquer #polqc
— Manon Massé (@ManonMasse_Qs) 17 août 2016
Le 23 août 2016, la polémique reprenait de plus belle, au Québec surtout, cette fois sur un autre sujet : les policières musulmanes de la Gendarmerie royale du Canada (GRC) sont désormais autorisées à porter le hijab, un voile qui couvre les cheveux, les oreilles et le cou, tout en laissant le visage découvert. La décision « de permettre aux membres féminins de confession musulmane de porter le hijab, si elles le désirent », vise à encourager ces dernières « à envisager une carrière avec la GRC », a indiqué le porte-parole du ministère de la Sécurité publique Scott Bardsley. Une permission déjà accordée depuis plusieurs années dans certaines villes canadiennes comme à Edmonton pour les policières, capitale de l'Alberta (sud du pays).
Aussitôt Nathalie Roy du CAQ a, une fois encore, eu la réaction rapide et contestataire : « le voile islamique ne sert qu'à asservir et soumettre les femmes, et devrait de ce fait être banni de l'uniforme policier ». Selon la députée de Montarville, le hijab fait partie des accessoires de l'islam radical et ne devrait pas être accepté par les services policiers québécois. Pourtant, sur la question du burkini, la députée a quelque peu adouci sa position estimant que "l'interdiction formelle" qu'elle réclamait pour ce maillot de bain islamique était difficilement applicable, et contraire aux chartes des droits québécoises et canadiennes.
Qu'il semble loin le temps des "accommodements raisonnables" qui réglaient le vivre ensemble et l'identité canadienne à force de négociations au Canada, jusqu'à ce que les attentats perpétrés depuis le 11 septembre 2001 par des terroristes se réclamant d'un islam radical les mettent à mal.
Le voile autorisé aux policières n'a pourtant rien de révolutionnaire. Cela fait des années que le Royaume Uni l'accepte et en mai 2016 l'Ecosse annonçait à son tour que les les hijabs feraient partie de l'uniforme de la police écossaise. Une initative saluée à sa façon par l'écrivain canadien Tarek Fatah (L'illusion tragique d'un Etat islamique) et fondateur du très libéral Congrès musulman canadien. "C'est ça l'intégration à l'écossaise : des Pakistanais montrent leur peau en kilt, et des Pakistanaises la cachent en hijab".
This is what integration means in Scotland:
— (((Tarek Fatah))) (@TarekFatah) 19 mai 2016
Pak Men show skin in Scot Kilts
Pak Women hide it in Arab Hijab
. pic.twitter.com/ieUgJLGdJ0
Et on laissera le mot de la fin, sans doute très provisoire jusqu'à la nouvelle poussée de fièvre burkinesque à l'humoriste française Sophia Aram : "Mi-burka, mi- bikini, le burkini... C'est quoi cette polémique ? Bientôt le djellaging ? À mi chemin entre la djellaba et le legging... (.../...) Mon avis ? C’est que cet habit est grotesque. Le lier au terrorisme est grotesque. Ce débat est grotesque et son interdit est grotesque".