Burundi : les femmes aussi manifestent

L’opposition contre un troisième mandat du président Pierre Nkurunziza s'organise depuis le coup d’Etat manqué du général Godefroid Niyombare mi-mai. Alors que les manifestants subissent régulièrement la répression policière, les femmes, elles, parviennent à braver les forces de police pour porter leur message protestataire.
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Des femmes manifestent dans le centre de la capitale le 13 mai 2015.
©AP Photo/Gildas Ngingo
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Discrètement, bravant les cordons de policiers, des dizaines de femmes manifestent, elles aussi régulièrement, dans les rues burundaises. Elles expriment ainsi leur farouche opposition à un troisième mandat du président sortant Pierre Nkurunziza. Ce dernier tente de se relever d’un coup d’Etat avorté, mené en son absence du territoire national mi-mai, par le général Godefroid Niyombare.



« Les policiers n’osent pas tirer sur les femmes. Certaines pourraient être leurs mères », raconte à l’AFP amusée, Kelly, une manifestante de 18 ans. Elle a manifesté dans la capitale avec sa soeur le dimanche 10 mai. Cette date a marqué un tournant dans la mobilisation populaire au Burundi.



Fortes de cette "faiblesse" de la police, les manifestantes ont réalisé un "exploit" le 10 mai. Alors que les hommes étaient habituellement stoppés par la violence policière, les femmes, elles, ont réussi à manifester pour la première fois, jusque dans le centre de la capitale. Un pari réussi qui a ouvert le voie à d’autres mobilisations de femmes.

Discrétion pour les manifestations

Leur tactique ? La discrétion pour ne pas être repérées par la police. Ainsi, le 10 mai, munies de leur sac-à-main, lunettes de soleil vissées sur le nez, elles se retrouvent par petits groupes dans la capitale. Progressivement, les rangs grossissent à mesure qu'elles se rapprochent toutes du centre ville jusqu'à atteindre la place de l’Indépendance, forte en symbole, et le ministère de l’Intérieur.

Bientôt, elles sont plus de 200 et des slogans fusent « on veut la paix, l’unité, la démocratie », « relâchez nos enfants ». Une référence aux manifestants arrêtés par la police depuis le début de la contestation dans le pays le 26 avril.Et toujours pas relâchés.

« Aujourd’hui, nous sommes ici pour soutenir nos frères qui manifestent contre les violations des lois fondamentales de ce pays », explique Elisabeth-Marie à l'AFP, désignée parmi ces femmes pour s’adresser à la foule.

Si ça avait été des hommes, ça fait longtemps qu’on les aurait dégagés.

Un policier burundais

Freinées par l’arrivée des policiers qui veulent rompre leurs rangs, elles bravent les cordons des forces de l’ordre pour continuer à progresser dans la ville. Face à elles, la police reste impuissante, n’osant, semble-t-il, pas intervenir.

« Si ça avait été des hommes, ça fait longtemps qu’on les aurait dégagés », explique un policier à RFI,  le 10 mai. Une manifestante surenchérit au micro de nos confrères : « Ils savent que tirer sur nous, ça donnerait une image encore plus désastreuse à la police burundaise. »
 

Braver l'interdit

En dépit des interdictions de manifester, de la forte répression policière à l'encontre des hommes, elles continuent de se mobiliser régulièrement par dizaines. Les violences liées aux contestations entre policiers et manifestants ont fait une trentaine de morts depuis un mois. Les forces de l'ordre restent déployées dans les quartiers contestataires de Bujumbura pour contenir toute velléité protestataire de la population.



Même si la police apparaît moins ferme face aux femmes, leurs marches restent en général brèves, rapidement dispersées par les forces de l’ordre...dans le calme. Mais le symbole est là. Elles aussi descendent dans la rue pour exprimer leur colère, participer au mouvement de contestation. « C’est notre droit de manifester notre opposition à un troisième mandat de Nkurunziza, et nous allons continuer à le crier haut et fort malgré cette police au service du pouvoir », a lancé Sandrine, l’une des protestataires dans la rue le 21 mai.

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Une manifestante lèvent ses bras au ciel alors qu'elle fait face à des soldats à Musaga, dans la capitale Bujumbura au Burundi le 18 mai 2015.

©AP Photo/Jerome Delay


Dans le quartier sud de la capitale, à Musaga, un des épicentres du mouvement de contestation, une administration parallèle s’instaure désormais, remplaçant l’administration officielle. Elle est organisée par des cadres du partis d’opposition, de la société civile, des militants. Et parmi eux, quelques femmes qui se sont portées volontaires pour participer notamment aux rondes de nuit dans le quartier afin de prévenir les agressions.



Le mouvement de ces femmes ne perd pas de sa vigueur comme en témoigne Bernardine Sindakira, militante du droit des femmes qui répond à notre consoeur Laure de Matos :

Comme ailleurs dans le monde, les femmes s'élèvent et se démarquent dans une mobilisation d'ampleur. Parce qu'elles symbolisent traditionnellement la paix ? Le sexe faible comme disent certains ? Les manifestations de ces Burundaises font écho à celles d'autres femmes, d’autres mères qui donnent de la voix en Argentine, en France, en Russie pour leur pays, leurs enfants, leurs maris, ... Leur voix seront-elles plus entendues par les pouvoirs ? Les médias les ont, de leur côté, remarquées.