« Ça s'est passé comme ça » : quand Hillary Clinton raconte sa défaite aux portes de la Maison Blanche

Cela fait bientôt un an que les Américains ont préféré Donald Trump à Hillary Clinton pour s'installer à la Maison Blanche. Comment celle qui a été candidate démocrate, ex-secrétaire d'Etat, et ex Première dame vit-elle avec cette défaite ? Comment se remettre d’une telle déroute ? C’est ce qu’elle essaie d’expliquer dans "What happened", (Ça s'est passé comme ça dans sa version française), publié à la fin de l’été, et qu’elle présentait cette dernière semaine d'octobre 2017 à Montréal.
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Hillary Rodham Clinton est en tournée mondiale pour présenter son livre "What Happened", comme ici lors d'une séance de signatures à New York, le 12 septembre 2017.
AP Photo/Seth Wenig
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Hillary Clinton a fait salle comble le 23 octobre 2017 : 3500 personnes étaient venues l'écouter parler d'un livre, d'une défaite au goût amer, mais pas seulement. Venue répondre  aux questions de Caroline Codsi, présidente et fondatrice de « La Gouvernance au féminin », elle n'a pas pu échapper à l'actualité des agressions sexuelles de part et d'autre de la frontière canado-américaine : les affaires Harvey Weinstein, Gilbert Rozon ou Eric Salvail, avec leur lot quotidien de révélations et de plaintes déposées en justice.

Le harcèlement sexuel, les discriminations, les pressions morales, Hillary Clinton sair de quoi elle parle pour évoquer sa carrière fracassée aux portes de la présidence américaine.


" Les femmes sont perçues positivement quand elles défendent les autres (…) Les gens m’aimaient beaucoup quand j’étais dans un rôle de soutien, quand j’étais première dame à la Maison-Blanche, quand j’ai servi les gens de New York comme sénatrice, et quand j’ai été membre du cabinet du président Obama comme secrétaire d’État. Mais une fois qu’une femme se lève et dit : "J’aimerais, moi, avoir la chance de diriger", tout change. (.../...) C’était comme un traitement de canal sur les stéroïdes. C’était si douloureux  (En parlant de sa présence à l’investiture de Donald Trump, nldr). " a-t-elle avoué aux Montréalais.e.s venu.e.s en masse.

Il lui aura donc fallu 475 pages pour exorciser, en quelque sorte, l’inimaginable. De sa décision, en 2014, de se lancer dans la course présidentielle, au soir du 8 novembre 2016, en passant par le marathon de la campagne électorale, Hillary Clinton revient sur cet épisode marquant de sa vie – et de celle des Américains.

Elle qualifie l’écriture de ce livre de « cathartique » : « J’ai revécu toutes mes colères et toutes mes peines » dit-elle.

Et je devrai vivre avec cet échec jusqu’à la fin de mes jours. Hillary Clinton

Elle y raconte les terribles émotions ressenties dans les heures qui ont suivi sa défaite. « Et je devrai vivre avec cet échec jusqu’à la fin de mes jours »« A chaque pas, j’avais l’impression d’avoir déçu tout le monde. Et c’était le cas ». « Je me sentais complètement, intégralement lessivée. Et je savais que, avant d’aller mieux, j’irais encore plus mal ». « Il n’est jamais facile de perdre, mais perdre une course que vous avez vraiment cru gagner est consternant ». Dans les jours qui ont suivi le 8 novembre 2016, la candidate démocrate, la première femme à avoir été investie par un parti national américain pour l'élection présidentielle, est, littéralement, en état de choc.

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La version originale du livre d'Hillary Rodham Clinton, "What Happened", lors de sa présentation à Washington, le 18 septembre 2017.
AP Photo/Carolyn Kaster

Et puis un jour à la fois, elle remonte à la surface, palier par palier. Elle fait du yoga, expérimente une technique spéciale de respiration, fait de longues promenades dans la nature avec son mari Bill, se recentre sur la famille et ses deux petits-enfants, se tape des séries en rafale : « Je ne me suis pas contentée de faire du yoga et de respirer : j’ai aussi bu ma part de Chardonnay »

Un livre cathartique

Hillary Clinton tente d’expliquer dans ce livre pourquoi elle a perdu cette élection.

« La question qui tournait en boucle dans ma tête était : pourquoi est-ce que ça s’est passé comme ça ? » Ou encore « Depuis le 8 novembre 2016, j’ai passé une bonne partie de mes journées à ressasser une seule question : pourquoi ai-je perdu ? J’ai parfois du mal à penser à autre chose ». On comprend le besoin viscéral de cette femme ultra rationnelle et cartésienne à comprendre.

Alors les uns après les autres, de chapitre en chapitre, elle passe en revue les différents facteurs qui ont causé cette défaite.

* L’affaire des courriels : cette histoire a collé à sa campagne comme un chewing-gum colle à une semelle : même si on essaye de l’enlever, il en reste toujours un peu… On sent à travers les lignes l’impatience, l’exaspération d’Hillary par rapport à ce scandale : « Je me bornerai à dire ici qu’une erreur stupide et isolée s’est transformée en un scandale qui a défini et détruit toute ma campagne » ou encore « J’ai commis une erreur stupide. Mais ce « scandale » a été plus stupide encore. J’étais dans des sables mouvants : plus je me débattais, plus je m’enfonçais ». Alors qu’en juillet elle croit avoir mis cette histoire derrière elle, le directeur du FBI James Comey publie une lettre le 28 octobre 2016 qui rouvre le dossier, à quelques jours du scrutin. Difficile de dire jusqu’à quel point cet événement a changé le cours de l’histoire, mais il a été indéniablement déterminant. Hillary Clinton y fait régulièrement référence sans cacher son amertume envers James Comey, qui reconnaîtra à mots couverts quelques semaines après son limogeage par Trump qu’il aurait peut-être dû éviter de la rendre publique, cette lettre.

* L’intrusion des Russes dans la campagne électorale : comme on le sait, une enquête est en cours et difficile d’en prédire l’issue, ni si ses conclusions pourraient ou non être fatales à Donald Trump, mais Hillary y consacre un chapitre entier avec moult détails. Elle parle sans aucune hésitation de « manipulation russe » : « En 2016, notre démocratie a été attaquée par un adversaire étranger déterminé à tromper nos concitoyens, à attiser nos divisions et à bouleverser une élection en faveur de son candidat préféré ».

Elle explique que Vladimir Poutine ne l’aime pas et ne l’a jamais aimée, elle dit qu’il ne respecte pas les femmes et qu’il méprise quiconque qui lui tient tête. Elle parle de vendetta envers elle, et est persuadée qu’il a voulu la faire perdre, assisté de Julian Assange, de Wikileaks, qui ne l’aime pas plus. Il se serait fait une joie de diffuser les courriels de ses plus proches collaborateurs.

Nous savons que Trump et son équipe ont publiquement applaudi l’opération russe et qu’ils en ont tiré le maximum de bénéfices.Hillary Clinton

En parallèle à ces intrusions dans les courriels du camp démocrate, les Russes ont suivi le stratagème d’inonder les médias sociaux de « fake news », ces fameuses fausses nouvelles qui ont effectivement berné des millions de personnes.

« Moscou avait lancé une guerre de l’info sophistiquée à grande échelle, manipulant les réseaux sociaux en les inondant de propagande et de « fake news », écrit-elle, nous savons que Trump et son équipe ont publiquement applaudi l’opération russe et qu’ils en ont tiré le maximum de bénéfices. Ce faisant, ils n’ont pas seulement encouragé cette attaque contre notre démocratie par une puissance étrangère hostile – ils l’ont, de fait, aidée ».

Pour elle, cette opération russe a été pire que le Watergate et va même jusqu’à faire un parallèle avec le 11 septembre en terme d’intrusion étrangère sur le territoire américain. « Cumulés, les effets de la lettre de Comey et des attaques russes ont créé un mélange dévastateur » écrit-elle.

*Le rôle des médias et de Bernie Sanders : Hillary Clinton le reconnait d’emblée : ses relations avec la presse ont toujours été difficiles. Au-delà de cette problématique, elle estime que les médias américains ont un mea culpa à faire dans cette élection. Elle croit qu’ils ont trop souvent joué le jeu de Donald Trump, que ce dernier les manipulait à sa guise en leur lançant régulièrement des lapins derrière lesquels ils courraient sans réfléchir, laissant de côté un travail d’analyse de fond pour mettre en valeur les mensonges du candidat républicain et les incongruités de son programme électoral. « Le déclin du journalisme politique sérieux ne date pas d’hier, mais il a gravement empiré en 2016 » déclare l’ex-Secrétaire d’État.

Le phénomène Bernie Sanders a aussi été un handicap dans la mesure où elle ne s’attendait pas à ce qu’il ait autant de succès, et qu’elle se sentait impuissante à le combattre lors de ce duel fratricide qui a duré des mois. « … ses attaques ont causé des dégâts durables… Chaque fois que je voulais répondre à ses attaques durant les primaires, on me conseillait de me retenir... Mon équipe ne cessait de me rappeler que nous ne pouvions pas nous aliéner ses partisans… J’avais l’impression d’être dans une camisole de force » explique-t-elle. Le ralliement de Bernie Sanders à la candidate désignée a été tardif et nombreux sont ses militants qui ont préféré rester chez eux que d’aller voter pour la finaliste.

C’était moi la candidate, c’est moi qui ai perdu. Hillary Clinton

* La candidate du statu quo : dans son livre, Hillary Clinton essaie de comprendre pourquoi elle a été vue par de nombreux Américains comme étant la candidate du statu quo. Elle est ceci dit consciente que les Démocrates venaient de passer deux mandats à la Maison Blanche et que l’alternance politique du système politique américain donnait une chance aux Républicains. La colère des Américains blancs – en particulier les hommes, « White Angry Men » a eu un effet non négligeable également et elle reconnait qu’elle n’y a pas assez prêté attention. Elle estime aussi qu’elle ne s’est pas assez concentrée sur un seul message fort durant sa campagne. Et elle est forcée d’admettre que des millions de ses concitoyens ne l’aiment pas et ne l’aimeront jamais « Par ailleurs, j’ai fini par accepter que beaucoup de gens – plusieurs millions – avaient décrété qu’ils ne m’aimaient pas. On peut imaginer ce que ça fait : c’est douloureux. Et difficile à accepter. Mais c’est comme ça ».

Hillary Clinton endosse personnellement sa défaite. C’était moi la candidate, c’est moi qui ai perdu, dit-elle à de nombreuses reprises. Mais elle refuse de dire que sa campagne a été un fiasco total : « Si vous prenez tout cela en compte, je pense que vous aurez l’image d’une campagne qui – comme toutes celles de l’histoire – possédait à la fois de grandes forces et de réelles faiblesses. Il y a d’importantes leçons à tirer de ce que nous avons bien fait et de ce que nous avons mal fait. Mais je rejette entièrement l’idée que cette campagne ait été exceptionnellement imparfaite et dysfonctionnelle…. Et sans l’intervention dramatique du directeur du FBI dans les derniers jours, je crois que, malgré tout, nous aurions remporté la Maison Blanche ».

Saviez-vous que cette élection s’est jouée, en tant que telle, sur 77 744 voix … Si seulement 40 000 personnes dans le Wisconsin, le Michigan et la Pennsylvanie avaient voté pour elle, elle aurait gagné ! Et bien sûr, elle a remporté le vote populaire avec 3 millions de voix de plus que Trump. Une mince consolation, qu’elle commente avec amertume : « Et bien que j’aie obtenu plusieurs millions de voix d’avance, c’est lui qui est assis dans le Bureau ovale ».

Enfin il y a un autre facteur qui explique sans l’ombre d’un doute la défaite d’Hillary Clinton : le sexisme.

Etre femme en politique

 « C’est dur d’être une femme. Vous devez penser comme un homme. Vous comporter en dame. Avoir l’air d’une jeune fille. Et travailler comme un chien » : c’est ce que dit un écriteau affiché chez elle.

Impossible de fermer les yeux sur ce fait : le sexisme et la misogynie ont joué un rôle dans l’élection présidentielle de 2016. Preuve en est que le candidat ouvertement sexiste a gagné .Hillary Clinton

Elle souligne à larges traits dans ce livre à quel point elle a été, reste et restera féministe. Des « premières fois », cette femme en a cultivées tout au long de sa carrière. Mais elle explique aussi qu’elle n’a pas voulu mettre en avant le fait qu’elle était une femme durant cette campagne car elle sentait que cela aurait pu lui porter préjudice. « J’aimerais tellement qu’on soit un pays où un candidat qui dirait : « Mon histoire est celle d’une vie façonnée par et pour le mouvement de libération des femmes » se ferait ovationner et non huer. Mais nous ne sommes pas ce pays. Pas encore… Impossible de fermer les yeux sur ce fait : le sexisme et la misogynie ont joué un rôle dans l’élection présidentielle de 2016. Preuve en est que le candidat ouvertement sexiste a gagné ».

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Une silhouette d'Hillary Clinton pendant les manifestations anti-Trump, à New York, en janvier 2017.
AP Photo/Mary Altaffer

Sur ce point, on ne peut pas lui donner tort et c’est une évidence : il y a bien des Américains qui ont préféré voter pour un sexiste qui se vante d’attraper les femmes par leur « pussy » que pour une femme compétente à la carrière professionnelle impressionnante.

Elle précise toutefois que le sexisme n’a pas été inventé par Donald Trump et que ce phénomène s’infiltre dans la société américaine et la vie politique d’une manière insidieuse et persistante. « Le sexisme et la misogynie sont endémiques aux États-Unis » écrit-elle.

« Je pense cependant qu’il y a une autre explication au scepticisme auquel j’ai dû faire face tout au long de ma vie publique. Je pense que c’est aussi parce que je suis une femme ». Elle ne comprend pas qu’on doute de son authenticité, qu’on la qualifie de « clivante », qu’on lui reproche de faire preuve de retenue et de circonspection quand vient le temps de se prononcer sur une problématique.

Est-ce que les choses ont changé, se demande-t-elle, « pendant que Donald Trump se vante d’avoir peloté des femmes et, quelques semaines plus tard, remporte la présidence; que ses partisans chantent en cœur dans ses meetings « Écrase cette salope »; que la Maison Blanche diffuse fièrement des photos d’un aéropage de vieux mâles blancs en train de décider avec jubilation quels services de santé retirer aux femmes ».

Trump, ce "charlatan"

Si Barack Obama se fait un devoir de ne jamais prononcer son nom lors de ses allocutions publiques ou ses tweets, Hillary Clinton, elle, ne se gêne pas dans ce livre pour appeler un chat un chat quand il s’agit de parler du nouveau locataire de la Maison Blanche, qu’elle qualifie de « charlatan ». « Prétendre définir la réalité est un trait fondamental de l’autoritarisme… Pour Trump, il s’agit simplement, comme si souvent, d’affirmer sa domination… Trump a cependant porté la guerre contre la vérité à de nouveaux sommets ». Ou encore « … Donald Trump a fait autre chose : il a fait appel aux instincts les plus vils de notre caractère national ».

Les passages du livre où elle raconte comment elle s’est préparée aux débats TV sont cocasses : un des membres de son équipe se « déguisait » en Donald  Trump pour endosser complètement le personnage, il allait jusqu’à adopter ses postures physiques et il essayait d’être le plus saugrenu possible dans ses répliques.

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Une électrice américaine regarde le dernier débat TV entre les deux candidats, le 19 octobre 2016, alors que son mari regarde un match du championnat national de baseball.
AP Photo/Scott Sonner

C'est d'ailleurs la candidate démocrate qui a remporté ces débats. Dans l’un d’eux, alors que Donald Trump commente ses relations avec Vladimir Poutine, il revient sur le fait que le président russe n’a pas de respect pour elle. Et sa rivale de rétorquer « c’est parce qu’il préférerait avoir une marionnette comme président des États-Unis ». Et Trump de répéter « Suis pas une marionnette, suis pas une marionnette. C’est vous la marionnette ». « Désormais, je pense à cette phrase chaque fois que je le vois à la télé » écrit-elle.

Le soir de l'élection

C’est peut-être le chapitre le plus passionnant du livre car la candidate battue nous explique comment elle a vécu cette soirée. Durant ces pages, on est avec elle dans cette suite d’hôtel de New York où elle était avec son mari Bill et sa famille pour attendre les résultats.

Ses collaborateurs avaient prévu une mise en scène symbolique pour son discours de victoire : « J’allais sortir à pied sous un plafond de verre et me tenir sur une scène ayant la forme de l’Amérique. Le podium serait juste au-dessus du Texas, Une fois le décompte des voix terminé, nous espérions que le plafond de verre symbolique serait brisé à jamais ».

Elle raconte comment ce soir-là, elle était inquiète et angoissée bien sûr, mais les derniers sondages lui donnant une avance sur son ad versaire l’avaient rassuré. Et c’est sur son discours de victoire qu’elle travaille avec ses collaborateurs, pas sur celui de la défaite.

Aucun scénario apocalyptique ne m’avait traversé l’esprit dans les derniers jours, et je n’avais pas songé à ce que je pourrais dire en cas de défaite Hillary Clinton

Sauf que la tension monte au fur et à mesure que la soirée avance et que les mauvais résultats commencent à tomber : la Caroline du nord, la Floride… Totalement exténuée, sous le poids de la tension, la candidate tombe endormie. Au réveil de cette sieste plutôt surprenante, le cauchemar commence.

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Le 8 novembre 2016, à Seattle, le soir de l'élection présidentielle, quelques heures avant les résultats, des partisans démocrates préparent les tee-shirts de celle qu'ils pensaient devenir leur "future" présidente.
AP Photo/Elaine Thompson

 « J’étais abasourdie. Je ne m’étais absolument pas préparée à ça mentalement. Aucun scénario apocalyptique ne m’avait traversé l’esprit dans les derniers jours, et je n’avais pas songé à ce que je pourrais dire en cas de défaite. Je n’y pensais simplement pas » écrit-t-elle.

Elle dit se souvenir vaguement de son appel au vainqueur pour le féliciter : « Donald c’est Hillary ». Ce fut sans aucun doute l’un des moments les plus étranges de toute mon existence… Une conversation des plus courtoises et étrangement banale, comme lorsqu’on appelle un voisin pour le prévenir qu’on ne pourra pas venir à son barbecue… Puis j’ai appelé le président Obama. « Je suis désolée de te décevoir » lui ai-je dit »… En un clin d’œil, tout ce à quoi nous avions travaillé s’était écroulé… Je m’en voulais. Mes pires craintes concernant mes limites en tant que candidate étaient devenues réalité… »

Au fil de ces pages, on mesure tout ce qu’Hillary Clinton et son équipe ont ressenti ce soir-là.

« Tout le monde a fini par partir, et il n’est plus resté que nous. Je n’avais pas encore pleuré, et je ne savais pas si j’allais le faire. Mais je me sentais profondément épuisée, comme si je n’avais pas dormi depuis dix ans. Nous sommes allongés sur le lit et nous avons fixé le plafond. Bill m’a pris la main, et nous sommes restés étendus là ».

"On continue à avancer"

C’est la dernière phrase du livre. Car bien sûr, elle s’est posée la question – et nous nous la sommes posée à sa place : que faire après une telle défaite ? Est-ce possible de poursuivre une carrière politique ? Elle ne répond pas en tant que telle à cette question mais on sent derrière ses mots une volonté de rester mobilisée et de maintenir une présence dans l’espace public pour intervenir au besoin au gré des dérapages et des événements qui vont enflammer les États-Unis au cours des prochaines années.

Elle appelle d’ailleurs les Américains à la résistance, à se mobiliser pour une cause, et à aller voter, peu importe l’élection. Elle incite les Démocrates à préparer les élections de mi-mandat, en 2018, qui seront cruciales pour le parti. Une victoire démocrate aurait un impact important sur la suite de la présidence Trump. Ce scrutin sera déterminant.

Mais au-delà de la politique, Hillary Clinton reste mobilisée pour la cause des femmes, une cause pour laquelle elle a tant donné et qui lui tient à cœur.

« Je crois toujours que faire progresser les droits des femmes et l’égalité des chances est le grand chantier du 21ème siècle. Cela signifie entre autres réussir là où j’ai échoué, et voir un jour une femme à la Maison-Blanche ».

Si cette femme a échoué si près du but, elle a quand même réussi à ouvrir des portes qui ne pourront pas se refermer, elle a cheminé sur une voie sur laquelle d’autres femmes pourront un jour, elles aussi, avancer. Hillary Clinton dit souhaiter voir de son vivant une femme derrière le Bureau Ovale, et c’est le message d’espoir que porte également ce livre. Demain, après-demain, un jour, oui, une femme entrera à la Maison Blanche…