On y découvre des femmes charismatiques qui osent réclamer justice face à une croissance folle qui dévore les maisons des plus pauvres au profit des plus riches. Elles réunissent leurs voisins, libèrent la parole, interpellent le gouvernement, multiplient les manifestations au risque de se faire agresser et arrêter. Treize d'entre elles, reconnues coupable d'occupation illégale de terrain, ont déjà passé plusieurs semaines derrière les barreaux. C'est grâce aux pressions internationales qu'elles ont été libérées en juin 2012. Mais pourquoi des femmes aux avant-postes de ce combat ?
« Pour deux raisons majeures, explique le réalisateur. D'une part, parce que dans ce quartier de la capitale, les hommes sont très souvent fonctionnaires et risqueraient de perdre leur travail s'ils s'engageaient ouvertement contre les expulsions. D'autre part, ces femmes pour la plupart tenaient des échoppes devant chez elles et vivaient grâce à l'économie locale. Elles sont donc doublement victimes des expulsions forcées : elles y perdent leur maison et leur travail ! »
Seins nus face à la violence
Pour elles, il n'est pas question de faire de la politique et de s'afficher comme opposantes. Bien au contraire. Quand elles défilent dans la rue, elles le font en portant chacune le portrait du Premier ministre Hun Sen, l'homme fort du Parti du peuple qui a une main mise totale sur le pouvoir. « Elles l'implorent pour qu'il fasse quelque chose pour elles. Elles se battent pour leur maison, pour l'avenir de leurs enfants. Il n'y a pas de dimension politique, idéologique dans leur lutte », précise Vincent Trintignant-Corneau.
Les femmes ont aussi cette capacité non négligeable à retenir la violence. « Avec les hommes, ça en vient plus rapidement aux mains, a pu constater le réalisateur à force de suivre les manifestations. Avec les femmes, la police charge moins facilement, même si elle le fait aussi. Il y a encore au Cambodge un respect de la femme. » Il n'empêche, la violence ne cesse de croitre entre les autorités et les manifestantes qui, à bout de force, se sont dénudées en pleine rue comme l'atteste une scène forte du film. « Ce jour-là, se souvient Christine Chesnou, les miliciens ont commencé à charger et elles se sont spontanément déshabillées jusqu'à dévoiler leurs seins. Je pense qu'elles l'ont fait pour montrer qu'elles étaient simplement des femmes et pour dire aussi "allez-y prenez tout". »
Les effets de la corruption
Dans leur quartier de Boeung Kak, le lac est devenu un champ de sable, les canons de boue ont été activés et une large partie des habitations ont été inondées. Avec la complicité des autorités qui disent agir au nom du développement économique, les investisseurs immobiliers qui ont obtenu un bail de 99 ans pour exploiter les terrains, ont déjà réussi à faire expulser 20 000 personnes en cinq ans selon
un rapport d'Amnesty International. A l'échelle de la capitale, c'est environ 10% de la population qui ont été victimes d'expulsions forcées entre 1990 et 2011.