Fil d'Ariane
Ce mois de mai 2015, dans le sud de la France, les projecteurs du monde entier seront braqués sur la 68ème édition du Festival de Films de Cannes. A cette occasion, une campagne mondiale vient d'être lancée. Elle entend soutenir les femmes cinéastes et les mettre sur le devant de la scène.
La réalisatrice Emmanuelle Bercot (à gauche) aux côté de l'actrice française Catherine Deneuve posent devant les photographes lors du Festival de Cannes pour le film La Tête Haute qui fait l'ouverture de cette 68e édition du festival, le 13 mai 2015.
Les pressions et actions menées au cours des dernières années ne furent pas vaines. Le 13 mai 2015, pour la deuxième fois en 68 ans d'existence, le prestigieux Festival de Cannes ouvrira sa quinzaine avec "La tête haute", un film réalisé par une femme, Emmanuelle Bercot, avec pour tête d'affiche l'actrice française Catherine Deneuve. Dans le jury de la compétition officielle, quatre femmes seront présentes cette année. Dans les compétitions parallèles, l'actrice italo-américaine Isabella Rosellini présidera la sélection "Un certain regard" et l'actrice française, Sabine Azema, celle de "la Camera d'Or". Quant à la réalisatrice française Agnès Varda, elle recevra une Palme d’Or d’honneur lors de la Cérémonie de Clôture, une première dans l'histoire du festival.
Oui mais... Comme les années précédentes, dans la plus prestigieuse des compétitions cannoises, la Sélection officielle, le nombre de réalisatrices programmées reste faible. Sur les 17 films en compétition on ne compte que deux réalisatrices pour quinze réalisateurs, soit seulement 11,5%.
Pour rappel, jusqu'à ce jour, seule une femme a obtenu la distinction suprême : la Palme d'Or. Il s'agit de Jane Campion... en 1993. Mais alors comment expliquer une telle sous-représentation ? Chroniqueuse américaine pour le site Indiewire, créatrice du blog Women and Hollywood (Les femmes et Hollywood), et auteure d'un livre compilant le témoignage de plus de 40 réalisatrices, Melissa Silverstein s'interroge : "L'idée selon laquelle les femmes ne sont pas assez bonnes est-elle en cause ? Les programmateurs du Festival se sentent-ils mal à l'aise avec un point de vue et un regard féminins ? Je ne peux répondre. Tout ce que je sais c'est qu'au cours des (onze) dernières années, seuls 9% des films en compétition ont été dirigés par des femmes (20 sur 223). Quant au film d'ouverture réalisé par Mme Bercot, il n'est pas en compétition."
Le Festival apparaît légèrement "plus à l'aise" avec la sélection "Un certain regard" où le taux des réalisatrices sélectionnées entre 2005 et 2015 "culmine" à... 17%. Un taux moyen assez bas comparé à d’autres festivals français et étrangers, comme le montre l’association française, Le Deuxième Regard.
Certes, des évolutions semblent se profiler à l’horizon notamment avec le lancement du programme "Femmes de cinéma" qui prévoit, entre autres, la mise en place en 2016 de deux prix. L'un récompensera "une femme qui a fortement influé sur le cinéma, l'autre révélera une jeune réalisatrice". Mais pour l’heure, le manque de représentativité et de reconnaissance des femmes exerçant leur art derrière la caméra demeure patent.
"Les femmes représentent 50% de l'humanité et, du moins aux Etats-Unis, 50 % des spectatrices. (...) Cannes n'est pas le seul problème mais il met en évidence un phénomène mondial qui continue de peser sur les réalisatrices. Dans ce milieu aussi,"plus le prestige et l’argent sont importants, moins elles sont représentées. Cela doit changer", conclut la chroniqueuse.
Pour rendre plus visibles ces réalisatrices et faire sauter le verrou qui, en 2015 encore, semble les empêcher d'accéder aux compétitions, Melissa Silverstein ne manque pas d'idées. Récemment, elle a initié "Support Women Filmmaker", une coalition d’associations et de personnalités qui vise à promouvoir "l’égalité et la reconnaissance des femmes de cinéma".
A l'occasion de l'un des temps forts du cinéma mondial, elle entend profiter de l’attention médiatique pour mettre en avant celles qui font le cinéma d'aujourd'hui : les réalisatrices mais aussi les productrices, monteuses, actrices, compositrices de bande originale...
Mercredi 13 mai, jour de l'ouverture du festival, une vaste campagne de soutien aux réalisatrices sera lancée. La coalition invite toutes celles et ceux qui veulent soutenir le mouvement à faire entendre leur voix sur les réseaux sociaux (Twitter, Facebook et Tumblr) via le mot clé #SeeHerNow. Le mot d'ordre de la campagne ? : "Elles font un travail remarquable un peu partout dans le monde, dites à Cannes et au monde de les voir maintenant !"
Il faut insister encore et toujours
Entretien avec Jackie Buet, directrice et fondatrice du Festival international du films de femmes de Créteil -
propos recueillis par Amélie Revert
Lundi 18 mai, à Cannes, c'est le point d'orgue de la campagne avec une rencontre-débat intitulée "Les femmes font de grands films : stratégies pour réussir", animée par Melissa Silverstein, sous les auspices du Festival international de films de femmes de Créteil.
Jackie Buet, fondatrice et directrice du Festival international de films de femmes de Créteil.