Le magazine qui aime balayer les clichés de la presse féminine, a fêté son nouveau statut de mensuel. Dans un lieu branché de Paris, Causette a servi des plats copieux : débat, expos, concerts, shows burlesques,…
Deux femmes torses nus, visages crispés par l’effort, se livrent à un bras de fer épique, au milieu de spectateurs réjouis, bière à la main. Immortalisé par Emilie Jouvet lors du dernier Porn Film Festival de Berlin, ce moment de sport alcoolisé est devenu une photographie en noir et blanc. Samedi 15 octobre, trois jeunes femmes enjouées se plantent devant la photo : « Regardez, c’est moi au fond, avec les lunettes !» s’exclame l’une d’elles. Rire de ses amies, qui la chambrent gentiment : « tu vas aux soirées lesbiennes toi ! ». Quelques minutes auparavant, l’une des deux comparses, Wendy Delorme, auteure et actrice, s’était présentée devant une assemblée à dominante féminine. Enceinte de plusieurs mois, jupe noire, tatouage coloré sur l’avant-bras, elle avait lu l'un de ses textes, la lettre d’une future mère à la fille qu’elle attend : « Ça ne va pas être facile […] Mais tu apprendras à jouer de tes charmes » (extrait de "Insurrections ! en territoire sexuel").
"PLASTICITÉ CÉRÉBRALE" ET VULVE GÉANTE Au Point Éphémère, lieu branché du canal Saint-Martin, référence de la nuit parisienne, « L’Interminable Tea Party » a commencé depuis quelques heures. De 17h à 5h, le programme de cet événement organisé par le magazine Causette est calorique : un débat, des concerts, des performances burlesques, du slam, une expo photos, des mannequins en plastique habillés par des graffeurs, etc. Une grande soirée où l’on peut écouter la neurobiologiste Catherine Vidal développer le concept de « plasticité cérébrale », s’immiscer dans un cercle formé autour de l’écrivaine Françoise Simpère, disserte sur son expérience de polyamoureuse, dévorer des yeux la comédienne Louise De Ville déguisée en vulve géante, et écouter le quatuor « Little Ballroom » saupoudrer de rock’n’roll ses textes déjantés. Recette à base de culture et de fête, la soirée a été pensée pour coller à l’image de Causette. Un magazine « né le 8 mars 2009 (Journée internationale des femmes), pour montrer que les femmes ont de l’humour, aiment les articles de fond, et ne sont pas obsédées par les régimes et le maquillage », rappelle la journaliste Marie Gallic, en s'efforçant de couvrir le bruit de la sono. Un esprit résumé selon elle par la rubrique « On nous prend pour des quiches ». Féministe, Causette ? « Les médias nous ont collé cette image, mais comme dit Greg, si être féministe c’est parler aux femmes avec respect, alors oui nous sommes féministes ».
"LA FESSE CACHÉE DE LA MÉNAGÈRE" Greg c’est Gregory Lassus-Debat, 30 ans, directeur de la publication du magazine. En bras de chemise noire, il explique entre deux bouffées de cigarette la genèse de ce « Tea Party » : « D’abord on aime faire la fête et rencontrer nos lectrices, on cherche aussi à tirer notre ligne éditoriale vers l’événementiel, concerts, expos,… et bien sûr on célèbre le passage de Causette au mensuel depuis septembre ». Cette nouvelle périodicité est « un gros pari qui fait peur » reconnaît-il, même si les chiffres sont encourageants (plus de 30 000 exemplaires vendus en moyenne en kiosque et 6000 abonnés dans 40 pays). Au pied d’un mur couvert de photos de grands reportages, trois filles assises à même le sol feuillettent Causette. Leur « magazine préféré » n’a pas changé de formule depuis septembre mais quelques nouvelles rubriques sont apparues : « Pendant ce temps-là », « Justice », « La fesse cachée de la ménagère », ou encore « Au lance-flammes » : « un espace un peu violent où on prend en grippe une personnalité qui nous énerve » décrypte Grégory Lassus-Debat. Dans le numéro d’octobre c’est l’avocat Gilbert Collard, récemment converti au Front National, qui est passé au grill (« Comment reconnaît-on un Collard ?»).
DEUX POISSONS MORTS SCOTCHÉS À LA TAILLE Au bar du Point Éphémère, les serveurs enchaînent les mojito. La piste de dance s’emplit peu à peu. À l’extérieur, des petits groupes se forment pour prendre l’air au bord du canal. Dans la salle de concert, une odeur nauséabonde fait grimacer le public : Cathy Froment scotche deux poissons morts autour de sa taille, avant d’enduire son corps nu de peinture noire puis de colle, et d’enfiler des collants qu’elle bourre de paille. Le tout en racontant ses différentes façons de mourir et de jouir. Grégory Lassus-Debat avait prévenu : « Il faut rester, ça va être une grosse teuf ».