La procréation médicalement assistée (PMA) à nouveau en discussions en France. Le projet de loi sur la bioéthique est examiné en commission ce mardi 10 septembre puis débutera le débat dans l'hémicycle du 24 septembre au 9 octobre. PMA, gestation pour autrui (GPA), ces techniques médicales bousculent les codes établis. Chaque pays fixe sa propre législation, avec son lot de questions éthiques et morales qui l'accompagne. En quoi consistent ces méthodes de fécondations ? Où sont-elles autorisées ? On fait le point sur le sujet.
L’acronyme PMA est entré dans le langage courant. Pourtant, ce terme scientifique reste flou pour de nombreuses personnes. Une définition s’impose.
- La procréation médicalement assistée (PMA pour le grand public, AMP pour les professionnels de santé) englobe toutes les techniques médicales qui consistent à manipuler des spermatozoïdes et/ou des ovules, en vue d’aboutir à une fécondation. On peut avoir recours à une insémination artificielle, injecter des spermatozoïdes (du conjoint ou d’un donneur), directement dans l'utérus de la femme, qui accueille donc la fécondation. Autre option, la fécondation in vitro (FIV) d’ovules et de spermatozoïdes du conjoint ou de donneurs, afin d’obtenir des embryons qui seront réintroduits ensuite dans l’utérus de la mère. En France, par exemple, le double don reste interdit.
Focus sur le contexte français
La PMA se développe en France dans les années 70 et se concrétise par la naissance d’Amandine en 1982, premier bébé issu d’une fécondation in vitro.
Ces techniques médicales sont réservées aux couples hétérosexuels présentant une infertilité pathologique, ou risquant de transmettre une maladie grave à leur enfant. Jusqu’à aujourd’hui, les couples homosexuels et les célibataires sont donc exclus de ces interventions.
Mais la loi du 17 mai 2013 instituant le mariage pour tous modifie les contours de la PMA. Elle ouvre de fait l’adoption aux couples homosexuels et reconnait ainsi qu’un enfant peut avoir deux parents du même sexe.
Lorsque l'on évoque la procréation médicalement assistée, le spectre de la GPA, n'est jamais loin. Et pour cause, la gestation pour autrui n’est autre qu’une méthode de PMA.
- Une mère porteuse accueille un embryon et donne naissance à un enfant qui sera ensuite confié au couple de parents commanditaires. Ce sont la plupart du temps les ovocytes et spermatozoïdes de ces derniers, qui sont introduits dans l'utérus de la mère porteuse.
Où la PMA est-elle autorisée en Europe ?
La procréation médicalement assistée revient au cœur du débat public français. Fin septembre, l’Assemblée nationale examinera le projet controversé de la PMA pour toutes, dans le cadre du projet de loi bioéthique. Objectif : élargir la PMA à toutes les femmes, des femmes célibataires aux couples de femmes.
Trois questions sont inhérentes au débat :
- Celle de la filiation se pose et le droit de la famille qui devra être adapté si le texte est approuvé.
- Le remboursement des frais médicaux sera-t-il étendu à ces personnes ? Actuellement, la sécurité sociale rembourse les soins selon des critères stricts : une femme doit notamment avoir moins de 43 ans.
- La question de l’accès aux origines est également soulevée. L’anonymat du donneur sera-t-il préservé ou au contraire levé, afin de permettre à l’enfant de connaître l’identité de son géniteur. Autant de questions auxquelles le gouvernement français devra répondre, et surtout trancher.
Le débat est tout aussi virulent sur la scène européenne, où il n’y a aucune harmonie sur le sujet. Onze pays européens autorisent le recours à la PMA aux femmes seules et aux couples de lesbiennes. On compte désormais l’Irlande, la Belgique, le Luxembourg, les Pays-Bas, le Danemark, l’Espagne, le Portugal, la Finlande, la Suède, la Croatie et le Royaume-Uni.
Les Françaises se tournent parfois vers leurs voisins, notamment l’Espagne et la Belgique où la PMA pour toutes est autorisée.
L’encadrement diffère selon les lois en vigueur dans chacun de ces pays. En Belgique, la législation manque de clarté concernant le don d’ovocyte. Elle laisse aux hôpitaux la liberté de fixer leurs propres règles. Du coup, certains flirtent avec les limites de la légalité, et le don se transforme rapidement en business. Laissant choir les questions éthiques.
C’est ce qu’a constaté la journaliste belge Sofia Cotsoglou, dans son reportage, « Ovocytes, peut-on encore parler de don ? » diffusé sur la RTBF. Sur le plateau d’Objectif Monde, la journaliste rappelle que la loi belge est formelle : la commercialisation des ovocytes est interdite. Pourtant au cours de son enquête, elle s'aperçoit que ce qui devait être initialement une indemnisation pour les donneuses, devient rapidement une rémunération. En se faisant passer pour une donneuse, pour son enquête, on lui a proposé des enveloppes allant de 500 à 2.000 euros.
La Belgique, c’est l’Eldorado de la procréation médicalement assistée, Sofia Cotsoglou, journaliste pour la RTBF
Où la GPA est-elle autorisée en Europe ?
La gestation pour autrui est proscrite dans la plupart des pays d'Europe. Certains comme le Royaume-Uni ou la Grèce l’autorisent si elle est motivée par un acte purement altruiste. Les mères porteuses volontaires sont uniquement dédommagées des frais médicaux et juridiques.
Plus à l’est, l’Ukraine ou la Russie permettent le recours à la GPA sans avoir de législation spécifique pour l’encadrer. Ce qui laisse proliférer tout un marché illégal des mères porteuses.
Dans l’espace francophone, les lois concernant la GPA, sont des plus strictes au plus permissives.
Ainsi, depuis plus de 20 ans au Canada, la GPA est autorisée. Les mères porteuses peuvent se faire rembourser leurs dépenses "liées à la grossesse".
En parallèle, un projet de loi vise à verser une meilleure indemnisation aux mères porteuses canadiennes. Pour la journaliste de Radio-Canada, Madeleine Blais-Morin en duplex d’Ottawa sur le plateau d’Objectif Monde, cette question divise en son sein même le mouvement féministe.
D’une part, certaines disent que c’est aux femmes de disposer de leurs corps, quand d’autres s’inquiètent de la marchandisation de l’utérus des femmes,
Madeleine Blais-Morin
Pour le généticien français Axel Kahn présent sur le plateau, il est indispensable de statuer sur la définition de la mère et de s’interroger quant à ses fonctions gestatrices.
La question se pose, après que l’on ait rémunéré tellement de fonctions féminines, est-ce que c’est vraiment un progrès du droit des femmes que de faire entrer dans le commerce, la fonction gestatrice des femmes? Axel Kahn, médecin généticien
En France, la gestation pour autrui est officiellement interdite en 1994, afin d’éviter le développement d’un commerce d’utérus et la marchandisation des enfants. Mais derrière la loi, un marché noir parallèle de la GPA se met en place sur internet.
Le magazine Objectif Monde vous propose de découvrir des reportages sur la question de la PMA et de la GPA.
« Homos, un enfant à tout prix » nous amène en Suisse, où des couples homosexuels contournent la loi pour concevoir une famille. En Belgique, le don d’ovocyte attire les étrangers et se transforme en véritable business. Au Canada, la gestation pour autrui est légale, mais les mères porteuses demandent plus d’indemnisations. Et reportage en France, où la GPA est interdite, mais prolifère clandestinement sur la toile.
>> Diffusion le 19 juin à 21h (heure de Paris) en France, Belgique et Suisse, à 23h04 sur TV5MONDE Afrique et le 22 juin sur la RTBF 3.