Cécile Kohler, une nouvelle année qui commence dans les geôles iraniennes

Cécile Kohler, professeure agrégée de français, est détenue en Iran depuis le 7 mai 2022, à la prison d'Evin à Téhéran. Arrêtée avec son compagnon, tous deux sont accusés d'espionnage par les autorités iraniennes. Le comité de soutien "Liberté pour Cécile" dénonce des conditions de détention "effroyables".

01 jan. 2025 à 04h06 (TU)

Par

Isabelle Mourgere

Rassemblement de soutien à Cécile Kohler, détenue en Iran depuis plus de 960 jours, le 4 novembre 2024 à Paris.

"On lui dit qu'on se bat", rapporte Noémie Kohler, à la direction internationale de Radio France, mercredi 25 décembre, quelques heures après avoir pu discuter en visioconférence avec sa sœur Cécile. "On sent que son désespoir est de plus en plus profond, on sent que c'est de plus en plus difficile pour elle d'imaginer qu'elle va pouvoir sortir un jour", a-t-elle ajouté.

Après avoir passé son troisième Noël en prison, la Française détenue en Iran, a entamé cette nouvelle année derrière les barreaux.

Outre sa libération, ses proches demandent aux autorités iraniennes qu'elle soit transférée dans l'aile des femmes de la prison d'Evin, où elle aura la possibilité de côtoyer des codétenues.

"Espionne"

C’est lors d’un voyage en Iran que Cécile Kohler, professeure de lettres modernes de 39 ans, a été arrêtée avec son compagnon, Jacques Paris. Raison officielle : "espionnage ".

Le 11 mai 2022, les autorités du pays ont annoncé que ses agents secrets avaient arrêté deux ressortissant·es européens. Peu après, des organes médiatiques en langue persane basés à là l’étranger ont indiqué que Cécile Kohler était l’une des deux personnes européennes détenues. Par la suite, le 17 mai 2022, des médias d’État ont diffusé des déclarations qualifiant les deux Européen·nes d’"espions français", sans les nommer.

Entre son arrestation et le 23 novembre 2022, date à laquelle Cécile Kohler a obtenu pour la première fois une très brève visite consulaire de 10 minutes, "elle a été soumise à une disparition forcée, un crime au regard du droit international, dans le cadre de laquelle les autorités iraniennes ont dissimulé son sort et le lieu où elle se trouvait à sa famille et aux autorités françaises", dénonce Amnesty international.

Détenue depuis mai 2022

Comme le précise encore l'organisation, Cécile Kohler a été conduite à la prison d’Evin, à Téhéran, et détenue dans la section 209, une section de haute sécurité, qui dépend du ministère du Renseignement. "Ses proches pensent qu’elle y est toujours détenue, et ses contacts avec les membres de sa famille et des fonctionnaires consulaires français sont très limités. Pendant ses trois premiers mois de détention, Cécile Kohler a été maintenue à l’isolement prolongé", lit-on sur le site d'Amnesty.

Selon son comité de soutien "Liberté pour Cécile", ses conditions de détention sont "effroyables". "Elle a passé plusieurs mois à l'isolement cellulaire, caractérisé, comme de la torture, et contraire aux règles et normes des Nations Unies", précise le comité sur son site, qui a lancé une pétition en ligne et publie au quotidien le décompte de ses jours de détention. Une situation "alarmante" qui fait craindre de graves conséquences pour sa santé.

Des aveux forcés

Le 6 octobre 2022, la Radio-télévision de la République islamique d’Iran (IRIB) a diffusé une vidéo montrant les "aveux" forcés de Cécile Kohler sur les médias d’État. On l’entend "avouer", sous la contrainte, être agent du service de renseignement extérieur de la France, s’être rendue en Iran pour "aider à préparer les conditions de la révolution en Iran et du renversement du régime iranien islamique" et avoir utilisé l’Internationale de l’Éducation, une fédération mondiale de syndicats enseignants, pour soutenir ces efforts.

La famille de Cécile Kohler a nié à plusieurs reprises toutes les allégations formulées dans cette vidéo de propagande. Les autorités françaises ont dénoncé "ces prétendus ‘aveux’ extorqués sous la contrainte".

Cette vidéo a été diffusée dans le contexte du soulèvement "Femme. Vie. Liberté " qui a secoué le pays entre septembre et décembre 2022.

Coupée du monde

C'est seulement des mois après son interpellation que Cécile Kohler a pu appeler sa famille pour la première fois, le 18 décembre 2022. Entre mars 2023 et le 13 avril 2024, elle n’a été autorisée à passer que de très brefs appels, d’une durée d’environ cinq minutes, environ tous les deux mois.

750 lettres de soutien lui ont été envoyées le 20 décembre dernier depuis la poste du Louvre à Paris, indique son comité de soutien. "Depuis l’arrestation arbitraire de Cécile Kohler, ses proches n’ont pas pu lui envoyer ni courriers, ni photos", explique son comité de soutien. Ses proches "espèrent qu’elle recevra au moins quelques lettres, et a minima qu’elle en entende parler".