La première réaction de Cécile Kyenge au déchaînement de haine raciste provoqué par sa nomination a été d’ouvrir le chapitre particulièrement sensible du code de la nationalité. Elle défendra, a-t-elle annoncé, un projet de réforme de la citoyenneté, qui accorderait automatiquement la nationalité italienne aux enfants nés en Italie de parents immigrés sans attendre leurs dix-huit ans pour déposer une demande de naturalisation.
En première ligne de l’immigration vers l’Europe, l’Italie, depuis des années, se sent seule et abandonnée par l’Europe face à l’afflux des clandestins. Une partie de sa société vit dans la peur de l’émigré qui lui "vole son travail". Pourtant fédérateur de la jeune génération, le
Mouvement 5 Etoiles de Beppe Grillo lui-même affiche des positions proche de l’extrême-droite sur ce point. Et puis l’Italie n’étant qu’un pays de transit vers l’Europe du Nord, à quoi bon réformer le code de la nationalité pour instituer le droit du sol...
Et pourtant, 80 000 enfants, soit 14%, naissent chaque année de parents étrangers dans la Péninsule, sans recevoir la nationalité italienne. "C’est ainsi que l’on crée des sous-citoyens. Ce problème est une plaie ouverte en Italie," explique Anna-Maria Melo Polo. Or cette réforme ne figurant pas au programme de la nouvelle coalition, il faudrait une pression massive de la population pour l'imposer. Et les chances sont minces que la société, minée par les problèmes économiques, se mobilise pour ce projet. La droite, elle, s’est déjà insurgée et a demandé au Premier ministre de "faire taire" sa nouvelle ministre de l’Intégration. "Ce qu’elle parviendra peut-être à imposer, en revanche, c’est la suppression du délit d’immigration clandestine – actuellement puni de 18 mois de rétention dans des "centres d'identification et expulsion". Des camps qui sont devenus des
foyers de révoltes - un vrai cauchemar," explique la journaliste d'Il Manifesto.
Quelle que soit l’empreinte que la ministre de l'Intégration laissera dans les lois, sa nomination est à marquer d'une pierre blanche dans la vie sociale et politique italienne. Rien d'étonnant, donc, à ce qu'elle déclenche des remous qui ne sont pas sans faire écho au regain d’homophobie provoqué en France par le récent débat sur le mariage pour tous.