Fil d'Ariane
Un nouveau plafond de verre se perce. Pour la première fois en 73 ans d'existence, l'Organisation météorologique mondiale sera dirigée par une femme : l'Argentine Celeste Saulo. Parmi ses priorités : la mise en place d'un réseau mondial d'alerte précoce "pour tous", pour mieux lutter contre le dérèglement climatique dans les pays pauvres.
À 59 ans, Celeste Saulo devient la première femme à diriger l'Organisation mondiale de la météorologie.
Une première dans l'histoire de l'Organisation mondiale de la météorologie créée en 1950, et devenue en 1951 une institution des Nations Unies spécialisée dans la météorologie. C'est une femme, Celeste Saulo, 59 ans, qui en prendra les rênes dès janvier prochain.
Mon ambition est de conduire l'OMM vers une configuration dans laquelle la voix de tous les membres est entendue de la même manière, en donnant la priorité aux plus vulnérables. Celeste Saulo
"En ces temps où les inégalités et le changement climatique sont les plus grandes menaces mondiales, l'OMM doit contribuer au renforcement des services météorologiques et hydrologiques pour protéger les populations et leurs économies, en fournissant des services rapides et efficaces et des systèmes d'alerte précoce", a déclaré la professeure Saulo, peu après son élection le 1er juin 2023 à Genève.
"Mon ambition est de conduire l'OMM vers une configuration dans laquelle la voix de tous les membres est entendue de la même manière, en donnant la priorité aux plus vulnérables et dans laquelle les actions qu'elle entreprend sont alignées sur les besoins et les particularités de chacun d'eux", a-t-elle ajouté.
L'Argentine, qui dirige l'agence météorologique nationale depuis 2014, a été élue dès le premier tour de scrutin à bulletin secret par les pays membres de l'OMM réunis en Congrès. Elle obtenu 108 voix contre 37 à celui qui était vu comme son principal rival, le Chinois Zhang Wenjian, actuel numéro trois de l'organisation, selon une source diplomatique à Genève. Elle remplace le Finlandais Petteri Taalas.
Un score sans appel qui marque le nouvel échec de Pékin à imposer un de ses candidats à la tête d'une agence onusienne après avoir déjà échoué pour la direction de l'Organisation mondiale de la propriété intellectuelle (OMPI) il y a trois ans.
"Encore une victoire pour #WomenInLeadership ! @OMM rejoint @ONUmigration et @UIT en élisant une femme à la tête de l'organisation pour la première fois de l'histoire. Félicitations !", s'est réjouit sur Twitter Doreen Bogdan-Martin, la secrétaire générale de l'Union internationale des télécommunications, qui elle aussi a fait sauter le plafond de verre en devenant l'an dernier la première femme en 157 ans d'histoire de l'UIT à devenir Secrétaire générale.
Celeste Saulo était déjà la première femme à occuper le poste de première vice-présidente de l'OMM depuis 2019 et dans sa profession de foi, l'Argentine se dit "passionnée par la météorologie et la résolution des défis mondiaux associés au changement climatique, aux risques naturels et à la vulnérabilité croissante des peuples".
La scientifique a obtenu sa maîtrise en Sciences de la Météorologie en 1987 dans l'Université de Buenos Aires (UBA). En 1996, elle y a obtenu le Doctorat en Sciences de l'atmosphère à l'UBA.
Jusqu’en 2018, elle était membre du Comité directeur scientifique du Programme mondial de recherche sur la prévision du temps. Elle a également été membre du Groupe de travail de la prévision saisonnière à interannuelle et du Groupe d’experts de la variabilité de la mousson américaine relevant du projet CLIVAR du Programme mondial de recherche sur le climat.
Ses recherches ont permis de mieux comprendre le système de mousson sud-américain et les régimes de précipitation et de circulation qui y sont associés pendant la saison chaude. Ces dernières années, elle a approfondi ses recherches sur des sujets interdisciplinaires tels que la production d’énergie éolienne, les applications à l’agriculture et les systèmes d’alerte précoce.
Mariée et mère de deux enfants, elle aime pratiquer le tennis et les danses latines. Elle est passionnée de musique et aime la lecture et le cinéma, nous apprend son CV.
L'élection de Celeste Saulo est le point d'orgue du Congrès météorologique mondial, qui a lieu tous les quatre ans seulement et dans un contexte où l'urgence climatique se fait sentir de plus en plus nettement avec des phénomènes dont la violence est exacerbée par le réchauffement de l'atmosphère.
Selon un nouveau bulletin publié par l’OMM, les températures mondiales devraient battre des records ces cinq prochaines années, sous l’effet des gaz à effet de serre, qui retiennent la chaleur dans l’atmosphère. Si le phénomène La Niña, qui induit un refroidissement, s’est manifesté la majeure partie des trois dernières années, ce qui a temporairement freiné la tendance au réchauffement à long terme, ce phénomène a pris fin en mars 2023. Il faut désormais s'attendre à un phénomène El Niño dans les mois à venir, ce qui devrait engendrer une augmentation des températures mondiales en 2024.
Ces dernières années, l'organisation a mis l'accent sur de nouveaux systèmes de surveillance et d'alerte destinés à sauver des vies face aux dérèglements climatiques mais aussi à mieux comprendre et anticiper les profondes modifications qu'ils provoquent. Des priorités que Celeste Saulo a fait siennes.
L'alerte précoce pour tous est une initiative clé, nous y travaillerons, nous y parviendrons tous ensemble, en travaillant depuis chaque pays, chaque région, avec chaque membre pour être sûrs de répondre à leurs besoins. Celeste Saulo
Il est notamment question de mettre en place un réseau mondial d'alerte précoce de phénomènes météo extrêmes pour sauver des vies, en particulier dans les pays en développement. Ce plan d'action a pour ambition de déployer d'ici à cinq ans ces systèmes universels d'alerte précoce qui aujourd'hui sont inexistants dans la moitié des pays du monde.
La professeure Saulo a justement travaillé sur ce dossier. "L'alerte précoce pour tous est une initiative clé, nous y travaillerons, nous y parviendrons tous ensemble, en travaillant depuis chaque pays, chaque région, avec chaque membre pour être sûrs de répondre à leurs besoins", a-t-elle déclaré à l'AFP peu après son élection.
Au total, plus de quatre désastres sur cinq sont liés aux situations météorologiques ou climatiques. De 1970 à 2021, ils ont fait environ deux millions de victimes, dont 90% dans les pays en développement, et provoqué pour environ 4.300 milliards de dollars de pertes économiques, selon les derniers chiffres de l'OMM publiés le mois dernier.
Le Congrès a fait de la cryosphère une priorité absolue, compte tenu des impacts croissants de la fonte des glaces de mer, des glaciers et du pergélisol. Il a aussi lancé un nouveau projet de surveillance des gaz à effet de serre, responsables du réchauffement mais encore mal quantifiés au niveau mondial faute d'un réseau assez pérenne et dense.
[La cryosphère est une priorité absolue, compte tenu des impacts croissants de la diminution de la banquise, de la fonte des glaciers, des calottes glaciaires, du pergélisol et de la neige sur l'élévation du niveau de la mer, les risques liés à l'eau et la sécurité de l'eau, les économies et les écosystèmes.]
Pour mettre en œuvre ces initiatives, Celeste Saulo devra faire avec un budget et des effectifs modestes d'environ 285 millions d'euros. Fin 2021, l'organisation employait 315 personnes. Les Etats-Unis et la Chine en sont les principaux bailleurs de fonds.
Ce sommet 2023 de la météo mondiale a mis les femmes à l'honneur en décernant également son premier prix à la célèbre scientifique australienne Sue Barrell lors d'une cérémonie axée sur la nécessité de placer les personnes au centre des politiques et des services et d'accélérer l'égalité des sexes.
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La carrière scientifique nationale et internationale de Sue Barrell montre ce que l'égalité des sexes peut accomplir. Communiqué officiel OMM
En 2017, le Dr Barrell a été nommée "Science and Technology Australia Superstar of STEM" (acronyme qui désigne le secteur des sciences, technologie, ingiénerie, et mathematiques, ndlr).
Dans son communiqué, l'organisation météorologique mondiale a tenu à saluer le rôle déterminant de cette chercheure en termes de visibilité des femmes scientifiques : "Elle est un modèle passionné et visible pour l'égalité des sexes et pour les femmes dans la science. Sa carrière scientifique nationale et internationale montre ce que l'égalité des sexes peut accomplir."
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