Regarder vers le large
Internationaliser le Centre National de la Danse, c’est l’une de ses priorités. « Le CND n’a peut-être pas eu ce développement international qu’il devrait avoir ». Sans délai, elle a accueilli en mars à Pantin la chorégraphe sud-africaine Robyn Orlin, une vieille connaissance, et son compère d'origine camerounaise James Carlès pour leur spectacle « Coupé/Décalé ». Une relecture en 2 actes de cette danse originaire de Côte d'Ivoire qui a conquis Paris dans les années 2000.
L’Afrique, c’est dans les gènes de Mathilde Monnier. Enfance au Maroc avec un père industriel et, à la fin des années 80, nouvel appel du continent africain. Partie à la découverte des danses traditionnelles burkinabé et maliennes, elle va nouer ces amitiés et complicités qui font aussi sa richesse aujourd’hui. A Ouagadougou, elle rencontre deux danseurs débutants Salia Sanou et Seydou Boro, les fait danser dans sa pièce « Pour Antigone » adaptée de Sophocle et chemine avec eux depuis. Les deux danseurs ont pris leur envol, créé Le Centre de développement chorégraphique la Termitière à Ouaga mais sont restés fidèles à celle qui a veillé sur leurs débuts.
Le continent africain au coeur du projet mais pas que. Il y aura aussi l’Asie avec la Corée du Sud ou encore l’Amérique latine. Pas de limites géographiques pour Mathilde Monnier.
Le chemin parcouru. Et après ?
Son histoire, personnelle et professionnelle, plaide en sa faveur : Mathilde Monnier a toutes les capacités et tous les réseaux pour ouvrir le CND à l’international. Mais elle est aussi attendue ailleurs. Sur sa capacité par exemple à faire la synthèse d’un pan entier de la danse contemporaine, cette nouvelle Vague, née dans les années 70 du refus d’une génération de danseurs à se glisser dans le moule du classique. Depuis, les Hussards de la danse ont vieilli, se sont plus ou moins installés, notamment dans les centres chorégraphiques nationaux créés pour eux en 1981. Que reste t-il de leur audace ?
Quelle place pour les femmes ?
Autre dossier sur lequel elle est attendue : la place des femmes dans la danse du 21ème siècle. D’autres comme Karine Saporta y réfléchissent déjà. A Fontenay-sous-Bois, à la tête du Festival du Na (Nous autres) qui ambitionne d’interroger le genre, la chorégraphe déplore la "disparition" des femmes de la scène chorégraphique, et surtout des postes de direction. Ce
rapport parlementaire ne dit pas autre chose.
De moins en moins nombreuses à la tête de Centres chorégraphiques nationaux, elles sont progressivement remplacées par des hommes. Exemple à Roubaix où Carolyn Carlson a été remplacée par Olivier Dubois. Martha Graham, Pina Bausch, Anne Teresa de Keersmaeker, Carolyn Carlson : la grande époque des femmes a t-elle vécu ?
Déjà dans son rôle, Mathilde Monnier préfère s’en référer au passé et rappeler « le rôle avant-gardiste de la danse, les rôles d’hommes tenus par des femmes et inversement ». Un goût pour la transgression certes revendiqué par les Missy et autres Colette aux belles heures de la pantomime. Mais aujourd’hui alors que la bataille du genre fait rage, quel sera le message du CND sur ces questions ? Il est en tout cas très attendu.