Comme nous le disait la journaliste Elise Thiébaut, lors d'une rencontre dans Terriennes (retrouvez ici l’article > "Ceci est mon sang, un livre d'Elise Thiébaut pulvérise le tabou des règles) : « Je réfléchissais à un livre sur la condition féminine. Je butais à chaque fois sur un frein intérieur des femmes. Ce frein me ramenait toujours à la question des règles qui vous désignent comme femme et dont on a honte.
(.../...) Derrière l'injonction à ne pas parler des règles, se cache aussi une perception fascinée des règles et du sang menstruel. »
« Les règles ont été un prétexte pour écarter les femmes de la place publique, soi-disant parce que le cycle affectait leur jugement », ajoutait encore Elise Thiebaut dans 20 minutes.
Règles, tabou ultime ?
De tout temps, les menstruations ont été un tabou. Ce flux de sang mensuel draîne avec lui nombre de croyances, superstitions, peurs, et le plus souvent est synonyme d’impur et sale. Aujourd’hui encore, la seule évocation des menstrues fait rougir les plus jeunes dans les classes lors des cours dits "d'éducation sexuelle", on les excuse, mais aussi gêne aux entournures, les plus adultes soi-disant matures.Au cours de ces dernières décennies, nombreuses sont celles qui cherchent à faire voler en éclat ce « dernier » tabou, écrivaines, chercheures, scientifiques et aussi artistes. Comme ce fut le cas via l’exposition Hic Est Sanguis Meus, lancée en 2016, elle continue son aventure à travers les continents. D’autres se sont essayées à s’attaquer à des personnalités comme Donald Trump, comme cette artiste qui a utilisé son sang menstruel pour lui brosser le portrait. Riposte en version sanguine à celui qui s'était illustré par un « On pouvait voir du sang sortir de ses yeux, du sang sortir de son... où que ce soit », sur CNN au sujet du débat musclé avec la journaliste de Fox News, Megyn Kelly, durant la campagne électorale américaine.
> Quand Sarah Levy, artiste américaine, refait le portrait de Donald Trump avec son sang
> Le sang des femmes, source d'art
Re Megyn Kelly quote: "you could see there was blood coming out of her eyes, blood coming out of her wherever" (NOSE). Just got on w/thought
— Donald J. Trump (@realDonaldTrump) 8 août 2015
#mightymenstruation ou la puissance des règles
Début mars 2018, à l’occasion du mois de l’histoire de la femme (Women’s History Month), une dessinatrice américaine a voulu à sa manière détrôner ce mythe aux relents machistes. Ariella Elovic lance son projet baptisé #mightymenstruation (puissantes menstruations, ndlr). Derrière ce hashtag, la jeune femme de 27 ans décide de rendre hommage à toutes ces femmes qui ont fait l’histoire, ces grandes héroïnes en les dessinant, dans une position encore jamais vue, lorsqu’elles étaient, comme chacune d’entre-nous pendant ses règles, coincées, crampes au ventre ou pas, sur la cuvette des toilettes. Ariella Elovic ne se moque pas, mais s’amuse de cette situation et surtout interpelle. Alors, il est où le problème avec « nos » règles ?A chaque dessin, Ariella Elovic propose un petit résumé des faits et actes de l’héroïne ainsi représentée. Un texte, qu’elle conclut systématiquement par ces quelques mots : « And she got her period » (traduction 'Et elle a eu ses règles').
Ainsi la belle Cléopâtre, se montre, menton levé et fière, parée des ors royaux, et de profil comme le veut la tradition picturale égyptienne, mais sur un trône qui n’est pas vraiment celui auquel l’histoire nous a habitué. Imaginez cette fresque colorée à l'intérieur d'une pyramide…

Ariella Elovic

« Elle refusa de se marier pendant les 45 ans de son règne, pour ne pas mettre en danger son autorité. Elle écrivait elle-même ses discours, mis en place la séparation de l'église anglicane avec celle de Rome. Elle offrit à l'Angleterre, son âge d'or, avec des arts florissant et la paix pour son peuple. Et elle avait ses règles. », peut-on lire dans la légende.
Ariella Elovic
Improductive, déséquilibrée, peu fiable,, Eleanor Roosevelt ? Celle qui donna ses lettres de noblesse au titre de "Première Dame", aux Etats-Unis. Egale à elle-même, digne, droite comme un i, affichant un léger et néammoins ostensible sourire (comme se moquant d'elle-même ou de ceux l'imaginant dans cette posture), les fesses rougies et dénudées. Celle qui « participa à la réalisation de la Déclaration des droits humains, qui est la base de la plupart des Constitutions des pays », lit-on.

Jeanne d'Arc, Frida Kahlo, Rosa Parks, Nina Simone, etc, etc, un projet joyeux et sans fin...
Jeanne d'Arc, Frida Kahlo, Rosa Parks, Nina Simone, ou encore, moins connues hors Etats-Unis, Ruth Bader Ginsburg, "rock star de la Cour suprême et icône féministe", Gloria Steinem, écrivaine et militante à l'origine de mouvements féministes américains et aussi la vétérante d'Irak, Tammy Duckworth ont l'honneur de trôner dans cette galerie de portraits. Elles aussi ont, ou ont eu leurs règles ...« Je m'amuse tellement à les faire, alors il y en a d'autres à venir, ce projet ne se termine pas après le mois de l'histoire des femmes ! Je reconnais également que les personnes transgenres (...) saignent aussi et je prévoie d'ajouter des exemples à cette série. », conclut Ariella Elovic. La liste des femmes sur le trône peut donc encore s'allonger...
A retrouver dans Terriennes autour des règles :
> Le congé menstruel, une bonne idée ou un piège ?
>Avoir ses règles dans une Syrie en guerre, le calvaire des femmes
>Rio 2016 - Quand la nageuse Fu Yuanhui brise le tabou des règles dans le sport
>« Taxe tampon » : toujours les mêmes règles pour les Françaises
> L'endométriose: une maladie féminine taboue
>Les règles des femmes, entre tabou et surexposition