"C’est un véritable apartheid fondé sur le genre qui se déroule, sous nos yeux, en Afghanistan !"

En ce 25 novembre, Journée internationale pour l'élimination de la violence à l'égard des femmes, près de 160 sénatrices et sénateurs cosignent une tribune, à l'initiative de Dominique Vérien, présidente de la délégation aux droits des femmes, pour dénoncer l'apartheid de genre qui se déroule en Afghanistan et appellent à la reconnaissance d'un crime contre l'humanité fondé sur le genre. Terriennes la publie dans son intégralité.

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Afghanes

Des femmes participent à la campagne de vaccination contre la polio, ici à Jalalabad, à l'est de Kaboul, Afghanistan, le 29 octobre 2024.

©AP Photo/Shafiullah Kakar
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Samedi 26 octobre 2024, le ministre taliban de « la propagation de la vertu et de la prévention du vice » annonçait l’interdiction pour les femmes afghanes de s’exprimer à voix haute en présence d’autres femmes, les réduisant ainsi au silence. Déjà privées de visage, les femmes afghanes se retrouvent sans voix au chapitre, sans voix tout court. 

Alors, que faire quand, à 7 227 kilomètres d’ici, un régime tyrannique a décidé de priver les femmes de tous leurs droits, quand le prochain pas à franchir par les talibans sera sans doute d’interdire aux Afghanes de respirer ? Que faire si ce n’est écrire notre rage de voir une poignée de fondamentalistes effacer, écraser la moitié de la population de leur pays par haine, ou plutôt par peur, des femmes ? 

Car, il ne peut s’agir que de l’expression d’une peur panique du pouvoir des femmes quand on en vient à leur interdire d’étudier, de travailler, de pratiquer une activité sportive, de détenir un téléphone portable, d’aller et venir seules dans l’espace public, de se rassembler dans un salon de beauté, de se parfumer, de chanter et désormais de parler entre elles à voix haute… 

Les talibans instaurent, sous nos yeux, le premier apartheid de genre de l’histoire moderne de l’humanité. Si continuer à témoigner et à faire la lumière sur la barbarie du régime taliban est essentiel, comment ne pas se sentir impuissant alors qu’un crime contre l’humanité fondé sur le genre est ainsi en train de se dérouler, au XXIe siècle ? 

Aujourd’hui, nous devons continuer à faire entendre la voix de ces Afghanes qui en ont été privées par leurs oppresseurs. Ne baissons pas les bras face à l’infamie et à la férocité d’un régime qui n’a d’autre but que de briser et de réduire au silence toutes les femmes et petites filles d’Afghanistan et, ce faisant, de plonger notre monde dans les ténèbres de l’inhumanité. Parce que, pour reprendre les mots de Desmond Tutu, « rester neutre face à l’injustice, c’est choisir le camp de l’oppresseur », nous, sénatrices et sénateurs de tous groupes politiques confondus, ne pouvons nous résoudre à accepter cette fatalité. 

Le Sénat français s’est mobilisé depuis trois ans pour soutenir les femmes d’Afghanistan. Sa délégation aux droits des femmes a exprimé sa profonde inquiétude quant au sort des Afghanes dès le mois d’août 2021 après le retour au pouvoir des talibans, et a entendu, à plusieurs reprises, le témoignage de résistantes et résistants afghans engagés contre le régime des talibans. Sa commission des affaires européennes et sa commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées ont adopté à l’unanimité, respectivement les 17 octobre et 13 novembre 2024, une proposition de résolution européenne visant à prendre des mesures appropriées contre les atteintes aux droits fondamentaux des femmes en Afghanistan commises par le régime des talibans, dénonçant un régime liberticide et l’invisibilisation des Afghanes dans le cadre de persécutions uniquement fondées sur le genre. 

C’est pourquoi, nous condamnons fermement ce régime féminicide et appelons la communauté internationale, en premier lieu l’Organisation des Nations Unies, à nous suivre dans cette voie et à ne légitimer en aucune façon un système d’oppression institutionnalisé, fondé sur le genre, visant à l’effacement des femmes et des filles afghanes en les privant de leurs droits les plus fondamentaux. 

Nous voulons aussi nous adresser à la jeunesse afghane, aussi bien les filles que les garçons, pour leur dire qu’un autre monde est possible, fondé sur l’éducation, le respect de l’autre, l’égalité entre les femmes et les hommes, et que priver la moitié de l’humanité de ses droits c’est priver toute l’humanité de sa richesse et de ses libertés. Enfin, nous appelons tous nos partenaires européens à nous rejoindre dans la condamnation, sans équivoque, des violations des droits les plus élémentaires des femmes afghanes et demandons à la communauté internationale de reconnaître que ces persécutions constituent aujourd’hui un crime contre l’humanité fondé sur le genre. 

Auteure de la tribune : Dominique Vérien, présidente de la délégation aux droits des femmes 

Premiers signataires : Pascal Allizard, Cédric Perrin, Jean-François Rapin, Gisèle Jourda, Audrey Linkenheld, Elsa Schalck Autres signataires, dans l’ordre alphabétique : Jocelyne Antoine, Jean-Michel Arnaud, Alexandre Basquin, Bruno Belin, Nadine Bellurot, Catherine Belrhiti, Martine Berthet, Annick Billon, Grégory Blanc, Florence Blatrix Contat, Yves Bleunven, Alexandra Borchio Fontimp, Hussein Bourgi, Valérie Boyer, Jean-Marc Boyer, Jean-Luc Brault, Max Brisson, Colombe Brossel, Laurent Burgoa, Henri Cabanel, Olivier Cadic, Guislain Cambier, Marie-Arlette Carlotti, Maryse Carrère, Christophe Chaillou, Anne Chain-Larché, Yan Chantrel, Daniel Chasseing, Cédric Chevalier, Marta de Cidrac, Olivier Cigolotti, Mireille Conte Jaubert, Hélène Conway-Mouret, Evelyne Corbière Naminzo, Edouard Courtial, Cécile Cukierman, Laure Darcos, Vincent Delahaye, Patricia Demas, Stéphane Demilly, Chantal Deseyne, Brigitte Devésa, Gilbert-Luc Devinaz, Franck Dhersin, Élisabeth Doineau, Thomas Dossus, Sabine Drexler, Alain Duffourg, Catherine Dumas, Laurent Duplomb, Nicole Duranton, Frédérique Espagnac, Agnès Evren, Sébastien Fagnen, Gilbert Favreau, Rémi Féraud, Jacques Fernique, Bernard Fialaire, Isabelle Florennes, Christophe-André Frassa, Amel Gacquerre, Fabien Genet, Frédérique Gerbaud, Hervé Gillé, Éric Gold, Guillaume Gontard, Jean-Pierre Grand, Michelle Gréaume, Philippe Grosvalet, Pascale Gruny, Jocelyne Guidez, Véronique Guillotin, André Guiol, Laurence Harribey, Nadège Havet, Olivier Henno, Marie-Lise Housseau, Annick Jacquemet, Micheline Jacques, Lauriane Josende, Mireille Jouve, Patrick Kanner, Claude Kern, Christian Klinger, Sonia de La Provôté, Marc Laménie, Florence Lassarade, Michel Laugier, Daniel Laurent, Christine Lavarde, Antoine Lefèvre, Jean-Baptiste Lemoyne, Marie-Claude Lermytte, Pierre-Antoine Levi, Martin Lévrier, Jean-François Longeot, Vincent Louault, Claude Malhuret, Monique de Marco, Didier Marie, Hervé Marseille, Hervé Maurey, Pierre Médevielle, Thierry Meignen, Franck Menonville, Marie Mercier, Alain Milon, Jean-Marie Mizzon, Marie-Pierre Monier, Catherine Morin-Desailly, Laurence Muller-Bronn, Corinne Narassiguin, Anne-Marie Nédélec, Louis-Jean de Nicolay, Sylviane Noël, Pierre Ouzoulias, Olivier Paccaud, Anne-Sophie Patru, Jean-Gérard Paumier, Cyril Pellevat, Évelyne Perrot, Stéphane Piednoir, Bernard Pillefer, Kristina Pluchet, André Reichardt, Hervé Reynaud, Olivia Richard, Marie-Pierre Richer, Olivier Rietmann, Anne-Sophie Romagny, David Ros, Laurence Rossignol, Jean-Yves Roux, Denise Saint-Pé, Paul Toussaint Parigi, Bruno Sido, Nadia Sollogoub, Francis Szpiner, Philippe Tabarot, Rachid Temal, Lana Tetuanui, Simon Uzenat, Sylvie Valente Le Hir, Jean-Marie Vanlerenberghe, Marie-Claude Varaillas, Anne Ventalon, Paul Vidal, Mélanie Vogel, Dany Wattebled, Michaël Weber, Adel Ziane.