Fil d'Ariane
Troisième titre mondial pour les handballeuses françaises à l'issue d'une finale haletante face à la Norvège (31-28) au Danemark : un sacre qui intervient à sept mois des Jeux olympiques de Paris. De quoi braquer les projecteurs sur un sport de plus en plus populaire, notamment chez les filles, mais qui mérite encore d'être valorisé.
Les joueuses françaises de handball sur le podium du Mondial après leur victoire face à la Norvège, dimanche 17 décembre 2023 au Danemark.
Vingt ans après leur premier sacre planétaire, six ans après leur deuxième et un an et demi après le titre olympique décroché à Tokyo, les Bleues installent un peu plus la France au sommet du handball, où trônait jusqu'à présent les Norvégiennes.
Doubles championnes d'Europe et championnes du monde en titre, les Scandinaves n'ont cette fois pas pu briser les rêves de gloire des Françaises, comme elles l'avaient fait en finale de l'Euro-2020 (22-20), du Mondial-2021 (29-22) et en demi-finales de l'Euro-2022 (28-20).
Un exploit marqué par "les performances exceptionnelles et inattendues de la jeune demi-centre Léna Grandveau, 20 ans, et de la gardienne remplaçante Hatadou Sako, 28 ans", souligne le site 20 minutes. "C’est ce qui est incroyable dans cette équipe de France : personne n’est indispensable et tout le monde apporte sa pierre à l’édifice", commente Amandine Leynaud, ancienne gardienne emblématique des Bleues et désormais dans le staff tricolore.
Hatadou Sako, ex-internationale sénégalaise (2015-2019), a changé de nationalité sportive pour rejoindre la sélection française et défendre la cage des Bleues.
Née le 21 octobre 1995 à Tournan-en-Brie, Hatadou Sako rejoint en 2011 le Noisy-le-Grand handball où elle reste jusqu'en 2016, avant de partir à Nice. Meilleure gardienne du championnat de France (50% d’arrêts) et de Ligue des champions (36%), Hatadou Sako change de club en 2020, en quittant Nice pour les Dragonnes de Metz et ses vingt-cinq titres de championnes de France. De 2015 à 2019, elle représente le Sénégal. Après trois ans d'attente, elle a pu changer de nationalité sportive et rejoindre ainsi les Bleues. Elle répond aux questions de l'AFP.
Vous voilà championne du monde moins d'un an après votre première sélection avec l'équipe de France après avoir porté le maillot du Sénégal. Quel effet cela fait-il ?
Hatadou Sako : C'est beau ce qui m'arrive. C'est aussi une trajectoire que j'ai choisie. Quand pris la décision il y a quatre ans (le règlement impose une pause de trois ans afin de pouvoir représenter une autre sélection, NDLR), je ne m'imaginais pas avoir cette médaille d'or autour du cou. Mais je savais qu'avec cette équipe de France, j'avais quelque chose à faire. Et mon instinct, ce sur quoi je me base tous les jours, à longueur de journée, m'a mené là. Et comme on dit, l'instinct ne trompe jamais. Ces filles-là font partie de mon destin, de mon histoire et je leur dis toutes merci. Car on a écrit ensemble cette histoire.
Vous avez peu joué depuis une semaine et faites une entrée décisive en début de seconde période...
On m'a toujours donné la sensation de pouvoir servir même quand j'étais N.2. J'accepte tous les statuts qu'on me donne car jouer c'est ma préoccupation première et je me dois, chaque fois que je rentre, d'être performante, de donner le meilleur de moi-même car je sais que c'est avec des gardiennes performantes qu'on gagne. Je savais aussi que si j'avais la chance de rentrer sur cette finale on allait pouvoir compter sur moi. Car je sais qu'on a confiance en moi et j'ai confiance en moi sans prétention. Quand je rentre je me dis Hatadou c'est ton moment. Tu restes une heure sur le banc en poules contre la Norvège, tu l'as attendu ce moment. Ne le laisse pas filer sous ton nez, profites-en, tu verras la suite. C'est ce que j'ai fait et franchement c'est magnifique.
Quelle est la force de ce groupe ?
On est une équipe très homogène et qui fout tellement le bordel. C'est pour ça qu'on est championnes du monde. Les (adversaires) ne savent pas où nous attendre, on peut mettre le doute partout. Et on essaie de jouer avec des règles bien sûr mais toujours autant de légèreté. Ce qui nous permet d'être performantes, c'est qu'on est toutes différentes et que chacune arrive à s'exprimer. C'est génial, on a réussi à garder la tête froide, le coeur chaud car on avait à coeur de rentrer avec une médaille d'or. On a réussi à rester focus. Pourtant on est des filles très agitées, mais quand il faut se concentrer on réussit à le faire.
[Sur cette photo, Hatadou Sako se trouve sous la mêlée des joueuses !]
Si le premier championnat du monde masculin en salle est organisé en 1938, les femmes devront attendre 1949 pour connaître leur première compétition internationale. Le championnat du monde féminin de handball réunit tous les deux ans les meilleures équipes nationales féminines sous l'égide de la Fédération internationale de handball (IHF). Cette épreuve est lancée en 1957 -en Yougoslavie et en plein air - et adopte une cadence biennale depuis 1993.
L’Angola, le Brésil, la France, la Norvège (vainqueur de l'Euro 2022) et la République de Corée se sont déjà qualifiés pour le tournoi féminin de handball de Paris 2024. En avril 2024, les Tournois de Qualification Olympiques (TQO) féminins auront lieu pour finaliser le plateau de 12 équipes pour les Jeux Olympiques de Paris 2024.
(Re)lire nos articles :
Le 15 mars 2021, le handball féminin a ratifié la première convention collective de l’histoire du sport féminin. Signé par l’association des joueurs et joueuses professionnels de handball (AJPH), l’Union des clubs professionnels de handball féminin (UCPHF) et le syndicat des entraîneurs (7 masters), cet accord sectoriel offre une meilleure protection sociale aux joueuses, en ce qui concerne les questions salariales et de maternité.
Cet accord, entré en vigueur en juillet 2021, constitue une "vraie avancée sociale pour le sport féminin, au-delà du handball, puisque ce texte devient la première convention collective pour le sport professionnel pratiqué par des femmes", lit-on sur le site de Ouest-France.
Une convention saluée par le syndicat des joueuses car il permet "une vraie protection des joueuses enceintes", assurant un maintien de salaire de 12 mois. L'accord a aussi permis d'apporter l'égalité femmes-hommes sur les congés payés, les joueuses ont désormais droit à sept semaines, contre 6 auparavant.
En revanche, du côté des salaires, il reste encore des victoires à gagner...
En Ligue Butagaz Énergie (première division féminine de handball), le salaire moyen d'une joueuse de handball pro atteint 3 056 € bruts par mois en 2021-2022 contre 2 000 € en 2008-2009, avec une rémunération minimum de 1 561 € brut par mois, d’après les données fournies par la Ligue féminine de handball. L’écart salarial entre les hommes et les femmes du handball français reste cependant moins significatif que dans d’autres disciplines (on pense bien évidemment au foot).
La fédération nationale se veut modèle de parité, aussi bien au sein des structures que des conseils d’administration (composé à 45 % de femmes pour le CA national, 40 % pour les régionaux et départementaux). Un dispositif d’accompagnement appelé "Réussir au féminin" a été mis en place afin que les actrices du handball qui le souhaitent prennent conscience de leur capacité à s’imposer en tant que dirigeantes, lit-on sur le site de la fédération.
"Quand on a mis en place ces formations, on s’est aperçu que 75% des participantes s’étaient ensuite présentées aux élections fédérales, régionales ou départementales", appuie Béatrice Barbusse, ex-handballeuse, et première femme en France à être présidente d'un club sportif professionnel masculin (à Ivry-sur-Seine, ndlr). "Sur les trois listes candidates à la présidence de la Fédération, il y avait des stagiaires de Réussir au féminin", se réjouit l'autrice de Sexisme dans le sport.
Il faut rendre le handball féminin encore plus visible, connu et reconnu. Nodjialem Myaro, présidente de la Ligue Féminine de Handball
Le handball en France est le deuxième sport collectif du pays en nombre de licencié.e.s (plus de 450 000, ndlr) derrière le football. Les incroyables performances des équipes nationales de ces dernières années incitent de plus en plus de jeunes à se lancer dans ce sport.
L’Opération “Hand Pour Elles” a été mise en place en 2019 pour développer davantage la pratique chez les femmes. Pour Nodjialem Myaro, présidente de la Ligue Féminine de Handball : "Hand pour Elles permet d’aller dans les quartiers pour faire découvrir les différentes pratiques du handball aux jeunes filles. Il faut rendre le handball féminin encore plus visible, connu et reconnu."
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