Chantal Thomas : l'Académie française choisit la dixième "Immortelle" de son histoire

A 76 ans, elle rejoint le cercle des Immortel-le-s. Chantal Thomas, romancière et essayiste française a été élue membre de l'Académie française, et devient la dixième femme sur 763 académiciens de l'histoire depuis l'élection de Marguerite Yourcenar en 1980. Désormais, six des 34 membres actuels sont des femmes.
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Chantal Thomas, romancière, essayiste et spécialiste du siècle des Lumières, va revêtir l'habit or et vert des Académicien-ne-s. 
©capture d'écran/La Grande Librairie
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Et une immortelle de plus ! "Je suis heureuse que l'on m'accueille à cette place, celle de Jean d'Ormesson. Quand je me suis présentée pour sa succession, cela avait beaucoup de sens pour moi. J'ai l'impression d'une affinité avec son style, qui rappelle celui du XVIIIe, et avec sa recherche d'un bonheur quotidien", a déclaré Chantal Thomas à l'annonce de son élection. 

L'écrivaine française a été élue au premier tour, jeudi 28 janvier 2021 à Paris, elle a recueilli 12 voix contre 3 au lexicologue Jean Pruvost, et au chanteur-compositeur Philippe Chatel. Seuls 24 académiciens ont pu participer au scrutin, dont 8 qui ont voté blanc.

La dernière femme choisie par les "Immortels" pour entrer sous la Coupole était la philosophe Barbara Cassin, en 2019.
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Une amoureuse du XVIIIè siècle

Chantal Thomas est née en 1945, elle a passé son enfance à Arcachon. Docteur ès lettres, elle a enseigné dans plusieurs université américaines. Elle est directrice de recherche au CNRS.

Chantal Thomas est une spécialiste du siècle des Lumières, avec des essais sur Sade, Casanova ou Marie-Antoinette. Particulièrement soucieuse de la condition des femmes, elle a été révélée au grand public avec Les Adieux à la reine, prix Fémina en 2002, dans lequel elle raconte les derniers jours de Marie-Antoinette à la cour. Un roman adapté au cinéma par Benoît Jacquot, avec Diane Kruger, Léa Seydoux et Virginie Ledoyen.

"Elle est aussi l'auteur de nouvelles, de récits, de pièces de théâtre et de romans dont Les Adieux à la reine, ouvrage traduit en une vingtaine de langues, et pour lequel elle a obtenu le prix Femina 2002", rappelle l'Académie sur son site internet.

"Parmi les plus grandes œuvres de Chantal Thomas, il est impossible de ne pas citer Casanova, un voyage libertin, paru en 1985. À travers cet essai, elle montre sa profonde affection pour le célèbre séducteur", lit-on sur le site du Huffingtonpost.

En 2013, dans les colonnes de L’Obs, elle conseillait aux aspirants écrivains de ne pas "oublier que l’écriture, comme l’amour, n’a rien à faire des économies parcimonieuses et des calculs sur le futur. " Et elle les enjoignait à ne pas "tourner le dos à l’exigeante et voluptueuse sagesse de Colette nous rappelant qu’'écrire, c’est souvent gaspiller', et qu’il faut tout accorder à cette 'recherche de gourmet' qui sans cesse 'veut un mot meilleur, et meilleur que meilleur'".

En juin dernier, alors que les cafés viennent de rouvrir à l'issue du premier confinement, Chantal Thomas fait l'éloge de ces lieux de sociabilité. Elle publie "Café vivre" aux éditions du Seuil. Un enchantement, une ode à la vie.
 

Oui à la féminisation

Interrogée sur ses convictions quant à la féminisation des noms, à laquelle l'Académie a été longtemps réticente, elle a répondu: "Je pense qu'il faut aller dans ce sens. La langue y va naturellement", a-t-elle souligné.

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Elle est une admiratrice du sémiologue Roland Barthes, qui avait dirigé sa thèse de doctorat consacrée au marquis de Sade, et du romancier et dramaturge autrichien Thomas Bernhard.

"J'ai été l'élève de Barthes, et cette idée profonde qui était au coeur de la psychanalyse dans les années 70, et qui est toujours vraie, que nous sommes notre langage, que nous sommes ce que nous pouvons dire, est à prendre très au sérieux. Tous les enjeux autour de la langue, je les trouve majeurs", a-t-elle ajouté.

Dans Souvenirs de la marée basse publié en 2017, elle raconte l’insoumission de sa mère Jackie et sa passion pour la nage "libératrice". "Une jeune fille qui nage ! Bien sûr, certains ont déjà vu quelqu’un nager et même peut‐être savent nager. Des hommes. Pour les femmes, c’est évidemment exclu. Des femmes bien nées, bien élevées, ne nagent pas ! Cela supposerait, en plus, un déshabillage compliqué, d’une lenteur impossible", écrit-elle dans cette ode à la liberté de la femme.

De sable et de neige, son dernier ouvrage, qui "célèbre la beauté des choses et la puissance de leur silence", est sorti le 7 janvier dernier.