Charlie Hebdo : les attentats vus par les dessinatrices de presse
Alors que s'ouvre le procès des attentats contre Charlie Hebdo, retrouvez comment les dessinatrices de presse du monde entier, elles aussi, avaient réagi. Avec la force de leur crayon. Les attaques menées le 7 janvier 2015 contre le journal satirique français et l'hyper casher ont fait 17 morts.
Dans le monde de la caricature, les femmes restent minoritaires et manquent cruellement de visibilité mais elles existent et ont réagi, par la force de leur crayon, à l'attentat qui a frappé, le 7 janvier 2015 à Paris, la rédaction du journal satirique Charlie-Hebdo. 12 personnes abattues, dont cinq immenses dessinateurs. Cabu, l'éternel ado ; Tignous, le gentil teigneux ; Wolinsky l'ainé de tous qui aimait croquer la vie et plus encore ses vices ; Honoré, le moins connu de tous mais tout aussi talentueux ; et puis Charb, le père courage du journal qui bénéficiait d'une protection policière depuis la publication en 2011 des caricatures de Mohamet.
Au Venezuela, la dessinatrice Rayma Suprani choisi de réagir par l'humour pour contrer la barbarie. La résistance et la censure, elle connaît. Quelques mois plus tôt, celle qui n'a cessé de se faire harceler par le pouvoir central (au point de prendre un garde du corps), a été licenciée de son journal, El Universal, pour un dessin publié sur Twitter où elle dénonçait l'agonie du système de santé sous la forme d'un électrocardiogramme plat, "signé" Hugo Chávez, l'ancien président du Venezuela. Alors pour elle, la lutte, bien sûr, continue.
"Nous allons continuer à travailler pour la liberté, dans la paix et pour un monde où les différences ne se règlent pas par le sang mais s'expriment avec de l'encre. Pour avoir un monde plus clair au lieu d'un monde tout en noir comme celui que nous avons vécu aujourd'hui à Paris", confiait la dessinatrice au quotidien espagnol El Païs. Se présentant comme "la seule caricaturiste du Venezuela à avoir rencontré l'équipe de Charlie Hebdo", elle se souvient encore de son passage à la rédaction : "C'était amusant de voir que c'était tout simplement une bande de jeunes discutant de tout et de rien, se moquant du monde, dénonçant les absurdités contemporaines, levant les tabous et posant les questions essentielles que les gens ne veulent pas voir."
Aux Etats-Unis, Ann Telnaes, dessinatrice au Washington Post et Prix Pulitzer, a aussi marqué sa solidarité par un auto-portrait plein de dérision : elle en statue de la liberté avec un crayon en guise de flambeau et devant sa poitrine l'une des couvertures les plus marquantes de Charlie Hebdo. Celle sur laquelle est écrite, "L'amour plus fort que la haine".
En Tunisie, la caricaturiste Nadia Khiari, qui se moque régulièrement des islamistes intégristes avec ses petits chats aux griffes affûtées, a dénoncé l'absurdité de l'attentat. "Aujourd'hui vous avez tué des dessinateurs mais des légions de dessinateurs vont naître." Sur son compte Twitter, elle parle d'un "cauchemar" et de la perte d'un ami, Tignous. Nadia Khiari, de son nom de plume Willis from Tunis, a collaboré régulièrement à Siné Hebdo, autre hebdo français satirique né d'une crise interne à Charly Hebdo il y a quelques années.
En France, Camille Besse, dessinatrice au magazine féminin Causette (qui refuse de "prendre les femmes pour des quiches"...) et ancienne collaboratrice de Charlie Hebdo, a fait dans le caustique, pointant avec un humour tendre la virilité du journal satirique. Au-dessus d'un poing levé serrant un crayon, cette phrase : "Charlie bande encore".
Quant à Maly Siri, illustratrice française qui vit à Montréal, elle rend un hommage très féminin et délicat aux dessinateurs de Charlie : trois femmes en deuil, chacune voilée selon ses codes religieux mais se réclamant toutes de Charlie.
“On est moins nombreuses mais aussi courageuses“
Entretien réalisé le 08.01.2015 par Mylène Girardeau et Hervé Garcia,
Marlène Phole, vice-présidente de la Fédération des dessinateurs de presse.