Cheveux afro : un choix d'émancipation raconté dans une série documentaire

La revanche des femmes aux cheveux crépus a-t-elle enfin sonné ? Dans une série documentaire, la réalisatrice Rachel Kwarteng recueille les témoignages de dix-neuf afrodescendantes qui racontent leur "combat capillaire".

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Cheveux afro, documentaire

Découvrez l'univers du cheveu crépu, depuis l'époque précoloniale jusqu'à aujourd'hui, à travers les témoignages de 19 femmes anonymes, célèbres, expertes ou passionnées démêlent l'histoire esthétique, sociale et politique des cheveux de la discorde dans le documentaire de Rachel Kwarteng.

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"Pour moi c'est terminé le défrisage !", "Tes cheveux, c'est vraiment ta couronne", "Quand j'allais à un rendez-vous professionnel, je m'attachais les cheveux" ... 

Ils sont classés dans des catégories de 1 à 5. Du moins au plus crépus. Les cheveux des femmes noires se retrouvent depuis des décennies au coeur de la lutte contre les discriminations, mais aussi dans un combat pour l'acception de soi. Car il ne s'agit pas seulement d'un sujet capillaire ou esthétique, cela va bien au delà. Soumis à des normes et injonctions de beauté, le cheveu crépu est devenu au fil de l'histoire contemporaine un sujet politique et de société. 

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Dans Cheveux afro, une série documentaire diffusée sur la plate-forme TV5mondePlus, Rachel Kwarteng fait témoigner dix-neuf femmes. Elles y parlent de leur expérience souvent douloureuse, parfois tyrannique, avec leur chevelure héritée de leurs ancêtres, porte-drapeau de leurs origines africaines et de leur quête de liberté et d'identité. 

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La réalisatrice était l'invitée du JTA sur le plateau de TV5monde. Entretien.

Pour vous, ce mouvement est celui qui a eu le plus d'impact durant ces dernières années, pourquoi ?

Rachel Kwarteng : beaucoup de filles comme moi se sont défrisées pendant des années, et un jour, ont dit "stop". On dit stop aux défrisants, aux cheveux lisses, au fait d'avoir une texture qui n'était pas la notre. Cela a été un mouvement mondial. D'abord parce que ça abime les cheveux, ça les détruit, ça brule le cuir chevelu, c'est terrible. Et donc, ce mouvement a touché les Etats-Unis mais aussi la France. 

Cheveux afro

Dix-neuf femmes témoignent dans la série-documentaire en 5 épisodes, réalisée par Rachel Kwarteng, à voir sur TV5Mondeplus.

capture d'ecran

Justement en France, on découvre la violence des enfants à l'école, entre les cheveux lisses et cheveux crépus, et aussi jusqu'au marché de l'emploi ... Une loi contre la discrimination capillaire vient d'être adoptée à l'Assemblée nationale, qu'en pensez-vous ?

Rachel Kwarteng : Cela veut dire que la problématique est toujours présente, même s'il y a eu un mouvement au retour au naturel, en réalité, toute la société n'a pas encore accepté le cheveu afro, ou n'accepte tout simplement pas la différence. 

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Pour comprendre comment on en est arrivé là, vous retracez toute l'histoire de ce cheveu, en revenant sur l'importance de la coiffure selon les pays...

Rachel Kwarteng : Avant l'arrivée de l'esclavage, les Africains prenaient soin de leurs cheveux. Pour eux, les cheveux, c'est une couronne. Au moment de l'esclavage, on leur rase les cheveux, c'est un acte horrible, qui efface leur culture capillaire. En fonction des pays, il y a des coiffures. C'est comme un langage, ça veut dire peut-être que tu es fiancée, mariée, ça donne le statut social, cela a plein de significations.

Retrouvez la série documentaire "Cheveux afro" sur la plate-forme TV5mondeplus

Quand ils arrivent aux Etats-Unis, on leur enlève le peigne afro ...

Rachel Kwarteng : Oui, c'est ce qu'explique dans le film la sociologue Juliette Smeralda, le peigne afro, c'est l'outil par excellence. Dépossédés de cet outil, les Africains déportés vont utiliser toute sorte d'outils pour le remplacer. Ils vont utiliser entre autre de la braise de bacon, car ils n'ont plus les huiles nécessaires pour soigner leurs cheveux.

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Peau noire, cheveu crépu

Peau noire, cheveu crépu, un ouvrage de Juliette Sméralda, sociologue, écrivaine, chercheuse sur les problématiques identitaires des Afrodescendants de Caraïbe et des Africains.

©Jasor éditions

Ensuite, il y a "l'afro" qui nait avec le mouvement des droits civiques, puis symbolisée par Angela Davis et le slogan "Black is beautiful". Mais dès les années 80 revient le culte du cheveux lisse ? 

Rachel Kwarteng : Autant les produits sont abrasifs, autant le mouvement est fort. Mais tant qu'on ne prend pas conscience que le défrisage est nocif et altère notre santé, le mouvement derrière va être aussi fort et c'est la suite logique. On est arrivé à un point où l'on se dit que ce n'est pas normal, et voir notamment grâce à internet, que dans divers pays, on vit la même chose, cela a aidé à la prise de conscience. Après est né le mouvement nappy qui a eu un impact sur les produits défrisants et aussi pour avoir de bons produits. Car là aussi on a dit stop. 

On assume de plus en plus notre identité notamment à travers nos cheveux, c'était le cas dans les années 60 où c'était la coiffure afro, c'est revenu aujourd'hui, mais aussi la mode est revenue aux coiffures africaines traditionnelles. 

Le film évoque aussi le rôle des mères dans ce changement ?

Rachel Kwarteng : Avant d'arriver du Ghana, ma mère ne connaissait pas ce qu'était le défrisage. Elle l'a découvert en arrivant en France. Mais le problème remonte à encore bien plus loin. 

On peut dire aussi que les youtubeuses ont permis de faire avancer les choses. En parlant de ce qui fait pousser les cheveux, comment les coiffer, les soigner et nous faire comprendre que les cheveux crépus étaient beaux. 

C'est pour moi une vraie révolution. Dans le documentaire, il y a des filles de trente ans qui se sont défrisées pendant 20 ans, soit quasiment toute leur vie. Selon moi, cette révolution pourrait être enseignée dans les écoles. Certains disent que c'est un effet de mode, mais le retour au cheveu naturel est plus profond, les filles de 15 ans aujourd'hui ne se posent même pas la question. 

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