Fil d'Ariane
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- Chez Nike, géant du sport, une révolte façon #MeTo...
Complaints about bad behavior by men and a lack of advancement for women at @Nike long went ignored, employees said, but now change seems to be afoot after a small group of women at Nike's headquarters started a small revolt.https://t.co/NRlt5PEV5A#WomeninBusiness#womenleaders pic.twitter.com/FH8ymixCYD
— Jo Ousterhout (@JoOusterhout) 11 mai 2018
Amber Amin, pour sa part, était la cible de commentaires méprisants de la part de son supérieur qui la rabaissait devant tout le monde. Elle n'était pas la seule. Mais elle avait peur de le dénoncer. Dessinatrice-designer très bien notée pour ses performances, elle a fini par oser le faire. Deux jours plus tard, elle était licenciée.
Une autre, Marie Yates, styliste a aussi tenté d'évoquer les problèmes qu'elle rencontrait avec son gestionnaire. A la direction des ressources humaines, on lui a répondu : "c'est vous qui êtes le problème".
Paige Azevado se souvient de sa première rencontre avec l'un des plus hauts dirigeants de Nike. Elle s'attendait à un échange professionnel autour des questions de marketing numérique. Elle a juste eu droit à une autopromotion du monsieur et à quelques menaces voilées pour que la nouvelle venue ne gêne pas son fabuleux plan de carrière. Elle a quitté le groupe quelques mois plus tard. Elle a été suivie par d'autres femmes, certaines vétéranes de la marque, arrivées quand même à des fonctions essentielles, qui avaient mis toute leur énergie et leur talent au service de Nike. Des démissions en cascade, surtout en 2017, tandis que les hommes colonisaient tous les postes de pouvoir, phénomènes convergeants qui ont commencé à interpeller la direction générale, alors que les mots dièses #MeToo et #TimesUp envahissaient la toile.
Poussées par cette vague,quelques salariées de Nike ont alors décidé de lancer un questionnaire anonyme et quasi clandestin pour recueillir les témoignages des unes et des autres. Les réponses ont été massives, le résultat si concluant qu'il a obligé la direction de la plus grande entreprise mondiale du vêtement et de la chaussure de sport (36 milliards de recettes annuelles) à réagir. D'abord six puis cinq autres de ses plus hauts cadres ont été priés de s'en aller.
Des problèmes confinés à un groupe isolé de hauts dirigeants, qui se protégeaient mutuellement.
Mark Parker, PDG de Nike
Les communicants de Nike ont changé leurs éléments de langage, et ont reconnu les faits, tout en les minimisant. "Des problèmes", disent-ils, "confinés à un groupe isolé de hauts dirigeants, qui se protégeaient mutuellement." Quant au PDG, Mark Parker, il jure dans une déclaration qu'il ne savait rien et que "cela lui a fait beaucoup de peine d'entendre qu'il y avait des recoins de la compagnie où des comportements inappropriés avaient cours, incompatibles avec les valeurs de l'entreprise et qui ont entravé le travail de certaines employées." En matière de condamnation de faits aussi condamnables, les dites employées devaient espérer des mots plus directs.
Nous ne venions pas juste pour nous plaindre, nous voulions améliorer les choses.
Amanda Shebiel, employée de Nike, démissionnaire
L'une d'entre elles résume sans doute assez bien le sentiment qui prévaut : "Plusieurs de mes collègues et moi-même ont rapporté des incidents de cette culture sexiste, tissée de faits perturbants, dérangeants, menaçants, insultants, déloyaux, en espérant que quelque chose changerait qui nous permettrait d'être fières à nouveau de travailler pour cette marque. Nous ne venions pas juste pour nous plaindre, nous voulions améliorer les choses." Face à l'immobilisme qui les accueillait, Amanda Shebiel a jeté l'éponge et a démissionné en septembre 2017, après cinq ans de bons et loyaux services. Si elle se réjouit des rebondissements de mars/avril 2018, elle estime pourtant que c'est trop tard. "Pourquoi a-t-il fallu ce sondage anonyme et quasi clandestin pour que cela bouge ?", se demande-t-elle aujourd'hui. C'est une bonne question. Pourquoi maintenant ?
On serait heureuse de penser qu'un vaste "mea culpa" a enfin envahi les consciences des messieurs qui président aux destinées de Nike. Mais la lecture des médias américains, tels le magazine Forbes ou le site Huffington Post, qui ont rendu compte des déboires de Nike, racontent une autre version, financière et économique celle-là. Dans ce secteur du vêtement et de l'accessoire sportif, la concurrence est impitoyable. Et le segment de ce marché qui s'avère le plus prometteur parce qu'il est celui qui connaît la croissance la plus rapide, est celui... des femmes.
À un moment ou la marque veut mettre toutes ses forces marketing pour attraper les sportives dans son escarcelle, ces révélations sur l'administration sexiste de la marque tombent très mal. D'autant qu'elles arrivent après une autre catastrophe, publicitaire, celle de la campagne pour des baskets féminines, confiée à la chanteuse FKA Twigs. Un tournage au Mexique qui a coûté des millions de dollars pour un premier un clip finalement détruit avant diffusion parce que certaines images rappelaient trop des scènes de strip-tease... Et un deuxième finalement validé... Et on vous laisse juge de la qualité de la mise en scène finalement retenue...
When amazing women get together it’s always magical Thanks @Nike + @NikeWomen for putting so many inspiring women in the same room and giving us a platform to share our stories of resilience. Let’s elevate together #nikeairsociety pic.twitter.com/HSKnua0yS4
— Ibtihaj Muhammad (@IbtihajMuhammad) 10 mai 2018