Choisir son genre : masculin, féminin, autre

C'est fait aussi en Inde : la Cour suprême y a reconnu le 15 avril 2014 l'existence d'un troisième genre, ni masculin ni féminin, ce qui va permettre à plusieurs millions de personnes transgenres et d'eunuques de faire reconnaître leurs droits. Le 1er avril, l'Australie avait elle aussi officialisé un sexe neutre et le 1er novembre 2013, l’Allemagne était devenue le premier État européen à reconnaître officiellement et administrativement le troisième genre. Les deux nations ont intégré la petite liste des pays à donner une identité aux personnes nées de sexe « indéterminé ». D’autres les ont aussi reconnues, à leur manière. Ils ne se comptent que sur les doigts d’une main. Parmi eux, une majorité d'ultra-conservateurs, théologiques, pour des raisons parfois peu proches des droits humains.
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Choisir son genre : masculin, féminin, autre
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Eux ne sont ni homme, ni femme. Ce sont des êtres humains, nés avec deux sexes, pas complètement formés. Selon l’American journal of human biology, 1 à 2% des naissances dans le monde seraient concernées chaque année par cette anomalie médicale. L'Allemagne vient de reconnaître ces personnes en tant que telles. Une première en Europe. Les parents pourront désormais avoir le choix de ne pas « choisir », arbitrairement, souvent après (in)décision médicale, le sexe de leur nourrisson. Mais un imprimatur médical reste nécessaire à la déclaration de ce genre "pas clair", ainsi qu'il est officiellement désigné par le texte allemand.

A l’âge adulte, l’enfant, aura la possibilité d’être homme, femme ou de rester lui-même, c’est-à-dire neutre. On utilise les termes « Aphrodite », « intersexué », « transgenre » voire « transsexuel », pour évoquer un sujet compliqué. Ces mots aux définitions floues, sont très souvent confondus à tort, tant ce qu'ils nomment précisément est méconnu de tous. Que recouvrent ces termes au juste ? Et quels sont les pays qui les reconnaissent ?
 
« Hermaphrodisme » est un terme communément utilisé depuis quelques années. Ce mot est issu de la mythologie grecque où le personnage Hermaphrodite était représenté avec un corps aux formes féminines et au sexe masculin. Mais les individus de sexe dit indéterminé préfèrent qu’on les désigne par « intersexué » au lieu d’Hermaphrodite, qui à leur sens ne définit pas leur réalité. Les personnes intersexuelles présentent une ambiguïté sexuelle. En clair, ils/elles/eux naissent avec deux sexes, quasiment jamais complets ou fonctionnels dans un même corps. La cause : une anomalie génétique qui n’a pas permis de déterminer l’un des deux genres.

Confusion des genres

En parallèle, les expressions « Transgenre » et « transsexualité » sont aussi associées à ce sujet, alors qu’ils ne désignent pas vraiment la situation médicale des « intersexués ». Les transsexuels ne présentent pas d’anomalies physiques mais une détresse psychologique. Beaucoup d’entre eux sont nés garçon ou fille sans ambiguïtés, mais ont le sentiment d’appartenir au sexe opposé. Le terme de transsexuel leur est donc attribué à l'occasion de leur changement de sexe consécutif à une opération chirurgicale. En revanche, les transgenres partagent le même trouble mais sans changer de sexe. En général, les transsexuels et transgenres se positionnent : être une femme ou être un homme. Pour eux, le « neutre » n’existe pas.

C’est ce concept de « neutre » qui dérange les Etats et surtout les états-civils. Les personnes, nées avec un sexe neutre, ne rentrent pas dans les cases traditionnelles, « féminin » et « masculin », édictées et fortement intégrées, culturellement, dans la société, sur le plan social et surtout administratif. Pour la plupart des pays cela reste encore difficilement acceptable, parce que cela relève d'« une question culturelle », selon Dorothée Delaunay, membre de la commission Lesbienne, Gay, Bisexuel, Transgenre et Intersexué (LGBTI), orientation sexuelle et identité de genre à Amnesty International France.

Depuis 2009, seuls cinq pays reconnaissent cette neutralité. La moitié d’entre eux sont des pays d’Asie.

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Pour survivre, les “Hijras“, sont souvent contraints à la mendicité ou à la prostitution
©Pedro Ugarte/AFP
M, F, ou T

Avant l'Inde dans son ensemble, seul l’
État du Tamil Nadu avait entrepris une reconnaissance partielle de l’existence d’un troisième sexe. Depuis 2009, l’inscription du genre « T » (transsexuel) figure à côté des M et F sur les cartes d’électeurs, les cartes de famille ou les cartes de rationnement. Cette mesure est destinée aux « hijras » (« eunuques » en français), des individus nés hommes qui ont décidé de se castrer très jeunes et se considèrent comme asexués. Les intersexuels font partie aussi de cette catégorie, et ils ont aussi été contraints à devenir hijras. Ils sont 100.000 dans cet État du sous-continent.

La reconnaissance de cette population et de sa particularité s’explique par son ancrage très ancien dans la culture indienne, dès le VIIIe siècle après J.-C. Les membres de cette communauté étaient alors privilégiés, ils sont aujourd’hui méprisés en Inde. Leur reconnaissance administrative a permis d’améliorer un peu la vie de ces hijras puisque beaucoup d’entre eux n’ont pas de papiers d’identité et doivent survivre en mendiant ou en se prostituant. En Inde en général les changements de caste, de sexe ou de genre sont mal tolérés, et l'homosexualité souvent perçue comme une "déviance".


La décision de la La Cour suprême indienne reconnaissant un troisième genre, ni masculin ni féminin est une avancée spectaculaire. Elle permettra à plusieurs millions de personnes transgenres et d'eunuques de faire reconnaître leurs droits et d'obtenir des aides sociales. Mais elle laissera inchangé le tabou de l'homosexualité. En décembre 2013, ce même tribunal avait refusé de dépénaliser l'homosexualité qui reste un crime.

Deux ans plus tard, c’est au tour de son voisin, perçu comme ultra conservateur, le Pakistan, de reprendre l’initiative. Le pays a appliqué des mesures au niveau national. Ce pays aussi a une longue histoire avec les hijras, qui seraient 500.000 à vivre au Pakistan. Parmi eux, on trouve des castrats, des travestis, des transsexuels et des intersexués. Victimes de maltraitances et de viols, ils ont finalement obtenu des droits.

En 2011, la République islamique leur a attribué l’obtention d’une carte d’identité où le troisième genre est inscrit, ainsi que des droits en matière d’héritage et des mesures ont été prises pour les protéger du harcèlement policier. L’État est allé encore plus loin : pour les réinsérer dans la société, des emplois dans la fonction publique leur ont été réservés. A Karachi, la plupart d’entre eux sont recrutés au service du fisc et collectent les impôts auprès des mauvais payeurs. Une alternative à la prostitution ou à la mendicité auxquels ils étaient confrontés. Un système donc où tout le monde trouve son intérêt mais qui reste un paradoxe dans cet État où, dans des régions reculées, les droits les plus élémentaires des femmes sont souvent bafoués.

Après l'Australie et l'Allemagne, l'Inde reconnaît le 3e genre

Sujet de Grégory Fontana, TV5MONDE
Après l'Australie, c'est donc au tour de l'Inde de reconnaître un troisième genre - ni masculin, ni féminin. Grâce à cette décision de la Cour suprême, les transgenres et les eunuques indiens auront droit aux mêmes aides sociales que les autres. Une contradiction dans ce pays où l'homosexualité est punie par la justice ...
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Grâce à Norrie May-Welby, de nationalité australienne, la Nouvelle Galle du Sud reconnaît depuis le 31 mai 2013 le troisième genre ©AFP
F, M et X

La même année, l’Australie a reconnu sur les passeports de ses ressortissants la possibilité de cocher la case « X » (neutre), même pour les personnes n’ayant subi aucune intervention chirurgicale en vue de changer de sexe. Mais cette reconnaissance ne s’applique pas au certificat de naissance, principal papier d’identité, et elle relève du bon vouloir des États régionaux pour son application, et dans la plupart de ceux-là, il est nécessaire de subir une opération pour changer de genre.
Le 31 mai 2013, la Nouvelle-Galles du Sud a été le seul des États australiens à tolérer l’inscription de la mention neutre sur les actes de naissances, décès et mariages. Elle ne s’appliquait alors qu’aux citoyens de Galles du Sud et ayant subi un changement de sexe. Jusqu'à ce que le 1er avril 2014, la Haute cour australienne « reconnaisse (unanimement, ndlr) qu'une personne peut être ni de sexe masculin ni de sexe féminin et autorise donc l'enregistrement d'une personne comme étant d'un genre "non spécifique" ». Norrie May-Welby est alors devenu à 52 ans, la première personne « neutre » du monde, au terme d'un long combat administratif et judiciaire.
 
Les intersexués, transsexuels, ou transgenres népalais, ont dû attendre quant à eux le mois de janvier et de juin 2013 pour obtenir le droit de s’enregistrer en tant que troisième genre sur leur carte d’identité ou sur leur passeport. Cependant la démarche est limitée : elle concerne seulement ceux qui font une demande de papier d’identité pour la première fois. Dans cet État, l’un des plus pauvres du monde, la décision est intervenue cinq ans après que la Cour suprême du Népal ait ordonné la promulgation de lois garantissant les droits des citoyens transgenres, homosexuels et bisexuels. Ces derniers étaient, en effet, maltraités dans la société.
 
Enfin, l’Allemagne est devenue, le 1er novembre 2013, le premier pays européen a appliquer une mesure visant à reconnaître le troisième genre. Les enfants intersexués, à leur naissance pourront être déclarés de sexe « indéterminé » sur leur certificat de naissance. Plus tard, les personnes intersexuées auront la possibilité au cours de leur vie de se faire opérer. C’est un avis de la Cour constitutionnelle d’août 2013 qui a permis l’ouverture de cette option parce que « le genre ressenti et vécu est un droit humain de base ».  Toutefois seuls les bébés atteints de cette anomalie et nés après le 1er novembre 2013 pourront en bénéficier. La mesure ne prévoit aucune modification dans les autres documents administratifs et dans la vie quotidienne, telle que la détermination des toilettes réservés aux hommes et aux femmes, par exemple.
 

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Bulent Ersoy, transsexuel depuis 1981, est l'une des chanteuse et actrice les plus populaires de Turquie ©AFP
Politiques publiques, initiatives privées

Et la France, comment se place-t-elle ? Le pays n’a envisagé aucune démarche sur la possibilité de créer une troisième case et reste à la traîne dans ce domaine.
Le changement de sexe dans l’État civil existe, mais il concerne seulement la catégorie femme et homme. La démarche, lourde et compliquée, induit la stérilisation obligatoire des personnes désirant changer de sexe.
 
D’autres exemples similaires dans le monde ? La Turquie ne propose pas de troisième genre, mais autorise le changement de sexe, sur simple déclaration. Mieux encore, ce pays musulman compte de grandes stars transsexuelles, adulées par la population. La chanteuse et actrice turque Bulent Ersoy en est un exemple. Mais en société, les transsexuels continuent d’être victimes de violences, en particulier de la police. La République islamique d’Iran permet aussi le changement de sexe, mais pour des motifs en apparence ambigus, dans un pays où l'homosexualité est criminalisée. Le pays propose ainsi aux homosexuels le changement de sexe pour leur épargner les peines de prison ou de mort.
 
Certains pays laissent aussi s'épanouir des initiatives privées comme celles qui ont fait couler beaucoup d'encre cette année au Canada, ou en Suède, où des parents, en toute légalité, ont refusé d'indiquer le sexe de leurs enfants à la naissance, et les élèvent sans marque d'identité - prénoms neutres, vêtements et jouets indifférenciés, etc -, les laissant libres de se choisir garçon ou fille quand eux-mêmes le décideront...

Pour Dorothée Delaunay, d’Amnesty International France, une loi ou une case en plus sur un simple papier ne suffisent pas : « cette loi allemande est une bonne étape pour leur reconnaissance, mais elle doit être accompagnée de pédagogie dans la société, afin qu’ils ne soient pas stigmatisés » estime-t-elle. Selon Oram, organisation américaine pour le Refuge, l’Asile et la migration des LGBTI, 175 millions de personnes, soit 2,5% de la population mondiale, seraient persécutées en raison de leur orientation sexuelle ou de leur identité de genre.

Luana “moi fille“ résolument

05.11.2013Reportage Mathilde Guillaume, JT 64', TV5MONDE
C’est une première mondiale : Luana, âgée de 6 ans, est la première enfant transgenre a être officiellement reconnue. Depuis son plus jeune âge, elle le clame : elle est une petite fille, pas un garçon. L’Argentine est à la pointe des droits gays, lesbiens et trans depuis déjà plusieurs années.
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Carte d'Europe des droits des lesbiennes, gays, bi et trans

Carte d'Europe des droits des lesbiennes, gays, bi et trans
Cliquer sur la carte pour l'agrandir - source TGEU, transgender Europe