Back to top
L'émotion, la douleur ou l'espoir du parcours de Jade sont véhiculés avec émotion par l'interprétation de l'actrice britannique Vicky Knight. Peut-être parce que l'actrice n'est pas - ou pas encore - comédienne professionnelle, certainement parce qu'elle est elle-même une grande brûlée.
Parce qu'un regard, une remarque, ça peut tuer.
Vicky Knight, actrice
Eduquer les gens à l'empathie pour qu'ils apprennent à communiquer avec les grands brûlés - tel est l'objectif exprimé par Sacha Polak. Parce que Vicky est bien placée pour le savoir : "Un regard, une remarque, ça peut tuer." Sans même que les gens en soient conscients, chaque commentaire blessant détruit un peu plus ce qui reste de confiance en soi - un regard, et alors ? "Je peux vous dire chaque jour exactement combien de regards se sont arrêtés sur moi, insiste Vicky Knight. Au moins cinquante, tous les jours. C'est dur, très dur."
Aujourd'hui, l'actrice a trouvé en elle les ressources pour les ignorer : "L'autre jour, dans le train, tout le monde me regardait et un groupe de touristes riait de moi ouvertement. Hier encore, je n'aurais pas pu retenir mes larmes, je me serais cachée sous mon manteau et je serais descendue à la station suivante. Là, je les ai juste ignorés : 'Je suis comme ça, si vous n'aimez pas, ne regardez pas'."
Pour imaginer Dirty Dog, Sacha Polak s'est inspirée de différentes histoires réelles. Tout commence avec un regard croisé à un festival de musique : "Il y avait cette fille, très profondément brûlée au visage. Je l'ai fixée, puis j'ai détourné le regard, et tout le monde faisait pareil," se souvient-elle. Le visage, c'est notre identité, la porte de la communication. Aujourd'hui plus que jamais, l'apparence est importante et l'on existe surtout dans le regard des autres. "Comment cette fille se prépare-t-elle à affronter ces réactions avant de sortir ?, se demande la réalisatrice.
Puis à Londres, une série d'agressions à l'acide fait la une de la presse. Alors Sacha Polak rencontre ces femmes défigurées via la fondation Katie Piper, qui leur vient en aide. Comment voient-elles leur vie amoureuse ? Qu'est-ce qu'une vie normale ? "Quand je leur parle, j'oublie les cicatrices au bout de cinq minutes, je ne vois plus que la personne. Je veux que mon film ait cet effet-là.," explique-t-elle.
Dirty God est un film de femmes : l'actrice, la réalisatrice, et une équipe de tournage en majorité féminine. Pour la réalisatrice Sacha Polak, la dimension d'empouvoirement du film est importante : Je ne voulais pas en faire une victime. A mes yeux, Jade est une héroïne. C'est un film fait par des femmes et qui révèle la force des femmes, alors qu'elles sont encore trop souvent considérées comme des êtres sensibles et émotifs."
Sacha Polak ne les épargne pas, et voudrait voir davantage de personnages féminins qui ne soient pas "aimables" dans les films. Dirty Dog montre la difficulté de cohabiter pour trois générations sous un même toit et révèle aussi une facette sombre de la maternité, lorsque Jade retrouve une mère qui l'exclut davantage qu'elle ne la soutient. "Défiguré, son bébé parfait ne vaut plus rien, explique Vicky Knight. Alors elle essaie de l'évincer et de s'approprier le bébé. C'est une sorte de deuxième chance pour elle, qui n'a pas forcément été une bonne mère". A Jade, donc, de retrouver sa place entre sa fille et sa mère, après son long séjour à l'hôpital.
Mère, fille, petite-fille, juge, amie... Les femmes sont centrales, dans Dirty Dog. Elles vont de l'avant et surmontent les épreuves. Les hommes sont des personnages périphériques qui, çà et là, croisent sur le chemin des femmes. "Dans ce film, la femme est vraiment l'égale de l'homme, peut-être même un petit cran au-dessus," dit malicieusement Sacha Polak.
Renoncer n'est jamais une solution. Quand on est différent. il faut être fort.
Vicky Knight
Vicky Knight est aujourd'hui infirmière dans l'l'hôpital où elle a été soignée, dans le service qui lui a sauvé la vie quand elle avait 8 ans. Le cinéma est maintenant son autre passion. Le cinéma qui l'a changée, qui lui a permis de recoller les morceaux et lui a montré qu'elle pouvait, malgré ses cicatrices, vivre aussi intensément que les autres. "Renoncer n'est jamais une solution, dit-elle. Quand on est différent. Il faut être fort, c'est la seule option. Sinon, on renonce. A un moment, j'ai renoncé, et c'est la pire chose à faire. Je ne suis pas comme tout le monde, et alors ?"