Cinéma français : le César de la polémique au réalisateur Roman Polanski

Roman Polanski a beau avoir annoncé qu'il n'assisterait pas à  la cérémonie des César, ce 28 février à Paris, les 12 nominations de son film J'accuse ne passent pas auprès des collectifs féministes. Les militantes féministes se sont donné rendez-vous pour célébrer la grand-messe du cinéma français en protestant ce soir devant la salle Pleyel. Suivez cette soirée particulière avec Terriennes.
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slogans manif
©Terriennes
Slogans des manifestantes devant la salle Pleyel à Paris, avant la cérémonie des César.
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osons le féminisme fait des affiches
©AP Photo/Francois Mori

Celine Piques, à droite, et Alix Chazeaux-Guibert, du collectif "Osons le Feminisme" préparent les slogans en vue des manifestations devant la salle Pleyel où se tiendra la cérémonie des César à Paris, ce 28 février 2020.

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Lapsus volontaire ou non ? Florence Foresti, la maîtresse de la cérémonie de remise des César, qui a lieu ce vendredi 28 février à Paris, avait peut-être un tout petit peu prémédité la pique en forme de lapsus qui s'est glissée dans son annonce des nominations. En tout cas, c'est ainsi que l'ont vu de nombreux.ses internautes ou médias.  
 

Dès 18 heures, plusieurs centaines de femmes étaient réunies place des Ternes, dans le 17ème arrondissement de Paris, à quelques pas de la salle Pleyel, où la cérémonie des César s'est ouverte vers 21 heures. Elles sont venues pour protester contre les nominations du film de Roman Polanski J'accuse, alors que le réalisateur fait l'objet de plusieurs accusations de viols.


Ce rassemblement, organisé à l'appel d'associations féministes, dont #NousToutes et Osez le féminisme, exprime l'indignation face à la place de choix donnée à Roman Polanski. Les féministes et une partie de l'opinion publique la jugent inacceptable en pleine ère post #MeToo, alors qu'il est visé depuis novembre par une nouvelle accusation de viol.
 

A mesure qu'approche l'ouverture de la cérémonie, les manifestations sous haute surveillance donnent lieu aux premières arrestations : deux manifestantes se sont approchées trop près de la salle Pleyel. Et les protestations redoublent :

Une distance de 250 mètres est imposée entre le lieu de la cérémonie et les manifestations : "Les pauvres, elles sont trop loin..." a tenté, à son arrivée, Josiane Balasko en fronçant les sourcils au micro de Canal+ qui retransmet la cérémonie en clair.

salle pleyel
A l'entrée de la salle Pleyel, ambiance calme et feutrée...

Quelques minutes avant la cérémonie, les très nombreuses forces de police sur les lieux dispersent les manifestantes à coup de gaz lacrymogène :

La veille de la cérémonie, Roman Polanski avait pourtant renoncé à se rendre à la cérémonie face à la polémique déclenché par ses multiples nominations alors qu'il est accusé de viol et agressions sexuelles par plusieurs femmes

Roman Polanski a annoncé qu'il ne viendrait pas par ce communiqué, dans lequel il se positionne en victime et nie les accusations : "Le déroulé de cette soirée, on le connaît à l’avance. Des activistes me menacent déjà d’un lynchage public. Certains annoncent des manifestations devant la salle Pleyel. D’autres comptent en faire une tribune de combat contre une gouvernance décriée (...) Quelle place pourrait-il y avoir, dans ces conditions déplorables pour un film dont le sujet est la défense de la vérité, le combat contre l’injustice, la haine aveugle et l’antisémitisme ?" Roman Polanski dit vouloir "protéger mon équipe, deux cent talents remarquables, comédiens, techniciens, production (...) Je dois aussi protéger ma famille, ma femme et mes enfants, à qui on a fait subir injures et affronts, appliquant une responsabilité collective d’un autre âge (...) Les activistes agitent le chiffre de 12 femmes que j’aurais agressées il y a un demi-siècle, ces fantasmes d’esprits malsains sont désormais traités comme des faits avérés. Un mensonge répété 1000 fois devient une vérité."

L'équipe du film et le producteur Alain Goldman, eux aussi, s'effacent, "une première victoire" réagit Célines Piques, du collectif Osez le féminisme. L'acteur Jean Dujardin, nommé dans la catégorie meilleur acteur, sera donc absent, tout comme Louis Garrel, nommé dans la catégorie meilleur acteur dans un second rôle. 

La veille de la soirée officielle de remise des Césars, la contre-Académie des Cesar décernait ses récompenses décalées lors de sa grand-messe "des injustices salariales, de la domination d'un sexe par l'autre et de la valorisation des patriarches, avec un hommage spécial au pédocriminel Roman Polanski pour son talent à inverser les rôles et à faire de l'oppresseur, une victime."

Fondatrice de cette Contre-académie des Cesar, la journaliste et écrivaine Karma Duquesne réagit au micro de TV5MONDE au communiqué de Roman Polanski, qui annonçait le 27 février, veille de la cérémonie, qu'il n'y assisterait pas : "C’est un homme qui choisit la fuite, une fois de plus. Rappelons qu’il est en cavale et l’Académie a quand même décidé de le nommer dans 12 catégories. Donc difficile de parler d’une victoire, surtout quand on pense qu'en France, il y a un viol toutes les 7 minutes et que 1 % des violeurs seulement sont condamnés."

Baromètre de la profession, la revue Ecran total publie le choix de 286 professionnels du cinéma sur les chances aux César - ils n'ont accordé aucune récompense à Polanski. Le réalisateur Jean-Claude Barny, co-signataire d'une tribune dans le quotidien Le Parisien qui dénonce le manque de diversité dans le cinéma français reconnaît, lui, que "les anciennes méthodes ne fonctionnent plus. Il y a des choses qui étaient légitimées et qui ne peuvent plus se faire, dont le harcèlement. Il y a eu une table rase."

Au milieu des turbulences qui agitent le cinéma français, et alors que certains cinémas envisagent de censurer le J'accuse de Roman Polanski, Karma Duquesne et Jean-Claude Barny s'expriment sur la question "Faut-il dissocier l'oeuvre de l'homme ?" : 

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Pour les femmes réunies devant la salle Pleyel le soir de la cérémonie de remise des récompenses du cinéma français, la réponse est claire :
 
A l'ouverture de la soirée, la maîtresse de cérémonie, Florence Foresti, elle, annonce clairement la couleur :
"La honte", s'écrie Adèle Haenel en quittant la salle à l'annonce du César de la meilleure réalisation remis à Roman Polanski pour J'accuse.