Cinéma : "A plein temps", journal d'une femme de chambre

Julie, incarnée par Laure Calamy, est une femme seule avec ses deux enfants. Chaque fin de mois, elle cherche à nouer les deux bouts. Cadre, elle perd son travail et retrouve un emploi comme femme de chambre dans un hôtel de luxe. A plein temps, une comédie sociale qui met en lumière le quotidien de femmes qui ne sont jamais têtes d'affiche.
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La comédienne Laure Calamy incarne Julie, en train de courir jour et nuit pour conserver son travail et pouvoir élever ses deux enfants, dans un contexte de crise et de grève des transports. 
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En 1973 sortait Elle court, elle court la banlieue, une comédie de Gérard Pirès avec Jacques Higelin, Annie Cordy, Marthe Keller et Coluche, raillant le «métro, boulot, dodo» dénoncé par Mai 68. Un demi-siècle plus tard – qui l’eût cru ? – la vie des banlieusards parisiens s’est sévèrement péjorée. Il n’y a plus de métro parce que c’est la grève, plus de boulot parce que c’est la crise et plus de dodo parce que c’est le stress…

Julie (Laure Calamy) a un master en économie, mais elle travaille comme femme de ménage dans un palace. Elle vit dans une bourgade de la Grande Couronne. Elle élève seule ses deux jeunes enfants, car son mari est parti – par ailleurs, le goujat souffre d’amnésie récurrente en matière de pension alimentaire.

Il fait encore nuit lorsqu’elle se lève, nourrit les gamins maussades et les dépose chez une voisine bienveillante avant de sprinter en direction de la gare. Elle nettoie les chambres que de riches clients s’ingénient à saloper jusqu’au plafond, essuie les rebuffades d’une cheffe glaciale. Elle rentre à pas d’heure, reprend ses poussins chez la voisine bienveillante qui commence à renâcler.

Ça, c’est l’horaire harassant des bons jours. Il y a les autres, quand le système se grippe: grève des transports publics, grève des taxis, capitale bloquée par des manifestations, pas de véhicules de remplacement ni de covoiturage… Voici Julie forcée de faire du stop et des kilomètres à pied, voire de prendre une chambre d’hôtel. La voisine bienveillante l’a saumâtre, la cheffe glaciale se fait menaçante.

Déclassement, précarité : une machine à broyer

Pour son deuxième film après Crash Test Aglaé, Eric Gravel se souvient du naturalisme des frères Dardenne. Sans chichis, ni discours ni mélo, A plein temps colle aux basques de Julie lancée dans des trajectoires rectilignes plongeant inexorablement vers le déclassement, la précarité. Comédienne extrêmement attachante, Laure Calamy incarne avec justesse cette femme ordinaire rappelant que le courage ne suffit pas quand on est prise au piège de l’implacable machine capitaliste.

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Laure Calamy, comédienne, et Eric Gravel, réalisateur de A plein temps.

"La vraie vie filmée comme un thriller", lit-on sur la présentation du film. "Dès le début j'ai eu envie d'un élan qui démarre et qui ne s'arrête pas avant la fin, un peu comme un coup de pinceau. J'aime bien aller au cinéma", explique Eric Gravel. "Souvent le film social reste dans un carcan, j'ai eu envie de me servir du langage cinématographique aussi particulière au service de cette histoire-là, une histoire haletante comme le personnage, pas gratuitement, mais parce que je sentais que c'est comme ça que se passent les journées des gens qui vivent comme ça", précise le scénariste québécois sur Allociné.fr.

A plein temps a été doublement récompensé dans la section Horizons de la Mostra de Venise.

La revanche des actrices quinqua ? 

"J'aime bien que mes personnages aient un métier. Du coup, j'ai suivi une formation, puisqu'elle est première femme de chambre dans les hôtels de luxe. J'ai donc fais une formation au Bristol. C'est plus que des chambres puisqu'il y en a beaucoup des appartements de 200 mètres carrés. La salle de bain, c'est quatre fois ma chambre.", a déclaré sur France Inter, la comédienne Laure Calamy.

"Mon personnage ne lâche rien. Elle n’est pas dans l’apitoiement, elle n’a pas le temps pour cela. C’est une femme qui a vécu un déclassement donc être première femme de chambre n’était pas son premier métier. Elle est vraiment dans un creux de vague. Il faut qu’elle s’en sorte et elle a cette énergie pour le faire. C’est un roc qui prend l’eau et qui est dans la négation du fait qu’elle prend l’eau. C'est cette idée que je trouve très belle. J'ai également aimé sa manière de se définir par son travail. On sent que c’est une partie intrinsèque de son identité" , explique-t-elle sur France Culture

Grande comédienne de théâtre, aussi à l’aise chez Olivier Py, Vincent Macaigne ou Catherine, Hiegel, mais aussi nouveau visage du cinéma d’auteur, son rôle de secrétaire amoureuse et loufoque dans la série télé Dix pour cent l’a révélée au grand public. Dans le film de Cécile Ducrocq  Une femme du monde Laure Calamy incarne une prostituée qui essaie de réunir l'argent nécessaire pour payer une école privée et onéreuse à son fils.

Les Rochefort, les Marielle, eux aussi ont réussi sur le tard, eh bien c'est possible aujourd'hui pour nous les femmes.
Laure Calamy

Après sa très drôle et jolie performance dans Antoinette dans les Cévennes, comédie signée Caroline Vignal sortie en septembre 2021, voici donc l'heure des premiers rôles, qui arrivent sur le "tard" pour cette comédienne de talent, qui s'en amuse elle-même. "Comme il y a de plus en plus de femmes dans le cinéma, qui écrivent, produisent, distribuent, en vieillissant, on a envie de raconter les femmes après 35 ans, après 40 ans, après 50 de plus en plus j'espère et je trouve qu'il y a quelque chose qui était possible avant. Les Rochefort, les Marielle, eux aussi ont réussi sur le tard, eh bien c'est possible aujourd'hui pour nous les femmes."