Plus inconnue que le soldat, sa femme
"Une partie d'entre-nous a déposé la gerbe à la femme du soldat inconnu le 26 août 1970 en solidarité avec la grève des féministes américaines du Mouvement de libération des femmes. C'est une action qui avait été planifiée comme une action spectaculaire avec une charge hautement symbolique et qui a été bien médiatisée car il ne se passe rien en août en général.Nous avions mis au courant une amie journaliste qui avait prévenu la télévision. Un an après, j'ai lu dans Paris Match que nous étions 200 ou 400 !
Deux ans après, j'ai lu qu'on était 5000 ! Je sais qu'on était exactement neuf, nous avions quatre banderoles, il fallait deux personnes pour en porter une et qu'au dernier moment je me suis retrouvée seule pour porter cette gerbe.

Et puis, il y a un commissaire qui est venu nous voir en nous disant 'Mais vous n'avez pas honte ?' Comme si le simple fait que des femmes manifestent sur la tombe du soldat inconnu avait un caractère sacrilège.
Une fois embarquées dans un fourgon, ils ont arrêté les sirènes ce qui nous a vexé car nous voulions nous faire remarquer, du coup on s'est mis aux fenêtres en criant 'Pin pon, pin pon'".

1 homme sur 2 est une femme, un slogan mal compris
"On était quelques-unes dans un petit groupe qu'on appelait les 'petites marguerites'. On a vraiment réfléchi et on a eu des idées qui ont fusé. Et puis, on s'est dit 'Tiens, on va faire ça!' C'est cette action-là précisement qui nous a fait connaitre du reste des femmes qui commençaient à s'interroger.
Il y avait Christiane Rochefort, écrivaine et Monique Vitti, également écrivaine, toutes deux minuscules qui brandissaient cette banderole, avec des grands baraqués qui se demandaient qu'est-ce-qu'ils allaient pouvoir faire avec ces bonnes femmes ! On s'est retrouvées dans un poste de police qui se trouvait dans un des piliers de l'Arc de Triomphe.
Ils nous ont trimballées jusqu'à un autre commissariat où ils ont pris nos identités et puis ils nous ont relachées. Et nous pendant tout ce temps-là, on chantait nos chansons. Nous on a fait ça dans la bonne humeur, c'était la libération ! On se libérait, sans obliger les autres à se joindre à nous. On se libérait ensemble !"
(Propos recueillis par Matilda.education, 2019)
Libération des femmes années zéro
L'écrivaine et journaliste Martine Storti évoque les débuts du Mouvement de libération des femmes sur le plateau du 64' de TV5MONDE : "Ces femmes que je ne connaissais pas, qui avaient à peu près mon âge, entre 20 et 30 ans à l'époque, témoignaient de choses et de sentiments qui me parlaient, qui correspondaient à ce que croyais être quelque chose d'individuel, de personnel. J'ai compris que nous étions nombreuses dans ce cas et j'ai voulu les rencontrer.
Aujourd'hui, explique-t-elle, "le féminisme est vivant, c'est un héritage, une histoire" :
Martine Storti, écrivaine et journaliste, évoque l'acte fondateur du #MLF, son esprit et son évolution au fil des années https://t.co/TQCXxRqbsthttps://t.co/2nxmuoP163
— TERRIENNES (@TERRIENNESTV5) August 27, 2020
Neuf femmes pour une action fondatrice

Ce n'était pas grave si nous n'étions que 9, mais il fallait qu'on en parle, donc on avait prévenu la presse. Je me souviens que lorsque nous sommes arrivées avec notre banderole 'Un homme sur deux est une femme', il y a un flic un peu affolé que j'ai entendu téléphoner et qui a dit 'Il faut plusieurs cars, il y a une manifestation, on sait pas ce qu'il peut se passer', ça nous a rendu hilares.
Je suppose que personne n'imaginait que neuf femmes pouvaient faire quelque chose d'un peu osé".

Un concours « Buzzons contre le sexisme » organisé par la plate-forme en ligne matilda.education invite les jeunes de moins de 26 ans à mêler leurs réalités et utopies d’aujourd’hui à l’héritage de celles qui ont lutté dans le passé pour la cause des femmes.
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