Claire Kirkland-Casgrain, pionnière du féminisme québécois jusque dans ses funérailles

Ce samedi 2 avril 2016, les Québécois honorent une femme qui a marqué la province et son époque : Claire Kirkland-Casgrain, décédée le 24 mars 2016 à l’âge de 91 ans. Le gouvernement québécois lui organise des funérailles nationales.
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Claire Krkland Casgrain
La ministre libérale Claire Kirkland-Casgrain lors de l'adoption de la loi 16, le 1er juillet 1964, sur la capacité juridique de la femme mariée permettant aux femmes mariées d'exercer des actes juridiques sans le consentement de leur mari
Archives nationales du Québec
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Réservées aux personnalités qui ont marqué le Québec, c’est la première fois que le Québec offre des funérailles nationales à une femme. Une autre « première » pour Claire Kirkland-Casgrain, pour souligner « l’engagement et le dévouement  de Mme Kirkland-Casgrain qui, en tant que première femme à exercer des fonctions dans les domaines politique et juridique au Québec, a mis ses convictions au service de l’égalité entre les hommes et les femmes » a dit le premier ministre Philippe Couillard dans son communiqué.

La « première femme » de beaucoup de choses


Claire Kirkland-Casgrain a été la première femme élue à l’Assemblée nationale, la première femme ministre et la première femme juge du Québec. Une pionnière donc que cette jeune avocate née au Massachusetts en 1924 et qui passera une partie de sa carrière à défendre les intérêts des femmes.

Elle se fait élire sous la bannière libérale en décembre 1961 et devient ainsi la première femme à faire son entrée dans l’hémicycle masculin du parlement québécois. Elle y restera 12 ans.

Lors de son investiture, les journaux se posent des questions en apparence annecdotiques, en réalité emblématiques du pouvoir jusque là exclusivement décliné au masculin : portera-t-elle ou non un chapeau en Chambre ? Les femmes qui assistent aux débats dans les galeries doivent en effet porter un couvre-chef. Qu’en est-il pour une députée? Seule femme parmi 95 députés, Kirkland constate aussi qu’il n’y a pas de toilettes pour dames dans l’hôtel du Parlement, ce qui l’oblige à emprunter celles des hommes. « C’est un oubli de l’architecte », lui répond-on... comme si Eugène-Étienne Taché, le bâtisseur, avait pu prévoir l’élection d’une femme quand il dessina l’édifice... en 1876.
 
Claire Krkland Casgrain archive
Article paru dans "La Presse" du 9 janvier 1962... « Le port du chapeau pose un problème à la Chambre basse », renchérit Le Soleil du 6 janvier 1962. « N’oubliez surtout pas votre chapeau, madame, si vous assistez à une session parlementaire », enjoint à l'élue le Nouveau Journal du 17 février 1962

Elle a tour à tour occupé les postes de ministre des Transports et des Communications, ministre du Tourisme, de la Chasse et de la Pêche et ministre des Affaires culturelles.

On lui doit la création du Conseil du statut de la femme…mais aussi de l’Institut de tourisme et d’hôtellerie du Québec, école de référence en la matière.
 

Elle a aussi fait adopter en 1964 la loi qui autorise les femmes mariées à signer des contrats, mettant ainsi fin à l’incapacité juridique d’une femme qui l’empêchait de signer un bail ou d’ouvrir un compte en banque si son mari ne signait pas à sa place. Une hérésie quand on y pense… Après son élection, Claire Kirkland-Casgrain avait dû demander à son mari de signer le bail de l’appartement qu’elle voulait louer à Québec. Une expérience qui l’avait marquée : « ayant pratiqué le droit pendant 10 ans, j’avais vu l’injustice dont étaient victimes certaines femmes mariées quand le mari tirait avantage du fait que son épouse était 'incapable' devant la loi » avait-elle alors déclaré…

Quand elle quitte la politique, cette mère de trois enfants devient la première femme à être nommée juge à la Cour provinciale en 1973. Elle prend sa retraite en 1991.

Un déluge d’hommages à l’annonce de son décès


Quelle carrière phénoménale et combien de barrières cette femme a réussi à faire tomber ! Les hommages se sont succédé pour lui honorer sa mémoire et cette vie exceptionnelle.

Sur Twitter, le premier ministre Justin Trudeau s’est  dit attristé par son décès. « Merci d’avoir pavé la voie aux femmes » a écrit la ministre québécoise de l’Économie Dominique Anglade également sur twitter.  
 

Le Conseil du statut de la femme, qui lui doit donc sa création, a loué « Une figure inspirante pour celles et ceux qui travaillent pour une réelle égalité… La parité dans les lieux de pouvoir n’est malheureusement toujours pas une réalité ici. Nous avons donc encore besoin de nous inspirer de son courage et de sa ténacité pour y arriver ».  
 

Lise Thériault, ministre québécoise de la Condition féminine, a parlé d’un « véritable symbole pour l’histoire des femmes au Québec. En tant que femmes, nous lui sommes donc énormément reconnaissantes. Son apport précieux à la cause de l’égalité entre les femmes et les hommes restera gravé dans notre mémoire collective ».
 

« Toutes les Québécoises et les Québécois lui doivent beaucoup » a déclaré Pierre Karl Péladeau, le chef du Parti Québécois, le principal parti d’opposition au Québec.

 « Elle fut la première à briser le plafond de verre pour toutes les femmes en politique » a renchéri François Legault, le chef du troisième parti politique du Québec, la Coalition Avenir Québec.

Nous lui devons effectivement et indéniablement beaucoup. Merci madame et bon voyage…
 
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La statue Claire Kirkland-Casgrain, l'une des silhouettes du "Monument en hommage aux femmes en politique" à Québec
ICI Radio-Canada/Carl Boivin