Fil d'Ariane
"Aujourd'hui, Bogota a voté non seulement pour que la ville change dans les quatre années à venir, mais aussi pour que cette génération change notre société (...) La capitale a voté pour que nous nous libérions du machisme, du racisme, du classisme, de l'homophobie et de la xénophobie". Premières phrases de Claudia Lopez, tout juste élue maire de Bogota, sous les ovations de ses partisans.
Dans une Colombie profondément ancrée dans ses racines catholiques et traditionnellement dirigée par des hommes des élites libérale et conservatrice, peu aurait sans doute parié il y a encore quelques années sur la victoire d'une femme, et qui plus est,une femme qui n'a jamais caché son homosexualité. Cette ex-sénatrice de l'opposition de gauche inflige en outre le premier camouflet politique à la droite conservatrice au pouvoir depuis à peine un peu plus d'un an en Colombie. Choisie par 35,21% des électeurs.trices, elle devance de trois petits mais précieux points son principal adversaire, le libéral Carlos Fernando Galan (32,48%).
"Je suis une femme. Je suis candidate d’un parti de centre gauche. Je suis lesbienne et cela ne devrait pas importer dans le débat public […] mais en Colombie, ce n’est pas sans importance", déclarait-elle peu avant l'élection. Largement en tête des intentions de vote durant la campagne, sa côte s'était peu à peu effritée, mais elle restait placée devant ses adversaires.
Pour Yann Basset, analyste de l'université du Rosario, c'est "le vote indépendant, éloigné des partis traditionnels" qui l'a emporté dimanche. Selon lui, Claudia Lopez est le "symbole d'une grande ville, moderne, cosmopolite, ouverte".
GRACIAS BOGOTÁ!
— Claudia López (@ClaudiaLopez) October 27, 2019
Hicimos esta campaña con el alma, con convicción, con un equipazo, convencidos de que podemos unirnos y hacer historia!
Aprendí, crecí, gocé, caminé cada calle, me abracé con miles de hombres y mujeres, de niños y niñas, de jóvenes cuya confianza vamos a honrar! pic.twitter.com/wluMWvfSMT
Née le 9 mars 1970 à Bogota, fille d’institutrice, celle qui est devenue docteure en sciences politiques revendique ses origines modestes. Homosexuelle assumée, elle vit avec sa compagne, Angelica Lozano, sénatrice du Parti vert.
Diplômée en finance, gouvernement et relations internationales, elle est titulaire d'une maîtrise en administration publique et en politique urbaine à l'université de Columbia à New York. En 2013, elle a commencé un doctorat en sciences politiques à Chicago qu’elle a soutenu cette année. .
Consultante auprès de l'ONU, elle collabore avec plusieurs médias colombiens, tels que l'émission populaire Hora 20 de Caracol radio, le portail La Sillà Vacia, et le site web du magazine Semana. C'est sur ce site qu'elle publie une série de reportages qui vont lui donner une certaine notoriété. Elle y dénonce des anomalies dans les processus électoraux régionaux. Ces reportages ont contribué à la série d'événements qui ont conduit à la découverte du scandale des parapolitiques en 2006. Parmi les politiciens mis en cause, le gouverneur d'Antioquia, Luis Alfredo Ramos. Dans son enquête, Claudia Lopez l'accusait d'avoir obtenu des votes grâce à l'aide de groupes paramilitaires d’extrême droite.
Egalement éditorialiste pour le journal El Tiempo, elle en est licenciée en octobre 2009 à la suite d'une chronique dans laquelle elle critiquait la couverture de certaines informations par le journal. Son départ forcé suscite alors la controverse et alimente le débat sur la liberté d'expression et de la presse en Colombie. Ses positions contre la corruption lui valurent d'être menacée de mort et d'être contrainte à l'exil.
En 2014, Claudia López devient sénatrice pour le parti de l'Alliance verte. En 2016, elle se déclare comme pré-candidate à l'élection présidentielle de 2018, toujours au sein du parti vert. Elle sera finalement candidate pour le mandat de vice-présidente, aux côtés du centriste Sergio Fajardo. En août de la même année, elle milite aux côtés de sa compagne en faveur du référendum visant à renforcer la lutte anti-corruption, qui n'a pu être validé (de très peu) en raison d'une participation insuffisante.
Dans son livre ¡Adiós A Las Farc! ¿Y ahora qué? publié en 2016, elle présente sa vision sur la façon de mettre fin au conflit armé avec les FARC (Force armées révolutionnaires de Colombie, ndlr). Bien que favorable au processus de paix, Claudia Lopez a refusé toute alliance avec le parti Farc, en raison du passé violent des ex-guérilleros.
"Véhémente dans les débats, et parfois téméraire dans ses accusations, Claudia s’est gagnée une réputation de femme agressive. (...) Son caractère trempé fait craindre à certains une dérive autoritaire. Aux yeux de ses partisans, il est un gage de succès", écrit le quotidien Le Monde.
Comme pour symboliser cette nouvelle ère, c'est le 1er janvier prochain, à l'aube de la nouvelle année que la première "mayor" de Bogota prendra ses fonctions.
Sobre la recién electa alcaldesa de Bogotá @ClaudiaLopez, pensaba destacar sus orígenes humildes y que no pertenece a la élite política pero también es digno resaltar que es abiertamente LESBIANA
— Gaylor Swift (@SoyCriSzis) October 28, 2019
En una región abiertamente MACHISTA como America Latina,es una victoria absoluta pic.twitter.com/BEpTxespbl