Fil d'Ariane
Avec Un chien à ma table, un roman qui allie féminisme et nature, Claudie Hunzinger remporte le prix Femina du roman français. Un prix au jury exclusivement féminin, né de l'ostensible dédain des fondateurs et des jurés de l'illustre prix Goncourt pour les écrivaines.
Réuni au musée Carnavalet à Paris, le jury exclusivement féminin du prix Femina a choisi sa lauréate au premier tour, par six voix contre trois à Grégoire Bouillier, pour Le coeur ne cède pas, enquête sur un fait divers des années 1980, la mort d'une femme qui avait arrêté de se nourrir. Un chien à ma table, des éditions Grasset, raconte comment l'arrivée d'une jeune chienne va changer la vie d'un jeune couple au fin fond des Vosges, dans l'est de la France.
Un chien à ma table, de Claudie Hunzinger aux @EditionsGrasset
— Jean-Seb Desmarets (@_JeanSeb_) November 3, 2022
Un style particulier, une construction parfois confuse... Mais une lecture agréable qui interroge et pose questions sur notre rapport à cette époque, à ce monde.#Lire #Librairie #Homme #Nature #DonnezALire pic.twitter.com/YbJ3XkUHby
Le prix #Femina attribué à Claudie Hunzinger pour «Un chien à ma table», publié aux éditions Grasset.. L’écrivaine est récompensée pour son roman liant féminisme et nature. Les trois Femina (France, étranger et Essai) de cette année récompensent des femmes. pic.twitter.com/u4MPgMvvrK
— Nancy Roc (@TheNancyRoc) November 7, 2022
Le prix Femina du roman étranger est allé à la Britannique Rachel Cusk pour La Dépendance (Gallimard). Cette fiction raconte un huis clos entre trois couples gagnés par l'orgueil.
Le prix Femina de l'essai a été attribué à l'historienne Annette Wieviorka pour Tombeaux, autobiographie de ma famille (Seuil).
Un prix spécial a été remis pour l'ensemble de son œuvre au Franco-Polonais Krzysztof Pomian, auteur d'une somme en trois volumes, Le Musée, une histoire mondiale (Gallimard).
Si la troisième sélection du prix Goncourt de littérature, dévoilée cette année le 25 octobre, respectait la parité, l'Académie reste, depuis sa création, un cercle très masculin, avec seulement 10% de femmes parmi les auteurs couronnés et une poignée de jurées.
Les écrivains Jules et Edmond de Goncourt, les frères fondateurs du prix éponyme, étaient des langues de vipère notoires. Dans leur "Journal", ils ne cessent d'évoquer la femme avec une plume trempée dans du vinaigre : "Impudique, superficielle dans la conversation, intrigante, moralement méprisable, dépourvue de sens littéraire (...) Dans le meilleur des cas, ces jolis animaux atteignent à l'intelligence du singe".
En 119 ans, seules huit femmes ont été jurées du prix Goncourt. Après Judith Gautier en 1910, fille de Théophile Gautier et grande amie de Baudelaire et de Hugo, Colette est seulement la deuxième à entrer au jury en 1945.
Première présidente de l'Académie Goncourt (1949-1954), Colette règne sur ce cercle masculin. "Avant les délibérations, racontait Edmonde Charles-Roux, deuxième présidente de 2002 à 2014, Colette téléphonait à deux ou trois amis et cela suffisait à orienter le vote".
Sous Colette, sont élues les deux premières lauréates : Elsa Triolet puis Béatrice Beck pour Léon Morin, prêtre (1952). Aujourd'hui trois femmes seulement sur dix jurés ont leur couvert à Drouant, le restaurant parisien où se retrouve le jury : Françoise Chandernagor (depuis 1995), Paule Constant (depuis 2013) et Camille Laurens, qui a remplacé Virginie Despentes, démissionnaire en 2020.
Depuis 1904, sur les 395 lauréats des prix Goncourt des Lycéens, Renaudot, Médicis, Interallié, Femina, 101 sont des femmes, soit 26% (contre 10% pour le Goncourt). Depuis 2000, cette proportion monte à 35% (contre 14%).
Le Femina, avec son jury 100% féminin, a distingué 39% de femmes, tandis que le Goncourt des Lycéens en a primé 41% depuis sa création, en 1988.
Le Renaudot, qui a couronné 18 femmes en 96 ans d'existence, s'est "rattrapé" depuis 2000 avec dix lauréates. En 2021, deux femmes ont également rejoint le jury où siégeait jusqu'alors une seule femme, Dominique Bona. Tel était le souhait de Jérôme Garcin qui, en démissionnant en 2020, dénonçait "l'aberrante constitution d'un jury à 90% masculin".
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