Collectionner serait-il alors lié à l’émancipation des femmes ?
Un parallélisme très fort existe entre l’histoire des collectionneuses et celle des femmes en Occident. Dans cette société bourgeoise du XIXe siècle, collectionner pour une femme, reste un loisir attaché à l’espace domestique.
On ne dit pas qu’elle collectionne, on dit qu’elle orne sa maison. Les femmes sont des décoratrices. Ce sont des objets plutôt décoratifs (vases, verreries, bibelots) que des beaux arts au sens très légitime du terme qu’elle rassemble. Mais progressivement, quand une valeur artistique est reconnue à cette collection et un goût de la collectionneuse, elle va sortir de la maison, être exposée, donnée à des musées, vendue aux enchères.
Cela va permettre à des femmes de sortir de l’espace privé dans lequel elles sont, jusque-là, très confinées. A la fin du XIXe siècle, la collection devient un instrument d’émancipation car cela permet le contact avec l’espace de la cité, l’espace politique.
Hélène Kröller-Müller, née en Allemagne et vivant aux Pays-Bas par exemple, se met à collectionner très tardivement. A 40 ans, elle découvre l’art, et à 45 ans, elle se met à en acheter. Elle se spécialise progressivement sur Van Gogh et une peinture très avant-gardiste. Le fait que ses peintures fassent l’objet d’un intérêt considérable de la part des historiens d’art, des marchands d’art, etc, la légitime elle-même - et non pas comme femme de, fille de - dans ses choix. Cela lui permet aussi de donner des conférences, d’écrire des livres, et donc d’avoir une vie publique qu’elle n’avait pas avant.