Quels sont leurs moyens d'expression ? Réprimées, limitées dans leur mode d'action, les Iraniennes ont trouvé d'autres voies pour s'exprimer en s'appropriant l'espace virtuel comme outil d'expression et de résistance. En 2003-2004, des femmes activistes et militantes ont commencé à créer un réseau en ligne en lançant leurs blogs. Cependant c'est impossible de vous donner le chiffre exact des femmes iraniennes dans l'espace virtuel. La
seule étude de genre existant sur ce thème est basée sur les blogueurs iraniens expatriés (PDF) et date de 2008, et on voit qu'il y a parmi eux 35% de femmes, ce qui est important. Certains blogs peuvent êtres qualifiés de féministes, comme
Nesvan. C'est un blog collectif tenu par trois blogueuses. Elles parlent ouvertement de politique, des comportements masculins, de sexualité, bref des sujets complètement tabous dont on ne peut débattre nulle part dans l'espace public iranien.
Les femmes ont-elles abandonné l'espace public au profit de l'espace virtuel ? Non, elles continuent à manifester dans la rue. Par exemple, en juin 2009, les femmes ont participé à la contestation anti-Ahmadinejad. Très souvent, elles étaient à l'avant-scène du mouvement vert
(la contestation contre le président et ses soutiens, ndlr), ce qui est une belle preuve de courage. Conscientes de la forte répression, elles n'hésitent pas à aller sur le terrain. Si leurs collègues masculins reculaient, elles avançaient. Elle sont aussi très créatives : par exemple, quand les pancartes et affiches sont interdites, elles écrivent les slogans sur leur foulard !
Vous parlez de « résistance créative » également sur Internet... C'est devenu le lieu de la création « underground ». Des artistes femmes utilisent You Tube pour diffuser leur créativité et faire circuler des clips vidéos. Je pense par exemple à
la rappeuse iranienne Say Skye. Elle se définit comme lesbienne et féministe. Evidemment il n'y a pas de place pour elle dans la société iranienne. Elle est en exil au Canada. Via le web, elle s'exprime et critique la société iranienne. Plus largement, il y a aujourd'hui, à travers l'espace virtuel, la création de ce qu'on appelle en sociologie une identité collective : les gens se contactent et interagissent, ce qui donne naissance à un esprit de cohésion et de solidarité. Les nouvelles technologies ont renforcé l'échange d'information.