Parfois, les petites deviennent des grandes révolutions... Les candidates au prochain titre de Miss America vont devoir ranger leurs maillots de bain. Du jamais vu depuis la création en 1921 de cet événement, qui n'entend plus être un « concours de beauté », mais une « compétition », avec des concurrentes qui auront moins à montrer mais plus à dire.
Faut-il y voir un des nombreux effets du phénomène #MeToo ? Ou bien s’inquiéter d’un puritanisme à outrance de l’Amérique de Trump et des Teaparty ? On peut se poser la question. En tout cas, Miss America, l'un des concours de beauté le plus suivi de la planète amorce un virage à 180 degrés, en renonçant à l'un des moments phares du spectacle, pour lequel il est sans doute le plus populaire et le plus regardé, le défilé en maillot de bain. Ce qui justifie la raison pour laquelle il faut maintenant parler de concours tout court, et non plus de beauté, ou alors de compétition. Comme l’a dit elle-même, Gretchen Carlson, la nouvelle présidente du conseil d’administration de la Miss America Organization.
Nous ne sommes plus un concours de beauté, nous sommes une compétition.
Gretchen Carlson, lauréate en 1989, pdte de Miss America
Mais alors quels seront les critères de sélection et de choix si les caractéristiques physiques ne comptent plus ? Bonne remarque. Pour le moment, tout ce que l'on sait, c'est que la présentation en maillot, qui comptait pour 10% de la note finale, sera remplacée par un échange avec les membres du jury. Chacune évoquera alors les projets sociaux dans lesquels elle souhaite se lancer si elle est élue. Autre changement : le défilé en robe du soir, qui pesait pour 15% du total, se transforme en « simple » présentation des candidates. Celles-ci auront même le choix de leur tenue. Totalement inédit ! Cependant, le nouveau règlement ne stipule pas pour l'instant si jean et baskets sont acceptées...
Nouvelle présidente, nouvelle politique
Vu l'ampleur de ce joli coup médiatique, qui cache peut-être d'autres motivations plus politiques qui sait, gageons que beaucoup seront devant leur écran pour apprécier ou non ces changements lors de la cérémonie pour le titre 2019 qui aura lieu le 9 septembre 2018, sur la chaîne américaine ABC, depuis Atlantic City.
A qui doit-on ces changements et pourquoi maintenant ? Il faut sans nul doute les attribuer à la personnalité de la nouvelle patronne du comité, nommée en janvier 2018. Gretchen Larson avait remporté la couronne de Miss America en 1989. Devenue depuis journaliste, elle est connue comme une défenseure acharnée des victimes de harcèlement sexuel et une championne du mouvement #MeToo. Une réputation gagnée après avoir provoqué notamment, en 2016, la démission du PDG de la chaîne Fox News, Roger Ailes, qu'elle accusait de harcèlement sexuel.
"Je n'aurais jamais pu m'attendre à ce qui se passerait lorsque j'ai poursuivi mon ancien employeur à Fox News pour harcèlement sexuel il y a 22 mois, mais regardez ce qui s'est passé", a-t-elle dit lors d'un entretien sur ABC.
"Des milliers de femmes ont été inspirées, elles savent qu'elles peuvent se lever et parler et que leurs voix seront entendues, ajoute Gretchen Carlson,
Si j'ai été une source d'espoir pour une femme dans ce processus, cela en valait la peine." Et en parlant de réputation, celle du prestigieux concours était aussi sérieusement assombrie après la démission, forcée elle aussi, de son PDG Sam Haskell. Une enquête du
site d'information Huffington Post avait révélé que le dirigeant avait envoyé plusieurs courriers électroniques visant notamment Mallory Hagan, lauréate en 2013, dans lesquels il se moquait de sa prise de poids et critiquait sa vie sexuelle, affirmant qu'elle était une femme facile.
Une réputation entachée
"Beaucoup de jeunes femmes nous ont dit : nous aimerions participer au programme, mais nous ne voulons pas nous montrer en maillot et hauts talons", a expliqué Gretchen Carlson.
"Qui ne veut pas s'affirmer, apprendre à mener, payer pour ses études supérieures (l'organisation attribue plusieurs bourses scolaires chaque année) et montrer au monde la personne qu'elle est, au plus profond de son âme?", a interrogé la présidente.
Comme on pouvait s'y attendre, les réseaux sociaux se sont régalés de cette annonce. Pour nombre de Twittos, attachés à la tradition des Miss, et surtout à leurs très légers maillots de bain, cette décision reçoit un accueil des plus mitigés, voire plus, certains y voyant un des nombreux "
méfaits des féministes".
Pendant que d'autres s'interrogent sur les concours masculins de beauté...
Du côté des anciennes miss, l'heure est plutôt à la satisfaction, comme ici chez Kirsten Haglund, miss America 2008, devenue aujourd'hui une célèbre commentatrice politique conservatrice, connue aussi pour sa lutte contre l'anorexie.
"Je suis reconnaissante d'avoir pu contribuer à cet important dossier. Renseignez-vous sur ma relation personnelle unique avec le concours de maillots de bain et pourquoi je célèbre son départ", écrit-elle dans ce tweet.
Alors que d'autres internautes y voient un retour en arrière dans l'histoire du combat des femmes dans l'appropriation de leurs corps, et surtout à pouvoir le montrer ...
En France, impossible à cette heure d'obtenir une réaction de la part du comité Miss France, à qui on aurait souhaité demander si une même mutation était envisageable.
En attendant, en surfant sur le site internet de Miss America, on ne trouve plus que des clichés en noir et blanc d'anciennes Miss en maillot de bain, les photos de la compétition de l'an dernier les montrent uniquement vêtues de robes de cérémonie. Sur la page d'accueil où les postulantes sont invitées à s'inscrire avec ces mots :
Become a contestant (en français, deviens une concurrente), on se prendrait à rêver les voir traduits par un faux ami,
Deviens une rebelle !