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La ville de St Ouen devient ce 27 mars 2023 la première à instaurer en France un congé menstruel pour les employées municipales qui souffrent de règles douloureuses ou d’endométriose.
Les femmes concernées pourront aller chez le médecin, obtenir un certificat médical et bénéficier d’une autorisation spéciale d’absence de deux jours ou encore d’un aménagement de leur temps et de leur poste de travail (télétravail notamment), aucune journée de carence ne sera décomptée, précise Le Parisien.
Cette annonce avait été faite par le maire socialiste de la commune, Karim Bouamrane, le 8 mars dernier lors de la Journée internationale des droits des femmes. "C’est en échangeant avec les agentes de la Ville que je me suis rendu compte que beaucoup souffraient en silence", a confié l’élu au quotidien, "Sur les 2 000 agents de la mairie de Saint-Ouen, plus de 1 200 sont des femmes. Cette mesure pourrait concerner 500 d’entre elles."
"Jusque-là, quand j’avais mal, je venais mais je n’étais pas opérationnelle. Les antidouleurs n’ont aucun effet. Mais je ne peux pas me permettre de m’absenter et de perdre 70 euros (l’équivalent d’une journée de travail)", confie l'une des employées municipales de St Ouen dans Le Parisien, se réjouissant de cette "très belle initiative".
J’ai aujourd’hui le plaisir d’annoncer que @villesaintouen a décidé d’expérimenter la mise en place d’un congé menstruel pour toutes les agentes atteintes d’endométriose ou de règles douloureuses qui les empêchent d’accomplir normalement leurs missions. @EnoraMofficiel #8mars pic.twitter.com/nG3eJxJx93
— Karim Bouamrane (@karim_bouamrane) March 8, 2023
Mis en place il y a un an dans l'entreprise Louis, fabrique de meubles à Labège, dans le sud-ouest de la France, le congé menstruel s'est imposé comme une évidence et une fierté.
"Je trouve ça super!", lance Margot Racaud, 24 ans. "Avant je me forçais à venir, mais je n'étais pas efficace. Je restais accroupie de douleur derrière mon atelier (...) et je finissais par poser un jour" de repos, se souvient-elle.
La mesure est née à l'initiative d'une employée. "Elle s'était rendu compte qu'une de ses collègues travaillant en production posait tous les mois une demi-journée ou une journée de congé car elle souffrait", explique le directeur, Thomas Devineaux. "Chaque femme a la possibilité tous les mois de poser une journée de congé payé ou de télétravail menstruel si elle le désire" avec anticipation ou pas et sans justificatif médical, précise-t-il à l'AFP.
Un an après, "on voit que ça marche", salue Clothilde Soulé, responsable de l'équipe production. "Personne ne veut en abuser (...) Rien que le fait de savoir que cela existe et qu'on peut, si on ne se sent pas bien, le poser, nous fait du bien", expose-t-elle, précisant que seulement 11 journées de congé menstruel ont été posées dans l'année. "Cela m'a beaucoup aidé à ne pas culpabiliser car avant ça me frustrait énormément, j'avais l'impression d'abandonner l'équipe", expliquede son côté Margot Racaud, qui constate même une diminution des crises de douleur: "J'en ai moins, je vomis moins et je m'évanouis moins".
"L'enjeu n°1 pour nous, c'était de casser le tabou des menstruations (...) qui est autant un tabou pour les hommes que pour les femmes, autant à la maison qu'en entreprise", souligne le directeur. "Cela m'a permis d'en parler autour de moi, dans ma vie perso (...) Jamais je n'avais parlé de règles avant avec des collègues", confirme Clothilde Soulé. Les hommes aussi en ont discuté entre eux et avec leurs proches, ajoute Hugo Vabre, ébéniste de 24 ans. "Ma grand-mère m'a dit qu'elle aurait bien aimé avoir ça aussi à l'époque", sourit-il.
Si d'autres entreprises se sont montrées intéressées par le projet, des critiques ont aussi été émises, et beaucoup dans l'équipe se disent dubitatifs quant à une éventuelle généralisation du dispositif.
Dans le quotidien Le Monde, Ophélie Latil, la cofondatrice du collectif Georgette Sand, qualifie le congé menstruel de "fausse bonne idée". Réagissant à la création de ce congé à St Ouen, la militante féministe estime qu'il s'agit d'"une mesurette qui occulte la nécessité d’une vision d’ensemble concernant la santé des femmes au travail, un chantier bien plus vaste".
En 2020, dans un manifeste pour la révolution menstruelle, Elise Thiebaut, autrice du livre précurseur en France Ceci est mon sang dénonçant le tabou sur les règles écrivait : "Toute entreprise devra désormais prévoir un congé menstruel (aussi appelé journées lunaires) de douze jours par an, quel que soit le sexe de la personne salariée, susceptible d’être pris ou capitalisé en vue d’une activité si possible non productive et relaxante. Ce congé pour indisposition ne devra pas faire l’objet d’un justificatif. Il pourra être offert ou partagé au même titre que les RTT. Tous les lieux de travail devront par ailleurs prévoir une salle de détente et des pauses adaptées aux besoins des personnes qui ont leurs règles".
En 2017, une journaliste s'étonnait de ce que, en tant que féministe, je défende le congé menstruel... La mesure est dsms largement soutenue, le maire de Saint-Ouen, @karim_bouamrane, s'est dit sensibilisé à ce sujet par des militantes féministes https://t.co/2RjQQXZTol]
— Camille Froidevaux-Metterie (@CFroidevauxMett) March 27, 2023
Au lendemain du vote en Espagne, en décembre 2022, des députés écologistes français ont annoncer vouloir lancer une "concertation" avec les organisations féministes et syndicales.
Si l'unanimité n'est pas acquise sur le congé menstruel, la priorité reste la lutte contre le tabon des règles. Règles élémentaires, une association qui lutte contre la précarité menstruelle, a lancé une pétition en ligne pour qu'un nouvel émoji règle soit créé pour "normaliser, et rendre visible aux yeux de tous et toutes que oui les règles existent et ont des conséquences directes dans la vie de millions de personnes".