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Le texte proposé au Sénat voulait autoriser les femmes à faire valoir un arrêt de travail en cas de règles douloureuses. La frilosité d'une majorité a eu raison du projet. Certains disent redouter les "effets secondaires non désirés" de ce congé menstruel. Le mouvement, pourtant, est enclenché.
©Pexels (Polina Zimmermn)
"On ne peut plus continuer à demander aux femmes de gérer seule, sans accompagnement ni prise de conscience, ce phénomène chronique. Il y a une réponse à apporter", expliquait le 7 février 2024 la sénatrice Hélène Conway-Mouret, autrice de la proposition de loi. A son initiative, les sénateurs socialistes proposaient un arrêt maladie spécifique pour les cas de dysménorrhée (douleurs menstruelles), dont l'endométriose : l'arrêt serait d'une durée de deux jours par mois au maximum, sans délai de carence, avec un certificat médical valable pour un an.
L'initiative était présentée par Hélène Conway-Mouret comme "une réponse à apporter aux structures qui ont déjà décidé de mettre en place cet arrêt menstruel, afin de leur offrir un cadre juridique". De fait, plusieurs communes et collectivités territoriales ont annoncé l'établissement de ce congé menstruel au printemps dernier, après l'adoption de ce dispositif par l'Espagne à l'échelle nationale, en février 2023.
En parallèle, un collectif de maires, dont Anne Hidalgo à Paris et Karim Bouamrane, le maire de Saint-Ouen-sur-Seine, qui avait lancé le mouvement l'année dernière, ont appelé à sa généralisation dans une tribune publiée dans le quotidien Libération le 6 février 2024. "Nous devons lever le tabou sur les règles douloureuses pour avancer vers l'égalité réelle entre les femmes et les hommes", lance ce collectif, qui compte aussi quelques élus UDI ou divers droite.
Ouvert à la discussion pour "continuer à briser les tabous", le ministre de la Santé, Frédéric Valletoux, s'est néanmoins opposé à une généralisation qui "tourne le dos au dialogue social", évoquant notamment le "risque de discrimination à l'embauche". Quant à la sénatrice apparentée Les Républicains, Béatrice Gosselin, elle craint "des effets secondaires non désirés", évoquant notamment l'atteinte à "l'intimité de la personne" ou encore son coût pour la Sécurité sociale.
Soutenu par la gauche et les écologistes, le projet de loi a été rejeté en Commission des Affaires sociales par la majorité sénatoriale dominée par la droite et le centre, malgré quelques abstentions centristes. Pourtant, plusieurs élus étaient parvenus à faire adopter quelques amendements de compromis, réduisant par exemple à un jour par mois l'arrêt menstruel ou le limitant aux cas "d'endométriose symptomatique".
Examiné dans l'hémicycle le 15 février, malgré de vifs débats et les tentatives de compromis en séance publique, le texte a été retoqué par 206 voix contre 117 à la chambre haute, dominée par la droite et ses alliés centristes. Le président du groupe socialiste, Patrick Kanner, a cependant dénoncé la méthode du scrutin public demandé par LR, qui a permis aux sénateurs absents de voter malgré la présence minoritaire de la droite dans l'hémicycle.
Il y a un petit décalage générationnel entre ceux qui portent cette proposition et ceux qui font obstacle. Laurence Rossignol
"Nous avons perdu l'occasion non pas d'être en avance, mais d'accompagner l'évolution de la société. C'est regrettable pour le Sénat et pour les femmes qui devront encore attendre", regrette Laurence Rossignol, qui s'était néanmoins dite "ouverte" à la discussion pour amender le texte en vue de la séance publique. "Il ne faut pas sous-estimer la question générationnelle : il y a un petit décalage entre ceux qui portent cette proposition et ceux qui font obstacle", ajoute la sénatrice et ancienne ministre des Droits des femmes, qui était aussi rapporteure sur ce texte.