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Une réserve d'une dizaine de jours par an, avec ou sans justificatif médical ... Pour ne pas pénaliser les étudiantes souffrant de règles douloureuses, de plus en plus d'universités françaises leur proposent un congé menstruel, avec des modalités variables.
Visuel de la Ville de Saint-Sébastien-sur-Loire qui a décidé la mise en place d’un congé menstruel pour ses agentes. Celles-ci pourront bénéficier d’une "autorisation spéciale d’absence" ou de télétravail 2 jours par mois maximum, en cas de souffrance durant la période des règles.
"L'année dernière, j'allais en cours malgré les douleurs, ça me fatiguait tellement que je n'arrivais pas à me concentrer pendant les 3 à 4 jours qui suivaient mon ovulation", raconte Lola, étudiante de 23 ans en master à l'Université de Clermont-Auvergne (UCA). "La procédure à suivre est très simple", se réjouit l'étudiante.
"Je déclare mon jour de congé sur l'espace numérique de l'UCA". Puis, elle obtient "un rendez-vous avec un médecin de l'université", auquel elle peut expliquer ses symptômes. Pour la jeune femme, qui souffre de "kystes folliculaires" - une grosseur anormale au niveau d'un ovaire - l'annonce d'une "réserve de 10 jours d'absence autorisée liée à un repos pour trouble menstruel" est une "victoire".
Ce dispositif représente un enjeu important pour la prévention de maladies aux lourds symptômes comme l'endométriose, qui touche près de 10% des femmes et des filles en âge de procréer en France, et tarde souvent à être diagnostiquée.
Beaucoup de personnes nous disaient qu'aller chaque mois chez le médecin, c'était compliqué, que les gynécologues refusaient de leur donner des certificats pour un an. Romane Chevallier, étudiante
Aujourd'hui, onze universités sur 72 ont mis en place le congé menstruel, dans la plupart des cas sans justificatif à envoyer à l'administration. Dans au moins neuf autres établissements, des syndicats se mobilisent pour obtenir ce droit, comme à l'Université de Strasbourg, où un appel à témoignages a récolté environ 200 retours d'étudiantes.
"Beaucoup de personnes nous disaient qu'aller chaque mois chez le médecin, c'était compliqué, que les gynécologues refusaient de leur donner des certificats pour un an", explique Romane Chevallier, étudiante en deuxième année à Sciences Po Strasbourg (qui fait partie de l'université), et membre de l'Alternative Étudiante. Le syndicat insiste pour qu'une "attestation sur l'honneur" soit suffisante pour justifier ces absences.
Le congé menstruel existe déjà dans de nombreux pays : Japon, Corée du Sud, Indonésie, Taïwan, Zambie et Espagne.
A l'Université Bordeaux Montaigne, l'introduction de 15 jours d'absence pour congé menstruel à la rentrée de septembre 2024 a suscité quelques interrogations. "On s'est demandé comment on allait pouvoir le gérer", souligne le directeur de la formation et des études, Stéphane Valat. Cette "décision politique", prise suite à la "pression d'une partie de la communauté étudiante", pose la "question des abus", concède-t-il, sans pouvoir se positionner sur le sujet pour le moment.
Selon ses chiffres, sur 1.048 demandes de justificatif d'absence depuis le début de l'année universitaire, plus d'un tiers sont liés au congé menstruel. "La création de ce droit émane d'une forte demande des étudiantes, parce que c'est une question d'égalité", explique Yanis Jaillet, secrétaire général de l'Union Étudiante Bordeaux, l'un des syndicats qui a porté le projet.
Selon une étude de l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm) parue en octobre 2023, sur 21.287 femmes interrogées de 18 à 49 ans, 90% d'entre elles disaient connaître une douleur pendant les règles. Parmi elles, 40% évoquaient une douleur menstruelle "modérée à sévère".
Les universités ne sont pas les seules à s'être emparées du sujet.
Certaines villes françaises ont mis en place un congé menstruel comme l'Eurométropole de Strasbourg qui expérimente un "congé de santé gynécologique", permettant aux agentes souffrant de douleurs menstruelles, d'endométriose ou de symptômes liés à la ménopause de disposer de 13 jours annuels d'absence exceptionnelle. La région Nouvelle-Aquitaine, Saint-Ouen ou la métropole de Lyon, ont lancé des initiatives similaires.
Mais à Lyon justement, le projet est pointé du doigt en raison de "l'absence de cadre légal". La préfecture du Rhône a appelé la ville et la métropole de Lyon à mettre fin aux deux jours de congés menstruels octroyés par mois à leurs agentes. Une mesure, en expérimentation depuis le 1er octobre 2023. Bordeaux Métropole a rejoint le club des collectivités accordant des congés menstruels pour leurs agents souffrant de règles incapacitantes. Depuis le 1er janvier, les agentes de cette collectivité peuvent revendiquer des aménagements de leurs conditions de travail et jusqu’à 13 jours de congé par an en cas de menstruations douloureuses.
Même menace à Toulouse, où le juge des référés du tribunal administratif a suspendu les dispositifs mis en place par la commune et le centre communal d’action sociale de Plaisance-du-Touch, jugeant illégales les délibérations qui ont créé ces dispositifs.
Quelque 68% des Françaises seraient favorables à la création de ce droit, un chiffre qui atteint 78% chez les 15-19 ans, selon un sondage Ifop réalisé en mars 2021 auprès de 1.009 femmes âgées de 15 à 49 ans.
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