Les entreprises à l'origine du genre humain ?
En France, le Figaro adopte un point de vue plus moraliste sous le titre : "
Ovocytes congelés par Apple et Facebook : bienvenue dans le meilleur des mondes ", et donne la parole au professeur Bertrand Vergely, philosophe et théologien : "La chose est présentée de manière très ambiguë. D'un côté, on peut y voir un désir, de la part des compagnies, de ne plus sanctionner les femmes à cause de leur grossesse. Jusqu'ici, une femme pouvait ne pas être engagée car on supposait qu'elle allait devoir partir, s'occuper de ses enfants et qu'on ne pourrait ainsi pas compter sur elle. Cette mesure peut donc permettre à ces femmes d'outrepasser cette discrimination: l'entreprise lutte contre son propre sexisme, et cette mesure est en cela un réel progrès. D'un autre côté, sous prétexte de respecter la femme en tant que personne, on ne respecte peut-être pas suffisamment l'être humain en tant que personne. A partir du moment où vous congelez des ovules, du sperme, et engagez un processus de procréation artificialisée, vous manipulez l'être humain. En cela, la procréation devient technique, impersonnelle, hors du corps des parents. De plus, Google, par exemple, Facebook ou Apple se servent en réalité de cette proposition pour gagner de l'argent: les femmes deviennent encore plus corvéables, déchargées du souci de la maternité, et peuvent en cela se consacrer corps et âme à l'entreprise. Le plus frappant, c'est que ce gain de productivité, caché sous une enveloppe féministe, donne une excellente image à l'entreprise. On a donc un cocktail redoutable, entre une image féministe d'une part, et une exploitation, une dépersonnalisation de la femme d'autre part. Il est également très difficile de critiquer les entreprises, protégées par leur apparent combat pour l'égalité et les progrès des femmes, sans passer pour un réactionnaire sexiste."
Chère, très "chère" Sheryl Sandberg
En revanche, sur le site américain
Eggsurance, dédié à la promotion de la congélation des ovocytes (qui deviendront des ovules quand ils seront grands), on trouve de véritables odes d'amour à la pionnière Sheryl Sandberg. "Chère Sheryl, si Facebook est l'une des premières entreprises à offrir une assistance financière à la congélation des oeufs, c'est parce que vous êtes là ! C'est que vous savez ce que c'est que de finir le collège, entrer dans le monde du travail, revenir sur les bancs des écoles supérieures, construire une carrière, rencontrer un amoureux, gravir les échelons, engranger un pécule, se marier, être enceinte, et si votre réserve ovarienne le permet, avoir un autre enfant. (.../...) Alors nous vous remercions Sheryl pour votre soutien. Nous nous engageons à parler les unes aux autres de nos (im)possibilités de fertilité. Nous nous engageons à prendre en mains l'avenir de notre fécondité. Et, si cela fait sens pour nous, nous allons utiliser toutes les nouvelles technologies à notre disposition pour nous aider à atteindre tous nos rêves."
Voici encore un sujet dont on n'a pas fini d'entendre parler… et qui pourrait finir par être coté en bourse.