"Faites-le pour vos grands-mères, vos mères, vos filles, vos épouses", avait exhorté l'eurodéputé polonais Lukasz Kohut (Socialistes & démocrates), avant que les eurodéputés ne donnent, enfin, leur feu vert, à une très large majorité, aux deux textes soumis au vote.
C'est un vote pour ces millions de femmes qui vivent dans la violence, dans l'insécurité et la peur, et nous disons maintenant que l'Europe a une tolérance zéro face à la violence à l'égard des femmes. Arba Kokalari, eurodéputée suédoise
"C'est un vote pour ces millions de femmes qui vivent dans la violence, dans l'insécurité et la peur, et nous disons maintenant que l'Europe a une tolérance zéro face à la violence à l'égard des femmes", a réagi l'eurodéputée suédoise Arba Kokalari (groupe PPE, droite), l'une des corapporteures du texte avec Lukasz Kohut .
"Je souhaite adresser mon appel le plus ferme aux six États membres restants de l'UE, également individuellement, pour qu'ils ratifient la #IstanbulConvention. Il est temps pour vous de vous tenir du bon côté de l'histoire et de soutenir le droit des femmes à une vie sans violence.", a-t-elle posté sur son compte Twitter.
Un vote symbolique à portée limitée
Cette ratification par l'UE, qui devra encore être formellement endossée par les Etats membres le mois prochain, est toutefois avant tout symbolique en raison de sa portée limitée. La Convention d'Istanbul, adoptée en 2011 et entrée en vigueur en 2014, est un traité international du Conseil de l'Europe -organisation paneuropéenne regroupant 46 pays - fixant des normes juridiquement contraignantes pour prévenir et lutter contre les violences envers les femmes.
Elle oblige notamment les gouvernements à adopter une législation réprimant la violence à l'égard des femmes, le harcèlement sexuel, les mutilations génitales féminines, le mariage forcé, et à prévoir des refuges pour les victimes de violences.
L'Union européenne l'a signée en 2017 mais a tardé à la ratifier, en raison d'une absence de consensus au sein de ses Etats membres. Vingt-et-un pays de l'UE l'ont ratifiée mais parmi eux, la Pologne a annoncé son intention de s'en retirer.
Six pays (Bulgarie, Tchéquie, Hongrie, Lettonie, Lituanie et Slovaquie) ont refusé de la ratifier. Ces pays dénoncent entre autres la mention du mot "genre" dans ce traité, et l'incitation à promouvoir dans les programmes d'enseignement "les rôles non stéréotypés des genres".
Des griefs relayés par des eurodéputés d'extrême droite lors d'un débat de plus de deux heures dans l'hémicycle strasbourgeois, marqué par des échanges houleux qui ont conduit la présidente de la séance à mettre en garde contre tout propos pouvant s'apparenter à des "discours de haine".
[OUI! Une large majorité du Parlement européen vient de voter en faveur de l'adhésion de l'UE à la Convention d'Istanbul. Une étape majeure dans la lutte contre les violences faites aux femmes.]
Convention d'Istanbul : un message fort européen
La Cour de justice de l'Union européenne a, dans un avis en octobre 2021, indiqué que l'UE pouvait ratifier la Convention d'Istanbul sans avoir l'accord de tous les États membres. Ce qui a ouvert la voie au processus d'adhésion, dont la présidence suédoise du Conseil de l'UE a fait une priorité.
Cette adhésion de l'UE s'appliquera aux 27 pays du bloc mais seulement pour les dispositions relatives à la coopération judiciaire en matière pénale et à l'asile.
Les eurodéputés ont souligné que l'adhésion de l'UE à la Convention d'Istanbul ne dispensait pas les six Etats membres ne l'ayant pas ratifiée de le faire, les poussant à effectuer une telle démarche "sans délai" afin que ce traité puisse "protéger les femmes dans toute l'étendue du champ d'application prévu".
62 millions de femme victimes
Une femme sur trois dans l'UE, soit quelque 62 millions de femmes, a déjà subi des violences physiques et/ou sexuelles et plus de la moitié des femmes (55%) dans l'UE ont été victimes de harcèlement sexuel au moins une fois depuis l'âge de 15 ans, selon des données de l'Agence des droits fondamentaux de l'UE datant de 2014.
La commissaire européenne à l'Egalité, Helena Dalli, a qualifié ce vote de "pas en avant historique, qui envoie un message fort sur l'importance des droits des femmes dans l'UE".
Nous serons intraitables avec les six pays sur 27 qui agissent encore au mépris de nos droits. Karima Delli, eurodéputée Verts
"Sept femmes meurent chaque jour sous les coups de leur conjoint ou ex-conjoint. Ces données sont glaçantes (...) Nous serons intraitables avec les six pays sur 27 qui agissent encore au mépris de nos droits", insiste l'eurodéputée française Karima Delli (Verts).
Au total, la Convention d'Istanbul a été ratifiée par 37 pays, les derniers en date étant l'Ukraine et le Royaume-Uni, en 2022. Et si cette convention porte toujours le nom d'Istanbul, la Turquie, elle, est le seul pays à en être sorti, en 2021.
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