COP 28 : l’éducation des filles menacée par la crise climatique

Alors que la COP 28 s'achève à Dubaï, plusieurs ONG lancent l'alerte sur les conséquences du changement climatique sur l'éducation des filles. D'ici 2025, au moins 12,5 millions de filles risquent de ne pas pouvoir aller au bout de leur scolarité chaque année, notamment en raison de cette crise du climat, selon les prévisions du Fonds Malala à l'UNESCO.

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Fillettes Togo

Deux fillettes à l'école au Togo, mais pour combien de temps ? Le réchauffement climatique impacte directement la scolarisation des filles, selon Plan International.

©Plan International France
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Le changement climatique contribue à la déscolarisation des filles et à l’augmentation des violences de genre. C'est le constat de plusieurs récentes études. 

Deux nouveaux rapports de Plan International, Changement climatique et éducation des filles : entraves, normes sexistes et chemins vers la résilience et For our futures : youth voices on climate justice and education, mettent en lumière les défis massifs auxquels les filles et les jeunes femmes sont confrontées dans leur quête d'une éducation de qualité dans les pays vulnérables au changement climatique.

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Accès à l'école compromis = mariages forcés et grossesses précoces

Basé sur l'expérience de 78 filles de huit pays confrontés à des chocs climatiques, le premier rapport documente comment les événements météorologiques extrêmes compromettent l'accès immédiat des filles à la scolarité. Ils ont également des conséquences catastrophiques à long terme, notamment en augmentant le risque de mariages d’enfants, de violences de genre et de grossesses précoces. 

Les infrastructures sont l’une des premières victimes du changement climatique : inondations et tempêtes entraînent la fermeture des écoles, détruisent des routes et rendent les déplacements vers l’école plus dangereux. Les filles sont plus susceptibles d’abandonner leurs études ou de voir leur fréquentation de l’école perturbée.

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Le revenu familial est aussi le plus touché : la sécheresse et des conditions météorologiques exceptionnelles signifient que les récoltes sont mauvaises et les familles, qui souvent vivent déjà à proximité du niveau de subsistance, s’appauvrissent davantage. Montée de la pauvreté signifie augmentation des taux de criminalité : les filles et les jeunes femmes sont plus vulnérables à la violence, souvent sur les trajets scolaires, ce qui rend les familles réticentes à les envoyer à l’école.

« Je pense que pour le moment, la meilleure solution pour éviter les mauvaises récoltes, c’est d’avoir de l’argent. Parce que si nous avons de l’argent, nous avons plus d’engrais, nous faisons davantage d’irrigation et nous avons assez de fonds pour subvenir aux besoins domestiques et scolaires en attendant la récolte. », témoigne Reyna, 16 ans, qui vit aux Philippines.

L’instruction des garçons peut également pâtir, mais dans de nombreuses familles suivies par cette étude lancée il y a dix-sept ans, cette instruction est encore considérée comme plus importante que celle des filles. Extrait rapport Plan international

Les jeunes femmes tout au long de l’étude, signalent que leurs parents ont du mal à payer leurs frais de scolarité ou leur trajet scolaire aller et retour. Certaines signalent qu’elles doivent chercher un emploi rémunéré en dehors des heures d’école pour participer au revenu de leur famille. Elles signalent également à quel point il est difficile de jongler avec l’école et le travail et elles sentent que leur éducation est en train de pâtir

L’instruction des garçons peut également pâtir, mais dans de nombreuses familles suivies par cette étude lancée il y a dix-sept ans, cette instruction est encore considérée comme plus importante que celle des filles. Résultat : les garçons continuent leurs études, les filles aident à la maison. Avec la perte de l’instruction, les choix de vie des filles sont limités, conclut le rapport.

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500 personnes consultées

Le deuxième rapport a été élaboré par des jeunes activistes de Plan International qui ont consulté plus de 500 personnes âgées de 10 à 24 ans (dont une majorité de filles) d'Australie, du Népal et d'Indonésie sur l'impact du changement climatique sur leur éducation. 

62 % des personnes interrogées ont subi des perturbations dans leurs déplacements vers et depuis l'école en raison du changement climatique. Etude For our futures : youth voices on climate justice and education

62 % des personnes interrogées ont subi des perturbations dans leurs déplacements vers et depuis l'école en raison du changement climatique, et un tiers ont déclaré que leur école avait été fermée, endommagée ou détruite en raison d'événements liés au changement climatique au cours de l'année écoulée.

Militante philippines

Une jeune Philippine participe à un projet d’agriculture intelligente face au climat.

©Plan International

En 2021, l’UNICEF a introduit un Indice des risques climatiques pour les enfants (IRCE). Il mesure le taux de chocs causés par l’environnement par rapport aux niveaux de vulnérabilité des enfants, afin de formuler une analyse des enfants à risque.

Six des pays de l’étude VCVV (Vrais choix Vraies vies, Plan International) - les Philippines, le Vietnam, le Cambodge, le Bénin, le Togo et le Brésil - connaissent des niveaux extrêmement élevés de chocs et de contraintes environnementaux, les Philippines se classant au troisième rang mondial.

En outre, trois autres pays - le Bénin, le Togo et l’Ouganda - présentent des niveaux extrêmement élevés de vulnérabilité des enfants. Sans surprise, le Bénin et le Togo font partie des pays classés dans la catégorie “gravité très élevée” selon le classement de l’IRCE - la catégorie la plus élevée possible - et ils sont rejoints par les Philippines.

"Ecoutez la voix des filles !"

Les crises de toutes sortes ont tendance à provoquer une augmentation de la violence : les adolescentes et les jeunes femmes qui vivent dans des situations de crise climatique sont plus exposées aux violences sexuelles et sexistes, aux abus domestiques et à la violence entre partenaires intimes. De nombreuses études ont mis en évidence un pic de violence basée sur le genre et d’agressions sexuelles pendant et après des événements climatiques extrêmes. Les femmes et les jeunes filles sont également victimes d’abus sexuels et de violences lorsqu’elles tentent d’accéder aux services de secours.

« Parfois, pour trouver à manger, les filles se donnent aux garçons, et le goût de l’aventure conduit les filles à abandonner l’école. », raconte Reine, 17 ans, du Togo. 

Le changement climatique peut également être synonyme de déplacement, de traite des êtres humains à des fins sexuelle et d’exploitation sexuelle sous la forme d’être obligée de vendre ou d’échanger des services sexuels pour subvenir à leurs besoins ou à ceux de leurs familles.

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Deux jeunes militantes de Plan International Australie ont participé à la COP28 pour présenter le rapport Pour nos futurs et formuler plusieurs recommandations. Pour Plan International, il faut que les gouvernements et la société civile prennent des mesures concrètes et immédiates pour résoudre cette crise éducative liée au climat.

Cambodgienne

Une adolescente cambodgienne doit se lever à 5h30 du matin pour aller chercher de l’eau au puits avant qu’il ne se tarisse.

©Plan International

Elles sont essentielles pour comprendre comment leur éducation est menacée et comment elles développent leurs compétences d'adaptation. Michelle Perrot, Directrice Plaidoyer de Plan International France

L’ONG recommande notamment de garantir des écoles plus sûres, de mettre en œuvre et financer des programmes d’enseignement sur le climat qui prennent en compte les questions de genre, d’inclure les filles dans la prise de décisions et de remettre en question les normes sociales pour l’éducation des filles.

« Nous devons prendre en compte la voix et la réalité des filles dans toute action de lutte contre le changement climatique. Elles sont essentielles pour comprendre comment leur éducation est menacée et comment elles développent leurs compétences d'adaptation. », estime Michelle Perrot, Directrice Plaidoyer de l’ONG Plan International France.

Les recherches actuelles montrent clairement que l’instruction est un moyen essentiel de lutter contre le changement climatique : "elle est liée au développement des compétences, à la sensibilisation, au changement de comportement et au renforcement de la capacité d’action des enfants. Ce sont ces facteurs qui constituent le leadership quotidien dont font preuve les filles de l'étude menée par Plan International : il ne s’agit pas tant pour elles d’avoir accès à des plates-formes avec les décideurs et de les occuper, mais de prendre part aux efforts vitaux d’adaptation au changement climatique qui peuvent être réalisés au sein de leurs propres communautés", conclut l'ONG.

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