COP26 : Greta Thunberg, la fille qui rassemblait les jeunes pour sauver la planète

Le visage tourmenté de Greta Thunberg est devenu celui de la révolte des jeunes du monde entier contre les atteintes de la société de la consommation à l'intégrité de la planète. Elle est à Glasgow, en Ecosse, pour la conférence des Nations unies COP26 qui se tient jusqu'au 12 novembre 2021. Retour sur le parcours d'une égérie de la lutte pour le climat.
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Greta Thunberg arrive à Glasgow
©AP Photo/Alberto Pezzali
Escortée par la police, Greta Thunberg (centre) arrive à la gare centrale de Glasgow, en Écosse, le 30 octobre 2021, pour assister à la COP26.
 
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greta milan
©AP Photo/Antonio Calanni
Greta Thunberg, de Suède lors d'une manifestation des "Vendredis pour l'avenir" à Milan, en Italie, le 1er octobre 2021.
 
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"Notre voix leur fait-elle si peur ?", lançait Greta Thunberg, avant de répondre elle-même à cette question : "peut-être parce que nous disons la vérité et la vérité fait toujours un peu peur". C'était fin septembre 2021, à Milan, où la militante suédoise de 18 ans parlait au nom des 400 jeunes sélectionnés par l'ONU pour un échange avec les dirigeants du monde entier en préparation de la COP26 de Glasgow - 400 militants qui, depuis Amsterdam, ont rejoint l'Ecosse en train pour assister à la conférence des Nations unies sur le dérèglement climatique, jugée cruciale pour l'avenir de la planète.

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Greta Thunberg, elle, est arrivée dès le 30 octobre, après s'être jointe, à Londres, à une action de jeunes écologistes contre le rôle des institutions financières dans la crise climatique. La jeune Suédoise avait pourtant décidé, dans un premier temps, de ne pas assister à la conférence sur le climat en raison de l’inégalité de l’accès au vaccin contre la Covid19 dans le monde, pour changer d'avis par la suite, apprenant que tous les participants se verraient offrir un vaccin "pour que tout le monde puisse y participer dans les mêmes conditions".

"Ne jamais renoncer"

Même si, "dans l'état actuel des choses, cette COP n'amènera pas de grands changements", déclarait greta Thunberg à l'AFP en marge d'un concert sur le climat à Stockholm mi-octobre, la COP26 et toutes les réunions internationales "ont le potentiel de changer les choses puisqu'elles rassemblent tant de personnes. Nous devons donc nous assurer que nous saisissons cette occasion, souligne la militante. On va devoir continuer à faire le forcing !


Mon espoir, c'est que nous réalisions tout d'un coup que nous sommes confrontés à une crise existentielle.
Greta Thunberg

Face à plusieurs milliers de personnes qui avaient bravé le froid automnal pour écouter la vingtaine d'artistes venus participer à ce concert pour le climat, la jeune femme a surpris la foule en chantant et dansant Never gonna give you up ("Je ne renoncerai jamais à toi") de Rick Astley.

Douze jours pour la planète

A Glasgow, en Ecosse, les Etats du monde entier ont du 1er au 12 novembre pour négocier et s'engager plus concrètement sur la réduction des émissions de gaz à effet de serre. "Mon espoir évidemment, c'est que nous réalisions tout d'un coup que nous sommes confrontés à une crise existentielle et que nous agissions en conséquence", espère Greta Thunberg. Pour elle, il faut désormais "changer de focus et ne plus chercher à créer des niches dans les programmes, mais plutôt à sauver la planète, le présent et les conditions de vie des générations futures".

Vendredi 5 novembre 2021, la meneuse du mouvement Fridays for Future (vendredi pour le futur) appelle à la grève pour faire pression sur les décideurs.

Le visage d'une jeunesse anxieuse

Le 20 août 2018, toute seule, la lycéenne traumatisée par les atteintes de la société de consommation à l'intégrité de la planète, se met à sécher les cours pour manifester devant le Parlement suédois. Avec sa pancarte, "Grève scolaire pour le climat", Greta Thunberg réclame des actes forts contre le dérèglement climatique - pour sauver l'humanité d'une destruction anoncée.

Quelques semaines plus tard, déjà, son appel s'est propagé auprès de millions de jeunes angoissés pour l'avenir de la Terre en Australie, Belgique, Italie, Suisse, Allemagne, Etats-Unis... En 2019, Greta Thunberg n'a que 16 ans, mais son visage à la fois  angélique et combattant est d'ores et déjà connu dans le monde entier. Elle dérange, mais les médias s'intéressent à elle, à son action radicale et à la mobilisation qu'elle suscite. 

greta turin
Greta Thunberg participe à une marche pour le climat à Turin, en Italie, le 13 décembre 2019. Sur une pancarte à ses pieds, on peut lire en suédois "Grève des écoles pour le climat".
©AP Photo/Antonio Calanni

Dorénavant, le mouvement Fridays for Future réunit chaque vendredi des dizaines de milliers de jeunes manifestants dans le monde entier, qui appellent à changer de mode de vie pour épargner la planète - cesser de voyager en avion, renoncer aux carburants fossiles, changer de régime alimentaire, éduquer les filles pour limiter la croissance de la population mondiale... Le 27 septembre 2019, The Guardian évaluait à deux millions de participants à la grève pour le climat dans le monde entier, pour un total de six millions depuis le début du mouvement.

C’est vraiment parce qu’on a le même âge et qu’on s’identifie à elle qu’on se sent concernées.
Amandine, lycéenne française

En mars 2019, Greta Thunberg venait soutenir la mobilisation des jeunes en France: "Quand j’ai commencé à faire grève, je n’aurais jamais imaginé un tel mouvement". Laurette, lycéenne parisienne, expliquait alors sa mobilisation : "J’ai vu les interviews de Greta Thunberg et ça m’a vraiment alerté""C’est vraiment parce qu’on a le même âge et qu’on s’identifie à elle qu’on se sent concernées," poursuivait Amandine, l'une de ses camarades. "C’est fou, parce que moi, à 16 ans, je suis pas du tout impliquée comme elle. Mais elle me donne envie de faire plus".

La même année, à la veille de la COP25 de Madrid, Greta Thunberg cosigne un manifeste écrit par des militantes écologistes, qui affirment que la crise climatique n’est pas uniquement une question d'environnement, mais est liée à un système politique devenu toxique : "C’est une crise des droits humains, de la justice et de la volonté politique. Les systèmes d’oppression coloniaux, racistes et patriarcaux l’ont créée et alimentée. Nous devons les démanteler. Nos dirigeants politiques ne peuvent plus fuir leurs responsabilités."

 En 2021, Fridays for Future fête ses trois ans et publie un clip illustrant le déni de la crise climatique : l'humanité va droit dans le mur, se préparant à un choc douloureux, alors qu'elle a toute latitude pour agir autrement - si seulement elle regardait autour d'elle. 

Le pouvoir de la jeunesse

Les chefs d'Etat aussi reconnaissent le phénomène Greta Thunberg et le prennent au sérieux : elle est reçue par le pape et Barack Obama ; elle prend la parole à l'Assemblée nationale française et au forum de Davos. En février 2019, aux Pays-Bas et au Royaume-Uni, des centaines de scientifiques publient des lettres ouvertes pour confirmer l'urgence d'agir et pour soutenir publiquement les grèves scolaires pour le climat. Quelques jours plus tard, plus de 260 chercheurs suisses, français et belges publient à leur tour une lettre ouverte appelant à "encourager cette mobilisation de la jeunesse". En France, les enseignants créent un site de soutien aux grèves étudiantes et d'action enseignante. Cette année-là, la jeune fille est désignée personnalité de l'année 2019 par l'hebdomadaire américain Time sous le titre "Le pouvoir de la jeunesse".

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​La même année, l'adolescente militante reçoit le prix Right Livelihood, ou prix Nobel alternatif - un prix créé en 1980 par l'ex-eurodéputé écologiste germano-suédois Jakob von Uexkull, après le refus de la fondation Nobel de créer des prix pour l'environnement et le développement. La fondation Right Livelihood explique qu'elle a choisi de primer l'adolescente "pour avoir inspiré et porté les revendications politiques en faveur d'une action climatique urgente conforme aux données scientifiques... Sa compréhension de la crise climatique basée sur la science ainsi que les maigres réponses apportées sur le thème par la société et les politiques ont conduit Greta Thunberg à se consacrer à la cause et à réclamer des actes contre le changement climatique. Elle personnifie l'idée que chacun a le pouvoir d'infléchir le cours des choses". 

A chaque fois que je reçois un prix, la distinction ne récompense pas ma personne propre. Je représente un mouvement mondial.
Greta Thunberg

"Il va de soi que, comme à chaque fois que je reçois un prix, la distinction ne récompense pas ma personne propre. Je représente un mouvement mondial d'écoliers, de jeunes et d'adultes de tout âge qui ont pris la décision d'agir pour la défense de notre planète", réagissait la jeune lauréate. En juin 2019, Greta Thunberg et son mouvement Fridays For Future reçoivent le prix le plus prestigieux de l'organisation de défense des droits de l'Homme Amnesty International.

Un destin hors norme

Née en 2003 à Stockholm, Greta Thunberg est une enfant à part. Sa mère, la chanteuse lyrique Malena Ernman, vient d'une famille où l'humanisme est mode de vie : "Mon enfance et mon adolescence étaient peuplées de pensionnaires réfugiés et sans-papiers", écrit-elle dans Scènes du coeur, un livre qui campe le contexte familial difficile qui a engendré l'engagement de Greta Thunberg. Le père de Greta et de sa soeur Beata, l'acteur et réalisateur Svante Thunberg, descend, lui, du lauréat du prix Nobel de chimie 1903, Svante Arrhenius, qui fut l'un des premiers scientifiques à formuler la théorie de l'effet de serre et du réchauffement climatique...

Les premières années de Greta et de sa soeur sont nomades : la famille suit la mère de ville en ville, au gré de ses représentations. "Nous vivions deux mois dans chaque ville, puis nous passions à la suivant. Berlin, Paris, Vienne, Barcelone... Notre quotidien ne ressemblait à aucun autre." écrit Malena Ernman. 

greta et Beata
Greta Thunberg et sa soeur Beata, de deux ans sa cadette, elle aussi atteinte de troubles autistiques. Greta entraîne Beata dans son combat.
©Henrik Montgomery/AP

Les années chaotiques commencent avec la préadolescence. Depuis que Greta a découvert dans un documentaire les effets de la pollution sur la planète, l'angoisse ne la quitte plus. Elle confie à ses parents son anxiété face au réchauffement climatique et à ses conséquenses sur l'humanité, qui l'ont précipitée dans la dépression. "Greta faisait partie de cette petite minorité qui ressent le dioxyde de carbone. L'invisible. Cet abîme incolore, inodore et silencieux que notre génération a choisi d'ignorer... Elle était une enfant, nous étions l'empereur. Et nous étions tout nus." écrit sa mère.

La fillette perd dix kilos, sombre pendant huit mois dans l'anorexie et le mutisme... Les médecins diagnostiquent alors chez elle une forme d'autisme, le syndrôme d'Asperger. Pour remonter la pente, la jeune fille puise aux sources de l'anxiété. Finis les achats autres qu'indispensables et les voyages en avion. Elle devient végane, suivie par ses parents. Sa personnalité volontaire et radicale embarque son entourage.

En mai 2018, elle fait la connaissance de Bo Thorén, militant écologiste de la première heure. Quelques semaines plus tard, elle lance la grève du climat. Une égérie est née.

Honneurs et détracteurs

Insensibles aux honneurs, Greta Thunberg semble aussi l'être aux critiques. Il en est certains, à l'instar de Donald Trump, pour qui la jeune militante n'est qu'une "prophète de malheur". L'ancien président américain qualifiait de "ridicule" le choix du Time qui, en 2019 élisait Greta Thunberg personnalité de l'année.

Son discours culpabilisant en exaspère plus d'un - "Vous m'avez volé mon enfance" accusait-elle, des sanglots dans la voix, à l'ouverture du Sommet Action Climat au Siège des Nations Unies à New York, en 2019.

Devant le phénomène qu'elle représente, ses détracteurs ne reculent devant rien pour décrédibiliser Greta Thunberg, y compris des montages trompeurs de ses interviews, comme celle accordée à un média américain en mars 2021. Des publications très partagées, notamment sur Instagram, assuraient alors que la militante écologiste avait changé d'avis et affirmait que le changement climatique n'existait pas. De quoi satisfaire le million d'abonnés d'une page consacrée à l'actualité du Parti Républicain aux Etats-Unis. Mais cette vidéo extraite d'une interview télévisée était en réalité un montage. Les explications dans [à vrai dire] :

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Selon la dernière évaluation de l'ONU, publiée mi-septembre 2021, le monde se dirige vers un réchauffement "catastrophique" de +2,7°C d'ici la fin du siècle alors que chaque fraction de degré supplémentaire multiplie les conséquences dramatiques. Quoi qu'il puisse s'en dire, cette radicale de la cause climatique qu'est Greta Thunberg a peut-être fait plus que toutes les conférences, congrès et autres sommets pour le climat en ralliant des millions de partisans pour la défense de la planète et de l'humanité.