Existe-t-il une approche genrée de la propreté ? La réponse est oui, à en croire les résultats d'une enquête Ifop, et surtout en cette période de confinement et d'épidémie. Les femmes prennent plus de douches que les hommes. Ces derniers sont 20% à ne changer de slip ou caleçon deux fois par semaine, seulement.
"Mains propres, slips sales ?" La formule "choc" utilisée par l'Ifop résume bien la situation. Depuis le début des mesures de distanciation, la France a plutôt bien compris les fameux gestes barrières. Ce qui n'était pas gagné d'avance dans un pays plutôt perçu comme surexposé en matière d'"hygiène social" compte tenu de ses habitudes en matière de salutation, comme la bise aux collègues en arrivant le matin au travail ou la poignée de main.
Il en va tout autrement en matière d'hygiène intime. En gros, dans la rue, en faisant ses courses, ou au travail pour celles et ceux qui ne travaillent pas depuis la maison, on respecte assez bien les consignes. Mais dans la salle de bains, la propreté, c'est loin d'être gagné. Et les plus mauvais élèves sont ... les hommes.
C'est l'Ifop qui le dit : avec le confinement, l'hygiène des Français laisse à désirer.
Dans cette enquête menée par l'institut de sondage, pour
24matins, cette première constatation interpelle : à peine 67% des Français pratiquent quotidiennement une toilette complète en période de confinement, contre 76% avant
. Et c’est parmi la gent masculine que cette tendance à la baisse est la plus forte : la proportion d’hommes se lavant tous les jours le corps et le visage chute de 10 points (61%) par rapport au niveau mesuré début février (71%), contre 74% des Françaises aujourd'hui. Et cela est encore pire chez les hommes confinés seuls : un sur deux se lave tous les jours, contre 70% des hommes vivant à quatre ou plus dans leur foyer.
Ce phénomène donc plutôt masculin affecte avant tout les seniors dont les pratiques en matière d’hygiène ont été inculquées à une époque où le confort sanitaire de base (eau courante, salle de bain, douche…) n’était pas aussi répandu qu'aujourd'hui, apprend-on également. Moins de la moitié (49%) des hommes de 65 ans et plus se lavent entièrement tous les jours, contre plus des deux tiers des jeunes de moins de 25 ans (67%).
Un caleçon propre tous les trois jours ?
Autre domaine dans lequel les hommes sont moins vigilants que les femmes : l’hygiène vestimentaire. Le fait de changer de vêtements, et surtout de sous-vêtements joue aussi un rôle important dans la prévention des infections et le bien-être corporel, nous dit le rapport. Et encore une fois, ce sont les hommes seuls qui se laissent le plus aller : un sur quatre change de sous-vêtement une à deux fois par semaine.
"41% des hommes vivant seul admettent ne pas changer de slip ou de caleçon tous les jours", explique sur
France Info François Kraus, le directeur du pôle actualité de l’Ifop, contre 15% des femmes vivant seules.
Et là encore, les "mauvais élèves" sont surreprésentés dans les rangs des seniors, "qui continuent à avoir des pratiques hygiéniques proches de celles qu’ils ont connus dans leur enfance".
A noter aussi l'émergence, avec le confinement, d'un mouvement des "sans-slip" : l'Ifop rapporte une augmentation significative du nombre d’hommes ne portant plus de slip/caleçon : 5% en avril, soit une proportion cinq fois supérieure à celle observée début février qui était de 1%. Et dans le détail, cette pratique atteint des niveaux non négligeables dans les rangs des hommes seuls (9%).
Le soutien-gorge au placard
Chez les femmes, le mouvement des "free pussies" (terme familier en anglais que l'on traduit par "chattes libres") reste très marginal avec 2%. Si la culotte reste de mise, c'est le soutien-gorge que l'on a de plus en plus tendance à laisser dans les tiroirs. On constate une explosion du nombre d’adeptes du "no bra" (
bra signifiant soutien-gorge en anglais). La proportion de femmes ne portant jamais, ou presque, de soutien-gorge était de 3% avant le confinement. Il est passé à 8% trois semaines après sa mise en place
. Le mouvement "no bra" trouve ainsi dans les conditions de vie imposées par le confinement un terreau propice à une pratique qui, si elle est assez simple à effectuer chez soi, a toujours été plus compliquée à assumer à l'extérieur tant la poitrine des femmes reste sexualisée, explique le rapporteur de cette enquête.
Le regard social sur le corps des femmes ... Libérées du regard des autres, de l'autre. Voilà qui expliquerait pourquoi ce sont les femmes vivant seules qui sont les plus nombreuses à mettre leur "soutif" au placard (12%). Celles qui sont confinées en couple avec des enfants ne sont que 5% à abandonner le port quotidien du soutien-gorge. S'ajoute à cela un facteur générationnel : 20% des jeunes femmes confinées de moins de 25 ans ne portent pas de soutien-gorge, contre 8% des seniors de 65 ans et plus.
Intéressant clin d'oeil de l'histoire, quand on sait que ce soutien-gorge, que les féministes du MLF brandissaient lors des manifestations dans les années 1970, a été imaginé en 1889 par une ouvrière corsetière et militante féministe, Herminie Cadolle, à l'origine pour libérer les femmes d'une autre contrainte, celle du corset.
Face au miroir, la beauté confinée
Comment se regarde-t-on et se voit-on ? Comment faisons-nous face à notre propre miroir, coincé.e.s depuis des jours à la maison, sans le petit compliment du voisin ou de la voisine sur notre tenue, nouvelle cravate ou rouge à lèvres, le regard "salace" ou réprobateur d'un individu face à la longueur d'une minijupe dans le métro au cours du trajet quotidien ? Si le confinement peut libérer les poitrines féminines dans une perspective positive, la dégradation de l’hygiène corporelle et vestimentaire constatée chez certain.e.s d'entre nous peut aussi engendrer une baisse de l’estime de soi. Et l'Ifop a posé la question. Réponse : les femmes confinées ne sont que 12% à se trouver belles en ce moment, soit presque deux fois moins que ce que l’on pouvait observer avant la mise en place du confinement (22%), nous précise le rapport.
Et ça vaut aussi pour les hommes ? Avec un résultat de 22%, ils sont plus nombreux que les femmes à se trouver beaux actuellement, mais comme on ne leur avait pas posé la question avant, difficile d'y voir un effet confinement ou non...
Alors comment expliquer qu'on puisse se trouver moins "belles" sous confinement ? Potentielles prises de poids liées au manque d'exercice, absence d’"accès à des services de soins esthétiques, comme la coiffure, la manucure et l'épilation, etc.", mentionne l'Ifop. Une réponse sans nul doute incomplète qui pourrait alimenter de jolis débats... féministes et philosophiques sur l'estime de soi et sur les injonctions faites au corps féminin. En attendant, on vous invite à relire cette jolie tribune Féminisme et confinement, du pire vers le meilleur de Camille Froidevaux-Metterie ou encore cet article Appelées à rester douces et belles pendant le confinement, les Malaisiennes protestent...