Coronavirus : face à la pandémie, les femmes en première ligne ?

Les femmes en première ligne du coronavirus ? C'est en tout cas ce que constatent plusieurs enquêtes publiées dans la presse britannique. Et ce à plusieurs niveaux : largement majoritaires parmi les personnels soignants, elles font partie des populations qui risquent le plus d'être contaminées.  Autre crainte : l'augmentation des violences conjugales liées au confinement à domicile.
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femmes mexique covid
©AP Photo/Fernando Llano
Selon The Lancet, les femmes sont particulièrement exposées aux épidémies parce qu’elles sont largement sollicitées pour prendre soin des malades et pour gérer les familles. (Mexico, février 2020).
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lucy infirmière kenya
©AP Photo/Patrick Ngugi
Lucy Kanyi, infirmière dans un hôpital de Nairobi (Kenya) a inscrit son nom sur sa combinaison de protection. La revue britannique The Lancet souligne que les femmes sont largement majoritaires parmi les personnels médicaux et donc particulièrement exposées au virus Covid 19.  
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La photo de cette infirmière italienne, endormie sur un bureau a fait le tour des réseaux sociaux. Après plus de dix heures de service non-stop à tenter d’aider des dizaines de patients atteints par le coronavirus dans l’hôpital où elle travaille, elle s'autorise, enfin, une pause de cinq minutes. Il est 6 heures du matin. Élena Pagliarini se retrouve ainsi immortalisée, devant son ordinateur, un drap blanc en guise d’oreiller, son masque, sa charlotte et ses gants toujours sur elle.
 

"Merci pour tout ce que vous faites", écrit en légende l’auteure de la photo , qui n'est autre qu'une collègue. L'image a fait la Une de la presse italienne, et d'ailleurs. 

Consultez le dossier de l'info  sur le coronavirus ici >CORONAVIRUS : UNE ÉPIDÉMIE MONDIALE

Partout, les femmes soignent

Car partout, les femmes sont en première ligne de la pandémie. C'est ce que constate le magazine scientifique britannique The Lancet qui publie une enquête menée par trois chercheuses - Clare Wenham, Julia Smit et  Rosemary Morgan - du groupe de travail international Genre et COVID-19
"Des données officielles chinoises indiquent que plus de 90 % des soignants de la province du Hubei (région la plus touchée par le coronavirus en Chine) sont des femmes", relève la revue médicale. Les femmes constituent la majorité des travailleurs du secteur de la santé et des services sociaux - 70% dans 104 pays analysés par l'Organisation mondiale de la santé (OMS).

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À Wuhan, en Chine, 90% des infirmiers·ères et plus de la moitié des médecins sont des femmes. ⠀ ⠀ Pour endiguer l’épidémie de COVID-19 qui a débuté dans leur pays et palier le manque de moyens et de matériel médical (combinaisons, masques), elles sont allées jusqu’à se couper les cheveux ou se raser la tête (afin de limiter la propagation des microbes), à porter des couches pour adultes afin de pouvoir enchaîner le plus d’heures possibles à l’hôpital, et à prendre la pilule contraceptive en continu pour repousser leurs règles.⠀ ⠀ L’occasion de rappeler le dévouement sans limite du corps médical, que ce soit en Chine ou en France. Infirmiers·ères, médecins, aides soignant·e·s… Tous·tes sont de véritables héro·ïne·s du quotidien ! ✊

Une publication partagée par Simone Media (@simonemediafr) le 17 Mars 2020 à 1 :27 PDT

En France, 78 % des personnels hospitaliers sont des femmes (90 % pour les infirmières et les aides-soignantes). Sur les réseaux sociaux, de nombreux témoignages et des photos d'infirmières, masquées, ont été postées pour alerter face à la pénurie de protections, de vêtements adaptés et de solutions désinfectantes. 
 

Impact genré de l'épidémie ?

L'hebdomadaire britannique The Economist s'appuie sur une étude du Centre chinois de contrôle des maladies portant sur quelque 44 600 personnes atteintes de COVID-19 . Elle a montré que le taux de mortalité chez les hommes était de 2,8%, contre 1,7% pour les femmes. Selon les scientifiques, ces résultats s'expliqueraient par des facteurs biologiques et des style de vie différents. "Par exemple, les hommes chinois sont beaucoup plus susceptibles que les femmes de fumer, ce qui nuit au système immunitaire. En outre, les femmes ont tendance à produire des réponses immunitaires plus fortes contre les infections que les hommes", lit-on.

"Mais par d'autres moyens, peut-être moins évidents, le virus semble affecter de manière disproportionnée les femmes- souligne le journal économique britanniqueLes femmes effectuent déjà trois fois plus de soins non rémunérés que les hommes - et prendre soin de leurs proches avec le virus alourdit leur fardeau".  Selon l'Organisation internationale du travail (OIT), à l'échelle mondiale, les femmes effectuent 76,2% du nombre total d'heures de travail de soins non rémunérées, soit plus de trois fois plus que les hommes. En Asie et dans le Pacifique, ce chiffre atteint 80%.

De son côté, The Lancet regrette que "Les politiques de santé publique ne se sont pas intéressées jusqu’ici aux impacts genrés des épidémies. Ce n’est pas différent pour le coronavirus".

De nombreux pays, dont la France, ont décidé de fermer les écoles pour éviter la propagation du virus. Des millions d'enfants se retrouvent assignés à résidence, avec l'un de leur parent, chargé de faire l'école à domicile. Cette situation comporte bel et bien des effets spécifiques sur les femmes, car ce sont elles, qui le plus souvent "fournissent la plus grande partie des soins informels dans la famille, avec la conséquence de limiter leur travail et leur opportunités économiques "

Confinement et violences domestiques

La crainte d'une recrudescence des violences conjugales est l'une des autres conséquences liées aux mesures de confinement. Un phénomène dont s'inquiètent publiquement les autorités françaises. 

"Le confinement à domicile peut hélas générer un terreau propice aux violences conjugales", a déclaré Marlène Schiappa. La secrétaire d'Etat chargée de l'Egalité entre les femmes et les hommes a ainsi demandé à tous les départements de surveiller la situation des centres d’hébergement d’urgence, notamment qu’y soit respectée la mise en œuvre des mesures barrières et l’organisation de "l’école à la maison" pour les enfants hébergés avec leurs mères. La secrétaire d’État rappelle aussi à tous les professionnels que l’éviction du conjoint violent doit être la règle.

Si les juridictions sont fermées pour éviter la propagation du virus, les services qui assurent le traitement des contentieux essentiels et notamment les affaires de violences conjugales restent opérationnels, tout comme la plateforme arretonslesviolences.gouv.fr.

 "Depuis que les gens sont confinés à domicile, les ONG ont signalé une augmentation de la violence domestique", écrit l’hebdomadaire britannique The Economist

En Italie, "trois féminicides ont été enregistrés en Italie dans les trois premières semaines de l’épidémie, dont deux perpétrés au domicile des victimes", lit-on dans un article d'Axellemag.be. "Pour beaucoup de femmes, la maison n’est pas un lieu sûr ", confie une militante féministe italienne.

Sous-représentation féminine dans les prises de décision

"En dépit du fait que le conseil exécutif de l’OMS (Organisation mondiale de la santé) reconnaisse le besoin d’inclure les femmes dans les prises de décisions pour répondre aux épidémies, la représentation des mêmes femmes aux niveaux nationaux et global dans les espaces politiques qui traite du Covid-19 est inadéquate", dénonce encore The Lancet.

Et de rappeller ce qu'il s'est passé lors de l’épidémie d’Ebola en Afrique de l’Ouest entre 2014 et 2016. "Les normes de genre ont eu pour conséquence que les femmes avaient plus de risques d’être infectées par le virus, compte tenu de leur rôle prédominant comme aidants dans les familles et comme personnels soignants de première ligne", écrit la revue scientifique britannique.
 
"Les rôles de soins prescrits socialement par les femmes les placent généralement dans une position privilégiée pour identifier les risques au niveau local qui pourraient signaler le début d'une épidémie et ainsi améliorer la sécurité sanitaire mondiale", ajoute le magazine. "La lecture de genre semble une clé pour construire une réponse efficace à la flambée de ces maladies ", concluent les trois chercheuses citées dans The Lancet. Sans doute une leçon à tirer de cette nouvelle pandémie.