Cour suprême américaine : Amy Coney Barrett, une juge aux antipodes de Ruth Baden Ginsburg

Qui est Amy Coney Barrett ? C'est elle que Donald Trump, alors qu'il  était encore président des Etats-Unis, avait choisie pour reprendre le fauteuil à la Cour suprême de l'icône des féministes, Ruth Bader Ginsburg, à la suite de son décès en septembre 2020. Qu'il s'agisse du droit à l'avortement ou des armes, cette
professeure de droit ne cache pas ses convictions ultra-conservatrices. Portrait.
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La juge Amy Coney Barrett a pris des positions favorables aux armes à feu et défavorables aux migrants, aux femmes désirant avorter et à la loi sur l'assurance santé Obamacare (ici le 26 septembre 2020 à Washington).
©AP Photo/Alex Brandon
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"Je la garde pour Ginsburg", avait déclaré le président américain en 2018. Figurant déjà sur la liste des favoris pour un poste à la haute cour, Donald Trump lui avait finalement préféré Brett Kavanaugh (après une féroce bataille politique, voir notre article).

"J'aime les Etats-Unis et j'aime la Constitution des Etats-Unis", a lancé Amy Coney Barrett, samedi 26 septembre 2020, dont la nomination a été par la suite confirmée par le Sénat lui permettant de rejoindre la plus haute institution judiciaire du pays. "Un juge doit appliquer le droit écrit. Un juge n'est pas un législateur", a-t-elle voulu rassurer lors de son discours prononcé dans la roseraie de la Maison Blanche, après que le président eut salué les "qualifications inégalables" de la magistrate.

La juge a ensuite rendu un homme appuyé à Ruth Bader Ginsburg, décédée le 18 septembre 2020. "Elle a gagné l’admiration des femmes à travers le pays et dans le monde entier", a dit la magistrate de celle qu’elle a remplacée à la haute juridiction.

Les démocrates sont vent debout. Ils estiment que Donald Trump n'aurait pas dû annoncer le nom de l'heureuse élue avant le scrutin présidentiel du 3 novembre, car ce choix va faire basculer dans le camp conservateur cette institution qui tranche, aux Etats-Unis, les principales questions de société, comme l'avortement ou le droit du port d'armes. Désormais, la Cour suprême ne compte plus que trois juges progressistes sur ses neuf magistrats.

Notre dossier ►DROIT DES FEMMES À L'AVORTEMENT AUX ETATS-UNIS : UNE AFFAIRE PUBLIQUE

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Aux antipodes de "RBG"

Après une enfance à la Nouvelle-Orléans, dans le sud conservateur des Etats-Unis, Amy Coney Barrett a suivi des études brillantes à la faculté de droit Notre Dame, une institution confessionnelle réputée de l'Indiana, où elle a ensuite été professeure pendant 15 ans.

En début de carrière, elle a travaillé pour le juge conservateur de la Cour suprême Antonin Scalia, dont elle a épousé une vision "originaliste" du droit, qui impose de lire la Constitution comme elle a été pensée lors de son écriture.

"Dans un système de jurisprudences, la nouvelle majorité est chargée d'expliquer en quoi la vision constitutionnelle de ses prédécesseurs est imparfaite, et en quoi la sienne saisit mieux le sens de notre loi fondamentale", critiquait-elle dans un article en 2013, relève le magazine Politico

Cette universitaire, louée pour ses argumentaires ciselés, ne siège comme juge fédérale que depuis 2017, après avoir été nommée par Donald Trump. Son processus de confirmation au Sénat, obligatoire en vertu de la Constitution américaine, avait alors déjà été houleux. "Le dogme religieux vit bruyamment en vous", lui avait reproché la sénatrice démocrate Dianne Feinstein. La formule s'était retournée contre son auteure, taxée d'intolérance, et avait paradoxalement augmenté l'aura de la juge dans les milieux religieux. Le groupe ultraconservateur Judicial Crisis Network avait même fait produire des tasses à l'effigie de la magistrate surplombée de la citation.

Sans se départir de son calme, Amy Coney Barrett avait assuré faire la distinction entre sa foi et "ses responsabilités de juge".

Mais ses détracteurs ne sont pas convaincus et citent ses nombreux articles de doctrine juridique écrits depuis Notre Dame, et ses décisions plus récentes en tant que juge qui, selon eux, témoignent de son orientation idéologique.

Catholique pratiquante, mère de sept enfants dont deux adoptés originaires d'Haïti et un petit dernier atteint de la trisomie 21, Amy Coney Barrett est opposée à l'avortement. Amy Coney Barrett et son mari, un ancien procureur, sont membres d'un groupe chrétien nommé The People of Praise (Le Peuple de louange, traduction) fondé en 1971. Comme le précise le Guardian, dans ce groupe, les époux ont autorité sur leurs femmes, et chaque membre doit faire don de 5% de ses revenus à la communauté. 

Amy et Trump
Le président Donald Trump annonce avoir choisi Amy Coney Barrett comme nouvelle juge à la Cour suprême, (le 26 septembre 2020, à Washington).
©AP Photo/Alex Brandon

Pro-armes et pro-vie

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Un sticker à l'effigie de la nouvelle juge de la Cour suprême Amy Coney Barrett. 
©capture d'ecran

Les milieux conservateurs louent une femme "brillante", "impressionnante". Preuve de sa popularité, sur internet, ses fans l'ont même représentée en tenue de Superman.

A la cour d'appel fédérale de Chicago, elle a notamment pris des positions favorables aux armes à feu. Elle a notamment souhaité contester une loi interdisant l'acquisition d'armes à feu pour les personnes ayant commis des crimes. Elle s'est plusieurs fois opposé à des mesures d'aide pour les migrants ainsi qu'à l'assurance santé Obamacare que les républicains veulent démanteler. En 2012, rappelle le Guardian, Amy Coney Barrett s'était attaquée à une mesure de la loi qui imposait aux compagnies d'assurance d'offrir une prise en charge des méthodes de contraception. Elle a été membre de l'organisation Faculty for Life, un groupe réunissant des universitaires opposés à l'interruption volontaire de grossesse (IVG). 

Un de ses discours, prononcé devant des étudiants de Notre Dame, lui est fréquemment reproché.

Se présentant comme une "juriste d'un style différent", elle avait estimé qu'une "carrière juridique" était "un moyen au service d'une cause" et que cette dernière était "de construire le Royaume de Dieu".

La juge Barrett, qui s'est même opposée à l'accès à la contraception, serait un fléau pour les droits des femmes à la santé reproductive.
Daniel Goldberg, directeur de l'Alliance for Justice

En entrant à la Cour suprême, "la juge Barrett, qui s'est même opposée à l'accès à la contraception, serait un fléau pour les droits des femmes à la santé reproductive", estime Daniel Goldberg, le directeur de l'Alliance for Justice, un lobby légal progressiste. "Elle rejoindrait les autres juges nommés par Trump pour faire du mal à notre pays pour des décennies, bien après son départ de la Maison Blanche", prédit-il.

Les célébrités hollywoodiennes de gauche n'ont pas attendu pour lancer une offensive sur les réseaux sociaux contre la nomination d'Amy Coney Barrett. "RBG se retourne dans sa tombe", a tweeté l'acteur Adam Goldberg. L'acteur Alec Baldwin insiste sur le fait que le juge Barrett "n'est qu'une autre carte que le 'psychopathe' (Donald Trump) retourne pour détruire la Constitution". 
 

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"Il y aura des gens qui voteront contre Trump et les républicains parce qu'ils se souviennent de leur mère, de leurs sœurs et de leurs amis décédés des suites d'avortements de rue (clandestins)", a tweeté l'actrice Patricia Arquette. "Amy est comme un hybride de tante Lydia et d'une épouse Stepford ", estime la chanteuse primée aux Grammy Awards Diane Warren, faisant référence à la méchante tante Lydia dans La Servante Ecarlate, (The Handmaid’s Tale)