Fil d'Ariane
La décision est entrée en vigueur un premier avril, mais en ces temps de pandémie mondiale, l'heure n'est pas aux blagues ni aux poissons d'avril. C'est le Panama qui a eu l'idée en premier d'instaurer cette mesure tout à fait sérieuse : une alternance des sorties autorisées entre les femmes et les hommes.
Jusqu'à présent, le Panama avait fermé ses frontières, suspendu les classes, interdit l'entrée aux étrangers et mis en place un confinement obligatoire, avec des sorties limitées à deux heures par jour pour les achats essentiels. Mais sans distinction de sexe. Désormais, les hommes sont autorisés à quitter leur domicile pour se rendre au supermarché ou à la pharmacie le mardi, le jeudi et le samedi, tandis que les femmes peuvent le faire le lundi, le mercredi et le vendredi. Et le dimanche, personne ne sort, sans exception.
"Ce confinement total n'a qu'un objectif: sauver des vies", a déclaré le ministre de l'Intérieur Juan Pino, lors d'une conférence de presse. A l'image d'autres pays, les autorités panaméennes dénoncent le non-respect des mesures de confinement prises par les autorités depuis le 24 mars dans ce pays d'un peu plus de quatre millions d'habitants. C'est pourquoi le gouvernement a décidé de les renforcer.
Le "mécanisme le plus simple à mettre en place pour réduire le nombre de personnes dans la rue était donc d'attribuer certains jours pour circuler aux femmes et certains jours pour circuler aux hommes", a expliqué le ministre. Les sorties sont toujours limitées à deux heures. Ces nouvelles mesures doivent durer deux semaines.
Mais ces décisions ont jeté le trouble au sein de la communauté des personnes transgenres du Panama, qui craint des arrestations.
Ali, un illustrateur de 25 ans travaillant comme tatoueur, est une personne transgenre. Mais sa carte d'identité est celle d'une femme.
"Ma plus grande peur, évidemment, c'est les policiers, qui ne sont pas formés, ni sensibilisés à ce sujet et je ne sais pas quelle attitude ils vont adopter avec moi", déclare-t-il à l'AFP. "Je suis 100% sûr que je vais être arrêté dans la rue et comme je ne rentre pas dans le moule (...), je ne sais pas s'ils vont se montrer agressifs. C'est ce qui me fait peur", poursuit Ali.
L'Association des hommes et femmes neufs du Panama (AHMNP), qui défend les droits de la communauté LGBT+, dénonce "l'effroi" provoqué par cette mesure. "Il y a encore des patrouilles de police qui utilisent l'argument selon lequel Dieu a seulement créé Adam et Eve (...) Alors, que fait une personne transgenre dans cette situation?", interroge Ricardo Beteta.
Ces jours-ci, les barrages de police et les contrôles se sont multipliés dans les rues de la capitale panaméenne, rapporte le correspondant de l'AFP au Panama. Des vigiles contrôlent aussi l'identité des clients à l'entrée des supermarchés.
Ingénieure de formation, Pauline Alazard s'est installée au Panama depuis 2 ans, elle vit au bord de la mer, à deux grosses heures de la capitale, Panama City. "Panama a déclaré l’état d’alerte maximale autour du 12 mars, après avoir répertorié une dizaine de cas dans la capitale. Les écoles ont fermé leurs portes, tous les événements ont été annulés", raconte la jeune femme à nos confrères de Centre-Presse.
Contactée par l’Ambassade de France pour être rapatriée, elle a décidé de rester pour ne pas prendre le risque de ramener le virus dans sa famille qui vit dans l'Aveyron. "Une décision bien difficile car comme tout le monde j'aurais souhaité être avec mes proches durant cette crise. Maintenant je suis bloquée au Panama, je n'ai aucun moyen de rejoindre ma famille en cas de problème. Mais je pense que cette décision reste la plus 'raisonnable' pour les autres. Du moins je l'espère", explique-t-elle dans un message publié sur Facebook.
Depuis le renforcement des mesures de confinement, et la mise en place des sorties alternées entre hommes et femmes, il lui a fallu s'organiser : "Par exemple, je ne peux aller faire mes courses que le lundi, le mercredi ou le vendredi, entre 6h30 et 8h30. Mon copain, lui, pourra sortir entre 9h30 et 11h30 le mardi, jeudi ou samedi… La police veille, en cas de non-respect on reçoit des amendes, voire des peines de prison si c’est une récidive". "Une vie entre parenthèses ponctuée de coupures de courant régulières", rapporte encore le quotidien régional. "On est souvent coupés du monde. Les pannes d’électricité de plus de 4h sont assez fréquentes… On y était déjà habitués : à raison d’une fois par semaine en général mais là, c’est presque tous les jours. On ne sait pas trop pourquoi mais on garde le moral !", témoigne encore la jeune femme, tout en relayant cet appel sur les réseaux sociaux "RESTEZ CHEZ VOUS !".
Le Panama, situé en Amérique centrale et célèbre notamment pour son canal interocéanique du même nom, compte 1.317 cas officiellement recensés de Covid-19, dont 32 décès.
Le Panama n'est pas le seul à faire ces sorties alternées entre hommes et femmes: le président péruvien Martin Vizcarra a annoncé le 2 avril une mesure identique, et cela jusqu'à la fin du confinement, prévue le 12 avril.
Trois jours de sortie pour les hommes (lundi, mercredi, vendredi), trois jours également pour les femmes (mardi, jeudi, samedi) et le dimanche, aucune sortie pour personne. A la date du 3 avril, le Pérou comptait 1.414 cas confirmés de contamination et 55 morts.