Fil d'Ariane
Depuis le début de l’épidémie, son nom n’est pas apparu souvent, mais mi-avril, la BBC a braqué le projecteur sur June Almeida. Cette virologue méconnue, décédée en 2007, est à l’origine de l’observation du premier coronavirus humain dans les années 1960. Depuis le début de la pandémie, ses travaux sont peu à peu mis en lumière.
Née en 1930 à Glasgow, en Ecosse, fille d’un chauffeur de bus, elle est devenue une pionnière dans l’observation des virus. Selon sa notice biographique parue en 2011 dans l’Oxford Dictionary of National Biography, elle a quitté l’école à l’âge de 16 ans pour devenir technicienne en histopathologie (discipline médicale qui consiste à étudier au microscope des tissus atteints par une maladie). Elle travaille au Glasgow Royal Infirmary, puis à l’Hôpital St. Bartholomew de Londres. Après avoir rencontré son mari, un artiste vénézuélien, elle émigre au Canada où elle devient technicienne en microscopie électronique au Ontario Cancer Institute de Toronto.
Malgré la faiblesse de son bagage académique, June Almeida, se fait remarquer pour ses compétences et participe à de nombreuses publications scientifiques. Elle va développer une technique pour observer la structure fine des virus, appelée la microscopie immuno-électronique. Le principe est relativement simple, il consiste à mettre en présence d’un virus des anticorps qui lui sont spécifiques. Ces derniers en se regroupant autour du virus permettent de l’observer précisément selon un principe de contraste négatif.
La technique de microscopie développée par June Almeida était simple, mais révolutionnaire pour le domaine de la virologie. Selon Hugh Pennington, professeur émérite en bactériologie à l’Université d’Aberdeen, cité dans le journal écossais The Herald, c’est cette technique qui a été utilisée en Chine pour observer le SARS-CoV-2.
De couleur bleue, des particules de Covid-19 mises en évidence au microscope électronique en 2020.
En 1964, June Almeida rejoint l’école de médecine de l’Hôpital St. Thomas à Londres, établissement où le premier ministre britannique, Boris Johnson, a été soigné pour le Covid-19, rappelle la BBC. Elle commence alors à collaborer avec David Tyrell, directeur de la Common Cold Research Unit, qui étudie les virus à l’origine des rhumes. Les deux chercheurs étudient un échantillon mis en culture, prélevé sur un écolier, à l’aide de la technique de June Almeida. Tous deux sont donc à l’origine de la publication de la première photo d’un coronavirus dans le Journal of General Virology en 1967.
"Quand June Almeida a regardé dans son microscope électronique en 1964, elle a vu un point rond et gris couvert de minuscules rayons. Elle et ses collègues ont noté que les chevilles formaient un halo autour du virus, un peu comme la couronne du soleil", rapporte le National Geografphic.
Born and raised in Glasgow, June Almeida immigrated to Toronto for a job at the Ontario Cancer Institute. She would pioneer microscope techniques that would revolutionize the field of virology. Her work around coronaviruses is becoming fully appreciated a half century later. pic.twitter.com/IWqJnhLKka
— St. Andrew's Society of Toronto (@StAndrewToronto) April 21, 2020
Ils remarquent que la structure du virus qu’ils observent est semblable à celle d’autres virus qui provoquent des maladies chez des animaux. Comme les virus à l’origine de la bronchite infectieuse aviaire (découverte en 1930), de la gastro-entérite du porc et de l’hépatite murine (découvertes respectivement en 1946 et 1949), il présente une sorte de couronne. Le terme de coronavirus apparaît pour la première fois en 1968 dans une note synthétisant leurs recherches et celles d’autres virologues publiées dans la revue Nature. Cette nouvelle famille de virus ne sera adoptée par le Comité international de taxonomie des virus (ICTV) qu’en 1975.
Au départ, l’observation du premier coronavirus humain par June Almeida est rejetée par les relecteurs d’une revue scientifique, pour qui il s’agissait d’une mauvaise photo du virus influenza à l’origine de la grippe, indique la BBC.
Mais les travaux de June Almeida ne s’arrêtent pas aux coronavirus. Elle est à l’origine de la première observation en détail du virus à l’origine de la rubéole, et sa technique a notamment servi à identifier deux composants distincts dans le virus de l’hépatite B. Devenue professeure de yoga, elle revient à son premier métier de chercheure à la fin des années 1980 pour participer aux recherches sur le VIH et sur l'imagerie du virus du sida. June Almeida est morte en 2007.
Congress fought him.
— David Beard (@dabeard) April 20, 2020
Scientists rejected her.
In today's newsletter, how a decisive, science-oriented George Washington swiftly saved America from a deadly epidemic, & how June Almeida (pictured with her granddaughter) discovered the #coronavirus https://t.co/mEokKZMMGZ @NatGeo pic.twitter.com/nmwf1Lkq5T
Comme pour beaucoup de femmes en science, l’ampleur de sa contribution à la recherche scientifique, jusqu’ici oubliée, ressort au grand jour avec cette pandémie.